Krach des Bourses: quelles opportunités?
Que faire face à la déroute des Bourses ? A court terme, il n’y a malheureusement pas d’autre réelle alternative que subir. Mais à plus long terme, des opportunités commencent à émerger.
En Bourse, les chutes historiques se succèdent quasiment jour après jour depuis que la contagion de coronavirus s’est répandue hors de Chine. Les banques centrales ont tenté d’intervenir tour à tour avec des baisses de taux de la Réserve fédérale américaine, de la Banque de Réserve d’Australie ou de la Banque d’Angleterre. La Banque centrale européenne a pour sa part annoncé de nouveaux programmes de financement. Monsieur Le Marché n’a toutefois que faire des taux ou des valorisations. Les seuls chiffres qui l’intéressent sont l’évolution de l’épidémie de Covid-19.
Que vont faire les marchés dans les jours à venir ? Autant le dire tout de suite, c’est la bouteille à encre. Cela supposerait de pouvoir prédire l’efficacité des mesures de confinement et des traitements expérimentaux, l’évolution du climat de confiance, ou l’accueil des marchés aux assouplissements des banques centrales.
Quelles valeurs refuges sont à conseiller ? La question est quasiment devenue hors propos. La semaine dernière, absolument tout a baissé, même des valeurs refuges par excellence comme l’or ou les bons du trésor américains.
Si les pertes semblent inévitables à court terme, la chute peut aussi offrir des opportunités à long terme. ” La crise sanitaire est une crise temporaire… On devrait voir un rebond de l’économie dans la seconde partie de l’année 2020 “, affirme ainsi Xavier Timmermans, stratégiste chez BNP Paribas Fortis. Un avis que partagent de nombreux économistes qui évoquent aussi la perspective d’un mouvement de rattrapage et l’impact bénéfique de la chute du pétrole (surtout en Europe et en Asie).
Selon Jocelyn Jovène, rédacteur en chef du site Morningstar France, il est ainsi temps pour l’investisseur de suivre les conseils du célèbre Warren Buffett : ” il faut avoir peur quand tout le monde est avide et être avide quand tout le monde a peur “.
Impacts durables
Crise temporaire ne signifie toutefois pas qu’elle n’aura pas d’effet durable. Pour les entreprises les plus fragiles, cela pourrait être la goutte d’eau qui fait déborder le vase comme l’a montré la faillite de la compagnie aérienne britannique Flybe. On peut aussi s’attendre à ce que la crise du Covid-19 accélère certains changements d’habitudes des consommateurs. Le commerce alimentaire en ligne connaît ainsi un véritable boom, bien plus marqué que ce qui était prévu.
La dernière semaine de février, ” les ventes de produits sur le site de Delhaize ont augmenté de 40%. Pour la première semaine de mars, cette augmentation a même atteint 60%, voire 70% “, a ainsi déclaré Roel Dekelver, porte-parole de Delhaize, au site spécialisé Gondola. Delhaize a même annoncé dans la foulée le lancement d’un projet pilote de livraison de courses à domicile le dimanche.
Selon une étude d’analystes d’UBS, les plateformes de livraisons de repas (Deliveroo, Takeway, Uber Eats, etc.) ont aussi le vent en poupe. Deliveroo ou Glovo ont même développé des livraisons sans contact (humain) pour rassurer les consommateurs.
Michael Olson, analyste chez Piper Sandler, estime pour sa part que Netflix devrait attirer davantage de nouveaux abonnés au premier trimestre. Coincés chez eux à cause de l’annulation d’événements ou des mesures de confinement, les consommateurs optent pour la télévision et le streaming pour se changer les idées. Michael Olson table sur une croissance de 3,8% en Amérique du Nord, marquant une nette accélération dans un marché saturé, et 30,9% à l’international.
Attention aux fondamentaux
S’agissant de tendances de fond accélérées par la pandémie de Covid-19, l’effet devrait être durable. Une grande partie des consommateurs qui ont opté pour les courses en ligne ou la livraison de repas trouveront sans doute la formule intéressante. De même, les nouveaux accros à Netflix ne décrocheront pas facilement des nombreuses séries de la plateforme.
Pourtant, toutes les entreprises actives dans ces secteurs ont plongé en Bourse. Il y a donc des opportunités à saisir. Mais attention à toujours bien tenir compte du modèle d’affaires. Le Covid-19 ne va pas améliorer comme par magie la rentabilité défaillante des acteurs de la livraison de repas à domicile qui se livrent à une concurrence sans merci. Uber pourrait ainsi profiter d’une croissance dans la livraison de repas, mais on peut imaginer que l’épidémie a sans doute aussi freiné l’évolution de ses services de livraison.
Netflix est par contre bien mieux positionné pour profiter très rapidement d’un surcroît de croissance. Ses principaux coûts concernent en effet les droits et la réalisation de contenu qui sont globalement fixes. Toute amélioration du chiffre d’affaires se traduit donc par des bénéfices supplémentaires. D’autant plus que la plateforme approche de son plafond en matière de dépenses pour son contenu. Après une flambée entre 2015 et 2019 (croissance annuelle de 34%), le budget contenu de Netflix ne devrait plus augmenter que de 12% cette année, maintenant qu’il a une longueur d’avance sur ses concurrents.
