L’écart fiscal entre les célibataires et les couples avec enfants encore profond

La suppression du quotient conjugal, un avantage fiscal accordé aux couples mariés ou cohabitant légalement, est à l’ordre du jour de la réforme fiscale du ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V). Selon Michel Maus, professeur de droit fiscal (VUB), il s’agit d’un bon point de départ, mais insuffisant pour réduire l’écart fiscal important entre les célibataires et les couples.

Je n’ai pas choisi cette situation. Si vous ne rencontrez personne qui vous convient, c’est qu’il n’y a personne », déclare Martine* (53 ans), célibataire depuis 28 ans. Martine travaille dans le secteur informatique. Jan* (44 ans) vit également seul depuis plus de 20 ans. Il est fonctionnaire au ministère des Finances. “J’arrive largement à boucler les fins de mois, mais je ne peux pas me permettre beaucoup d’extras“, confie-t-il. “En outre, les coûts sont assez élevés, surtout ces dernières années avec la hausse des prix. »

La famille comme pierre angulaire

Les autorités fiscales ne font pas seulement la distinction entre les célibataires et les couples mariés lors de la déclaration d’impôts. Le quotient conjugal allège également la charge fiscale des couples dont l’un des partenaires n’a pas de revenus ou des revenus très faibles. Le conjoint dont les revenus sont les plus élevés peut attribuer une partie de ses revenus au conjoint dont les revenus sont faibles ou nuls. Ce dernier dispose alors d’un revenu fictif plus faible et entre dans une tranche d’imposition inférieure.

On a réintroduit ce système il y a des années et on a opté fiscalement pour la famille en tant que pierre angulaire de la société“, déclare l’avocat Michel Maus, professeur de droit fiscal à la VUB.

Le statut du conjoint aidant est également une illustration du privilège des couples mariés, selon Maus. “La femme du boulanger qui aide son mari en boutique reçoit 30 % des bénéfices de la boulangerie. Les bénéfices sont fictivement transférés à la femme, ce qui réduit la charge fiscale globale. Il s’agit d’un système similaire au quotient conjugal, qui peut également être remis en question. »

Vers la suppression du quotient conjugal ?

La suppression du quotient conjugal est à l’ordre du jour. C’est ce qu’envisage le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) dans sa réforme fiscale, qui devrait entrer en vigueur à partir de 2024.

J’ai été un peu choqué par la proposition de Van Peteghem“, admet le professeur Maus. “Le CD&V, le parti de la famille, qui toucherait à un avantage fiscal lié à un élément de la famille ?  Si le CD&V est déjà prêt à y réfléchir, c’est qu’il est temps de passer à autre chose. »

Les statistiques montrent également que le moment est venu d’orienter davantage les politiques fiscales vers les ménages composés d’une seule personne. Il n’y a en effet jamais eu autant de ménages de ce type ces dernières années. Le nombre de personnes vivant seules augmente considérablement par rapport au nombre de couples.

Sentiment d’injustice

Malgré l’augmentation spectaculaire du nombre de célibataires, ce groupe reste le plus lourdement taxé en Belgique. C’est ce qui ressort du rapport de l’OCDE publié le mois dernier.

Depuis 2000, l’OCDE publie un rapport annuel sur la charge fiscale pesant sur le travail“, expose Maus. “Depuis 2000, le Belge célibataire sans enfant occupe la première place. »

En 2022, la charge fiscale des célibataires sans enfants était de 53 %, contre 37,8 % pour les célibataires avec deux enfants et 45,5 % pour les couples avec enfants.

Plus il y a d’enfants, moins la charge fiscale est élevée

En dehors des systèmes de quotient conjugal et de conjoint aidant, il n’y a guère de distinction fiscale entre deux célibataires ou un couple sans enfant. C’est ce qu’a récemment constaté Mark Delanote dans une interview accordée à Trends. Il est membre du Conseil supérieur des finances et a collaboré au projet de réforme de Van Peteghem.

Les contribuables ayant des enfants à charge bénéficient d’avantages fiscaux importants. Plus la personne ou la famille a d’enfants, plus le revenu exonéré d’impôt augmente. En résumé, plus il y a d’enfants, moins la charge fiscale est élevée.

Selon Michel Maus, la grande différence se situe au niveau de la charge des enfants. “Nous devrions nous demander si l’augmentation de l’exonération d’impôt pour enfants à charge ne devrait pas être freinée en prévoyant un taux uniforme par enfant. Les montants sont aujourd’hui de plus en plus élevés par enfant, je pense que cela n’a pas de sens.”

“On parle beaucoup des droits de l’homme, mais cette injustice à l’égard des personnes seules persiste ».

Martine

Martine* trouve injuste cette distinction entre les personnes vivant seules et les familles. “Je vois autour de moi des familles beaucoup plus aisées que moi. Alors pourquoi est-ce que j’ai plus de difficultés ?”, se demande-t-elle. “On parle beaucoup des droits de l’homme, mais cette injustice à l’égard des personnes seules persiste ».

Les célibataires traités différemment

Les célibataires sont traités différemment sur le plan fiscal dans d’autres domaines également. Bien que ces différences avec les couples ou les couples mariés soient minimes, elles suscitent toujours un sentiment d’injustice. Par exemple, les célibataires paient des droits d’enregistrement lorsqu’ils achètent une maison seuls, alors qu’un couple peut partager ces frais.

Les couples peuvent également partager les taxes provinciales. Certaines provinces appliquent déjà des taux réduits aux personnes vivant seules, mais ce n’est pas encore le cas partout. En ce qui concerne la taxe sur les ordures ménagères, certaines municipalités font déjà une différence entre le taux appliqué aux célibataires et celui appliqué aux familles.

Bien sûr, il s’agit de très petites taxes, mais il est symboliquement pertinent de prendre en compte le fait que les familles peuvent les payer plus facilement que les personnes vivant seules

Michel Maus

Ma carrière est basée sur la sécurité. En tant que célibataire, on prend moins de risques et on peut donc moins s’épanouir”, explique Martine*.  “On donne beaucoup, mais on ne reçoit jamais rien en retour ».

Jan* partage cette opinion : “Je paie autant pour mon ménage que la famille de quatre personnes à côté de chez moi. Je n’ai droit à aucune réduction ou allocation. S’il y en avait une, je l’apprécierais“.

Pour ce qui est de l’octroi d’allocations aux personnes vivant seules, le professeur Maus estime que la marge budgétaire est moins importante. Cependant, il pense que la société et certainement le monde politique gagneraient à être plus attentifs aux plaintes fiscales des personnes vivant seules.

“Je n’ai pas l’impression qu’il y ait vraiment un parti politique qui tire la carte des célibataires ou qui plaide ouvertement en leur faveur. Ils devraient avoir davantage d’attention du monde politique, parce que tout le monde doit se dire que même dans les meilleurs couples, il y a un jour ou l’autre quelqu’un qui se retrouvera seul. »

*Martine et Jan sont des pseudonymes.

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