Le bon bulletin (provisoire) des entreprises belges

WDP. Spécialisée dans les entrepôts logistiques, la société immobilière réglementée prévoit d’atteindre ses objectifs de 2025 dès cette année. © Getty Images

De Barco à WDP en passant par Lotus Bakeries, la saison des résultats annuels a bien commencé sur Euronext Bruxelles. Assez pour inverser la tendance d’un Bel20 à la traîne depuis de (trop) longues années?

Les investisseurs belges ont eu peu de raisons de se réjouir ces dernières années, le Bel20 ayant systématiquement fait moins bien que le Stoxx 600. Sur cinq ans, l’indice bruxellois affiche un rendement annuel de 3,9% (dividendes compris), contre 8,9% pour son homologue paneuropéen. Cette sous-performance a même atteint des sommets l’an passé, avec un maigre rendement de 3,5% pour le Bel20, contre 15,8% pour le Stoxx 600 et 21,9% pour le S&P 500 américain.

Autant dire que l’heure n’était pas à l’optimisme avant que WDP n’inau­gure la saison des résultats au sein du Bel20. Spécialisée dans les entrepôts logistiques, la société immobilière réglementée (SIR) aurait pu souffrir de la contraction de l’activité industrielle en Europe et du ralentissement de l’e-commerce. Mais non.

Son taux d’occupation demeure maximal (98,5%), ses revenus ont bondi de 12% et la valorisation de son portefeuille immobilier n’a cédé que 3,4%, malgré la forte remontée des taux. WDP, qui prévoit ainsi d’atteindre ses objectifs de 2025 dès cette année, a par conséquent annoncé un nouveau plan de croissance baptisé Blend 2027. Financièrement, la SIR vise un dividende de 1,36 euro dans trois ans, grâce à un programme d’investissement de 1,5 milliard (entièrement financé).

Ces excellentes perspectives ont toutefois un prix pour l’investisseur. WDP affiche en effet un rendement de dividende net de 3%, moitié moins que Cofinimmo ou Aedifica. Ce qui explique que la moitié des analystes ont aujourd’hui un avis neutre.

Notons que Montea, concurrent de WDP, a lui aussi publié des chiffres annuels très solides (croissance de 17% des revenus) et offre un rendement de dividende net de 3,4%.

Le cap du milliard

Avec une croissance de 15% de son chiffre d’affaires et de son profit opérationnel, Melexis, spécialiste des semi-conducteurs pour l’industrie automobile, a publié des résultats annuels à nouveau solides. L’entreprise de Roland Duchâtelet vise à atteindre pour la première fois en 2024 le milliard d’euros de reve­nus. A plus long terme, Michael Roeg, analyste chez Degroof Petercam, souligne que Melexis continuera à profiter de l’augmentation de la part de l’électronique dans l’automobile “grâce à l’électrification, à la conduite autonome et assistée et à une liste croissante de fonctions de sécurité et de personnalisation”. L’analyste estime toutefois que le potentiel pour les 12 prochains mois est limité, en raison d’un ralentissement cyclique.

Si la plupart des entreprises belges ont confirmé/rassuré jusqu’à présent, ce n’est pas le cas d’Umicore, dont la chute des bénéfices s’est accélérée au second semestre.

Lotus Bakeries a atteint le cap du milliard de chiffre d’affaires en 2023, grâce au bond de 21% de ses ventes. Une croissance soutenue par le développement du groupe dans les encas sains et plus particulièrement encore par l’internationalisation du spéculoos, qu’il convient aujourd’hui d’appeler Biscoff. Ce dernier est devenu la cinquième marque mondiale dans le segment des biscuits et Lotus vise désormais la troisième place, à proximité de Chips Ahoy – mais à distance de l’indétrônable Oreo.

Lotus Bakeries. Il se murmure que le biscuitier pourrait enfin intégrer le Bel20. © BELGA

En Bourse, il se murmure que le biscuitier pourrait enfin intégrer le Bel20 lors de la prochaine révision, alors que sa capitalisation dépasse aujourd’hui les 7 milliards. Le titre a ainsi tout pour plaire : tendance favorable, forte croissance de long terme, amélioration de la rentabilité, situation financière extrêmement saine et hausse du dividende (+29%, à 58 euros brut, en 2023). Toutefois, la valorisation tendue (55 fois les bénéfices) en a refroidi plus d’un. Maxime Stranart (ING), dernier analyste à l’achat, vient ainsi d’abaisser sa recommandation à conserver, tout en soulignant que l’horizon à long terme demeure largement favorable. Il table sur un chiffre d’affaires de 3 milliards en 2035. Bref, un titre à réserver aux fins gourmets disposant d’un long horizon d’investissement.

KBC limite les dégâts

Après les chiffres et les prévisions décevants émis par BNP Paribas et ING, la méfiance était de mise avant la publication du rapport trimestriel de KBC. Le bancassureur a finalement surpris positivement. Son profit trimestriel a certes baissé (-7%), mais sans ternir le bilan global de l’année : bénéfice de 3,4 milliards (+21%) et dividende annuel de 4,15 euros par action.

KBC a aussi rassuré quant à ses perspectives puisqu’il mise sur des revenus nets d’intérêts (différence entre coût de financement et intérêts perçus sur les crédits) d’environ 5,4 milliards en 2024, quasiment stables par rapport à l’année dernière.

