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Le programme fiscal conservateur d’Emmanuel Macron

Lire la chronique de Thierry Afschrift Professeur ordinaire à l'Université libre de Bruxelles.

Il a longtemps fallu attendre le programme du candidat à la mode à l’élection présidentielle française, Emmanuel Macron. Cette longue attente n’a fait qu’accroître la déception de ceux qui imaginaient que, comme le disaient ses détracteurs, les idées du candidat seraient libérales.

On constate d’abord que le programme met fort peu l’accent sur les questions fiscales. Il n’est ni question d’une diminution globale importante des impôts, ni d’un allègement des charges administratives et des sanctions encourues par les contribuables, qui ont pourtant toutes deux augmenté sensiblement sous les gouvernements socialistes auxquels Emmanuel Macron a participé. Parmi les rares réductions d’impôts annoncées, il y a la diminution de l’impôt des sociétés de 33 à 25 %. Il faut dire qu’avec un taux aussi élevé, dépassé, seulement par la Belgique en Europe, la France pouvait difficilement rester compétitive, et que la réduction annoncée ne suffira pas à combler la différence avec ses concurrents. Il s’agit d’un problème similaire à celui de la Belgique.

Le drame de l’Europe en déclin est de n’avoir affaire qu’à ce type de politiciens, qui ne cessent de faire sans cesse la même chose que leurs prédécesseurs.

Si le leader du mouvement En Marche ! annonce aussi une baisse des impôts sur les ménages, il ne s’agit que d’une dizaine de milliards, ce qui à l’échelle de la France est un montant particulièrement peu élevé. De plus, il ne s’agit pas, selon le candidat, d’une réduction de l’impôt sur le revenu, mais d’une suppression, pour une partie importante des contribuables, de la taxe d’habitation. Et enfin, ces modestes réductions d’impôts devraient s’accompagner d’une augmentation substantielle de la cotisation sociale généralisée (CSG), ce qui devrait être, toujours comme le font, dans le meilleur des cas, les gouvernements belges, une opération blanche pour le Trésor. On sait qu’en France la CSG est en réalité un second impôt sur le revenu, qui frappe les revenus de toutes les catégories, mais qui est proportionnel et non progressif. Dans son obsession à n’être ni à gauche, ni à droite, le candidat n’ose pas proposer une suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), mais le limite à la fortune immobilière. C’est un progrès pour les détenteurs d’actions ou d’autres actifs financiers qui échapperaient ainsi à l’ISF, mais ce n’est pas comme cela que l’on incitera des personnes à investir dans l’immobilier, alors que les propriétaires français sont déjà durement frappés par les mesures prises par le gouvernement, dont faisait partie Emmanuel Macron, à propos des relations entre propriétaires et locataires.

De plus, celui-ci propose une augmentation substantielle des droits de succession, qui sont déjà particulièrement élevés en France, et qui sont, eux aussi, un impôt sur la fortune, même s’il n’est pas perçu tous les ans.

Ce que promet Emmanuel Macron est en réalité très proche de ce que réalise le gouvernement actuel dans le domaine fiscal : l’immobilisme avec de grands mots, du genre tax shift,…

Comme un budget est fait de recettes, mais aussi de dépenses, on n’est pas étonné de voir qu’Emmanuel Macron annonce certes une réduction de 3 points (en cinq ans ! ) du niveau des dépenses par rapport au PIB, et ce dans le pays qui, en Europe, a les dépenses publiques les plus élevées. Cette promesse ne s’accompagne d’aucune précision puisque le candidat, qui vient de quitter des fonctions de ministre dans un gouvernement qui n’a cessé d’augmenter les dépenses, se garde bien d’annoncer dans quel domaine il fera des économies. Il ne touche ni au mammouth que constitue l’éducation nationale française, ni à la fonction publique, dont il ne prévoit la réduction que de 120 personnes en cinq ans, ce qui est tout à fait dérisoire dans un pays comme la France. Bien entendu, on n’imagine pas qu’il prenne le moindre risque dans le domaine de la sécurité sociale, sacro-sainte chez nos voisins du Sud, comme en Wallonie.

En fait, il ne faut pas s’étonner que la plupart des hiérarques du MR belge aient marqué leur préférence pour Emmanuel Macron, plutôt que pour François Fillon, qui propose quelques réformes beaucoup plus libérales. Ce que promet le premier est en réalité très proche de ce que réalise le gouvernement actuel dans le domaine fiscal : l’immobilisme avec de grands mots, du genre tax shift, pour des amendements minuscules à une réalité qui est celle d’un Etat obèse. Le programme d’Emmanuel Macron se limite à des mesures qui ne s’attaquent pas au vrai problème qui, en France comme en Belgique, est l’emprise excessive de l’Etat dans tous les domaines, économiques ou non. Emmanuel Macron propose la poursuite du vieux système social-démocrate qui est pourtant partout au bord de la faillite, avec un emballage un peu plus moderne. Le drame de l’Europe en déclin est de n’avoir, presque partout, affaire qu’à ce type de politiciens, qui ne cessent de faire sans cesse la même chose que leurs prédécesseurs, tout en devant savoir qu’à long terme le système qu’ils défendent est condamné.

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