La lente décrue des sociétés cotées
Le nombre de sociétés cotées en Bourse a décru. La baisse des taux a favorisé le financement par emprunts, mais ce n’est pas la seule raison.
Dans le concours de beauté qui a lieu entre private equity et Bourse, cette dernière semble avoir perdu de son éclat. Bien sûr, Euronext Bruxelles a accueilli quelques nouveaux venus, tels le groupe chimique Azelis fin 2021, et DEME, fruit de la scission de CFE, l’an dernier. Solvay devrait lui aussi se scinder avant la fin de cette année. La Bourse a également permis de développer des segments particuliers, comme les sociétés immobilières réglementées ou les biotechs. Mais l’engouement pour les valeurs belges s’est estompé.
En 15 ans, le nombre de sociétés cotées sur Euronext Bruxelles a en effet chuté de 25%, passant de 166 en 2009 à 124 aujourd’hui. Et la capitalisation boursière de l’ensemble des valeurs cotées à Bruxelles, qui avoisine les 308 milliards aujourd’hui, est 20% moins élevée qu’en 2014. AB InBev, argenx, KBC, UCB et Solvay, le top cinq des valeurs belges, contribuent à elles seules pour environ la moitié de ce montant….
Ce n’est pas une consolation, mais cette tendance n’est pas propre à Bruxelles. Les Bourses mondiales sont tirées par quelques grosses locomotives (Apple, Nvidia, Microsoft, etc.) mais derrière, le tableau est tout différent. Un rapport de l’OCDE sorti après le covid notait que “depuis 2005, plus de 30.000 sociétés ont été radiées des marchés boursiers dans le monde”.
La baisse des taux permettant de s’endetter à relativement bon compte explique en partie cette désaffection pour la Bourse. Les conditions financières poussent en effet certaines maisons mères à vouloir racheter leurs filiales cotées. La dernière opération en date, chez nous, est Telenet, rachetée par Liberty Global. Exmar ou Orange Belgium auraient également pu disparaître, mais la tentative a tourné court.
Holdings et “private equity”
D’ailleurs, nombre de sociétés de Bourse qui vivaient de ces transactions ont disparu, alors que le volume de transaction est lui aussi en baisse, ce qui handicape le marché bruxellois. Car moins une action est liquide moins elle intéresse les gestionnaires de fonds. Or, alors que le volume de transactions par jour dépassait les 500 millions d’euros en 2015, il ne s’élevait plus, au premier semestre de cette année, qu’à 341 millions. Certes, Euronext a essayé d’attirer les PME en développant des marchés spécifiques (Euronext Access et Euronext Growth), mais personne ne s’est vraiment pressé au portillon.
“Cette diminution du nombre de sociétés cotées en Bourse a plusieurs raisons, explique Fianna Jurdant, senior policy analyst auprès de l’OCDE lors d’un récent forum sur la corporate governance. L’une d’entre elles est la baisse du coût du financement par l’emprunt, une autre est l’amélioration de l’accès aux capitaux privés, et une troisième est la consolidation par le biais d’une forte activité de fusions et d’acquisitions”. Fianna Jurdant ajoute que les charges administratives découlant de la cotation pèsent parfois trop lourdement et dissuadent les petites entreprises de se faire coter en Bourse.
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On verra si la hausse des taux inversera le processus et redonnera des couleurs à la cote. Et on ajoutera qu’on aurait d’ailleurs tort d’opposer marchés boursiers et private equity. GBL, Sofina, AvH, Whitestone ou NewTree Impact sont cotés, mais sont des acteurs importants du capital-investissement. Comme quoi Bourse et private equity peuvent être complémentaires.
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