Cela n’a toutefois pas suffi à réellement convaincre les analystes, qui demeurent mitigés – l’on recense neuf recommandations “acheter”, 10 “conserver” et trois “vendre”. L’une des principales objections est la dégradation de l’environnement de taux pour le secteur bancaire.

Pour Barco, 2023 a ressemblé à une descente aux enfers. Optimiste après un premier trimestre de bonne facture (croissance des ventes de 20%), le groupe courtraisien a ensuite dû se résou­dre à émettre deux importants avertissements sur résultats, en raison de la dégradation de ses activités en Chine. Son chiffre d’affaires a finalement baissé de 1% en 2023, conformément à ses dernières estimations.

Ses prévisions ont rassuré elles aussi puisque le spécialiste des solutions d’imagerie (cinéma, santé, écrans professionnels…) mise sur des résultats stables en 2024. Il devrait donc mettre fin à la dégringolade observée ces derniers trimestres et poser de la sorte les bases d’un retour à la croissance en 2025.

Kris Kippers, chez Degroof Petercam, voit même des raisons d’espérer une embellie un peu plus tôt, notamment grâce à la reprise des commandes, qui ont bondi de 17% entre le troisième et le quatrième trimestre. Au total, cinq analystes sur six sont à l’achat alors qu’après avoir chuté de 38% en un an, le titre est fondamenta­lement bon marché.

Sur la voie du redressement

Bien qu’actifs dans des segments différents, Fagron et Ontex faisaient face au même défi : confirmer leur récent redressement. Ontex y est parvenu. Même si les ventes demeurent faibles (-3% au quatrième trimestre), le fabricant de langes a gardé le cap au niveau des marges. Il semble ainsi sur la bonne voie après plusieurs années compliquées en raison de la hausse du coût des matières premières, de pertes de contrats et de son important endettement, désormais sous contrôle. Sur la base des prévisions pour les prochaines années, le titre est bon marché (moins de sept fois les bénéfices). Mais après les pertes de 2021 et de 2022, il faudra du temps pour qu’Ontex retrouve pleinement la confiance des marchés.

Bien qu’actifs dans des segments différents, Fagron et Ontex faisaient face au même défi : confirmer leur récent redressement.

Spécialisé dans les préparations pharmaceutiques (ingrédients, laboratoires, etc.), Fagron a connu une période faste jusqu’à ce que ses activités américaines décli­nent, en 2015. Huit ans plus tard, le groupe semble enfin remis sur les rails. L’année dernière, son chiffre d’affaires a bondi de 12% et son profit opérationnel, de 11%. Sa situation financière est assainie. Il prévoit pour 2024 une croissance organique de 6% et une amélioration de ses marges, suffisant pour acheter le titre selon Frank Claassen, de Degroof Petercam. “Nous sommes positifs sur les moteurs de croissance structurels du marché des médicaments personnalisés (au centre de la stratégie de Fagron, Ndlr) : moins d’effets secondaires, population vieillissante nécessitant d’autres dosages, davantage de médicaments hors brevet, pénuries, externalisation par les hôpitaux. Fagron se négocie à moins de 9 fois les bénéfices estimés de 2024. Nous augmentons notre objectif de cours à 23 euros.”

El Niño et le Mont Ulawun

Le groupe de plantations Sipef, essentiellement actif dans l’huile de palme (labellisée), a connu une année difficile. Sa production a été affectée par le phénomène El Niño, en Indonésie, et l’éruption du Mont Ulawun, en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le cours moyen de l’huile de palme a chuté de 28% et le bénéfice de Sipef a dès lors fondu de 32%, mais les marchés craignaient pire encore.

Sipef table sur une reprise de la production en 2024 et Frank Claassen souligne que les cours de l’huile de palme ont récemment repris un peu de hauteur. L’analyste pointe aussi la faible valorisation boursière du groupe, qui correspond à moins de 8.000 dollars par hectare de plantation, contre une valeur comptable de 10.000 dollars par hectare.

Si la plupart des entreprises belges ont confirmé/rassuré jusqu’à présent, ce n’est pas le cas d’Umicore, dont la chute des bénéfices s’est accélérée au second semestre (-26%) ; le groupe craint de surcroît une nouvelle baisse en 2024, pour la troisième année consécutive. Une déception qui résulte de l’évolution technologique dans le segment de la voiture électrique. Umicore fournit des matériaux pour les batteries NMC (nickel-­manganèse-cobalt) mais les cons­tructeurs se sont davantage tournés vers les batteries LFP (lithium-­fer-phosphate), moins chères, ces dernières années.

Le groupe a quasiment doublé ses investissements en 2023 afin de repositionner et de développer ses activités dans les batteries. Le potentiel de redressement est indéniable. Mais le temps presse, alors que les autres activités (catalyseurs et recyclage) finiront par souffrir de l’électrification du transport routier.

Rattrapage pour le Bel 20 ?

Sauf pour Umicore, la saison des résultats a bien commencé sur Euronext Bruxelles. Ce n’est pas le cas dans le reste de l’Europe : selon l’agence Bloomberg, 54% des entreprises du MSCI Europe ont jusqu’à présent livré des résultats inférieurs aux attentes. Il est évidemment prématuré de tirer des conclusions de ces chiffres, mais de bons résultats d’entreprises sont la condition sine qua non pour que le Bel 20 mette fin à six années de sous-performances.

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