Sous-traitants et dividendes
Qui dit livraison à domicile dit forcément, surtout, Amazon. Le géant de l’e-commerce a plongé ces dernières semaines en Bourse, rendant sa valorisation un peu moins élevée, même si elle reste très tendue. mais les sous-traitants du secteur pourraient aussi bénéficier de l’accélération du commerce en ligne. Pensons notamment au spécialiste néerlandais des paiements en ligne Adyen, plébiscité par les plus grandes entreprises comme Netflix ou eBay, aux géants de la livraison de colis Deutsche Post (DHL) et FedEx, ou à Ocado qui loue ses solutions d’e-commerce alimentaire aux grands distributeurs. L’entreprise britannique se charge de toute la gestion logistique, ayant développé un système d’entrepôts automatisés de pointe. Marks & Spencer, Casino, Sobeys, ICA ou Kruger ont déjà signé des partenariats avec Ocado.
Evidemment, les opportunités ne se trouvent pas seulement dans le secteur technologique. Frank Vranken, stratégiste en chef chez Puilaetco, épingle tout particulièrement les actions à dividende, tout en précisant que ce sont les entreprises avec des bilans solides qui pourront continuer à verser des dividendes généreux. ” En 2008, certains indices de sociétés immobilières ont récupéré leurs pertes beaucoup plus rapidement que les marchés ou d’autres secteurs où les dividendes ont été réduits “, rappelle le stratégiste. Sur Euronext Bruxelles, Cofinimmo, WDP ou Intervest Offices n’ont pas échappé à la raclée boursière. Globalement, Frank Vranken privilégie ainsi ” les banques les plus solides, les groupes de luxe, les sociétés immobilières “.
Les affectés temporairement
D’autres préconisent enfin de profiter des grosses opportunités pour des entreprises qui souffrent de la crise du coronavirus, mais pour qui l’impact ne devrait être que temporaire. Kinepolis fait office de cas d’école. Le groupe a annoncé la fermeture de tous ses cinémas en Belgique jusqu’à la fin mars. Il pourrait faire une pause dans sa politique d’expansion, voire raboter le dividende 2020 pour conserver des liquidités. Mais la chute de moitié du titre en quelques semaines intègre déjà un scénario sombre, justifiant un conseil d’achat pour Guy Sips de KBC Securities.
Parmi les autres actions durement sanctionnées, épinglons le secteur aérien. Pour certaines compagnies déjà en difficultés, le Covid-19 pourrait s’apparenter au coup de grâce. Celles qui parviendront à passer cet écueil profiteront par contre de la poursuite de la concentration du marché, tout comme de la chute du prix du pétrole (quand leurs couvertures viendront à échéance). Les low cost Ryanair et EasyJet sont assez logiquement les plus citées comme candidats à cette reprise post-épidémie.
L’exploitant néerlandais de salles de sport Basic-Fit a aussi vu son cours dégringoler ces dernières semaines. La société fonctionnant par abonnements, c’est surtout l’ouverture de nouvelles salles qui souffre du Covid-19. Les analystes de Degroof Petercam ont toutefois confirmé leur conseil d’achat et leur objectif de cours de 40 euros, ce qui offre désormais un potentiel d’appréciation substantiel.
Certaines entreprises peuvent profiter directement du coronavirus et ont tout particulièrement retenu l’attention des investisseurs ces dernières semaines. C’est notamment le cas des fabricants de masques chirurgicaux asiatiques. Le japonais Kawamoto avait, par exemple, sextuplé en Bourse. Le cours a toutefois ensuite rechuté car le surplus de demande est ponctuel et les capacités de production ne sont pas extensibles à souhait. Dans d’autres cas, comme l’américain 3M, l’activité masques est tout simplement trop dérisoire. Reste le titre sans doute le plus recherché ces dernières semaines par rapport au coronavirus : Gilead. Cette entreprise biopharmaceutique américaine a lancé dès février des études de phase 3 pour le remdesivir, un traitement expérimental prometteur du Covid-19. Les résultats sont attendus fin avril et, s’ils sont concluants, la commercialisation sera rapide. Gilead aurait des mois d’avance sur la concurrence. Reste à voir quel serait le potentiel de vente. Morgan Stanley évoque un prix de vente de 260 dollars (en Chine). Si on le multiplie par le nombre de malades actuel (un peu plus de 200.000), cela ne représente qu’un potentiel de 52 millions de dollars, ce qui est peu pour un groupe dont les ventes annuelles atteignent les 22 milliards de dollars.
Le potentiel serait bien plus conséquent si le remdesivir était commercialisé comme traitement prophylactique (préventif), mais on en est encore loin. Et le fait qu’il s’agisse d’une injection ne joue pas en sa faveur. Dans tous les cas, cette opération resterait un bonus non récurrent et peu influent sur la valorisation de la société à long terme.
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