“Faire de la limonade avec les citrons” : les perspectives 2024 de BlackRock pour l’économie et les investisseurs

Sécheresse à Genappe, en mai 2023.

Inflation, taux d’intérêt, politique fiscale et transition écologique : à quoi faut-il s’attendre en 2024 ? Le fonds d’investissement BlackRock donne quelques clés d’analyse dans ses perspectives pour l’année à venir.

Rendez-vous traditionnel de fin d’année : les banques et fonds d’investissement présentent leurs perspectives pour l’économie et le monde de l’investissement pour l’année à venir. Ce mercredi, Saint Nicolas avait le Global outlook de BlackRock dans sa botte pour nous.

Après une année 2023 marquée par un zigzag entre la récession et l’atterrissage en douceur (recul de l’inflation sans crash de l’économie), très volatile autant du côté macro-économique que des marchés, 2024 sera l’année où il faudra “reprendre le volant”, entonne Ann-Katrin Petersen Senior Investment Strategist du BlackRock Investment Institute.

Ou dit autrement, l’économie donne toujours des citrons très amers aux investisseurs, mais il faut savoir en faire de la limonade. Cela passerait notamment par une approche plus active et sélective. Il faut analyser les actifs de manière plus profonde et savoir être plus granuleux pour détecter les opportunités, tout en étant prêt à prendre plus de risques, renchérit Olivier Pauwels, Head of Wealth Multi Asset Strategies and Solutions en Europe continentale.

Le tout en pensant aux “mégaforces” qui vont régir l’économie mondiale, à savoir la “disruption” digitale, l’intelligence artificielle (IA), la transition vers le bas carbone et les tensions géopolitiques qui fragmentent le monde et le commerce. Voilà, en somme, le mot d’ordre du plus grand gestionnaire de fonds du monde (en termes d’actifs sous gestion) pour les investisseurs. Mais à quoi faut-il s’attendre plus concrètement en termes d’opportunités et de risques ?

L’économie européenne : de bonnes nouvelles, mais…

Pour Petersen, l’inflation devrait continuer à baisser en 2024 et même temporairement passer sous la barre des 2%, l’objectif de la BCE. En cause : les soucis d’approvisionnement datant de la pandémie et la crise énergétique qui se délient, tout comme des activités restent au ralenti. Voilà une bonne nouvelle pour les ménages et la consommation en général. Les salaires réels (comparés à l’inflation) devraient ainsi se redresser.

Un peu de répit donc, mais il y a un mais. “L’inflation a baissé, mais ce n’est pas pour autant un retour vers le monde que nous connaissions avant”, décrit la stratégiste. A long terme, il faudrait donc tenir compte des pressions inflationnistes persistantes, de taux d’intérêt élevés et de soucis d’approvisionnement (à cause de la fragmentation géopolitique).

Des baisses des taux d’intérêt de la part de la BCE seraient à prévoir, mais de manière modérée. Ces baisses devraient être plus lentes que lors des derniers cycles de baisses. La politique monétaire devrait rester restrictive. Donc là aussi, un “oui mais”. Au niveau de la politique fiscale, comme les mesures de soutien prises lors de la pandémie et de la crise énergétique, il y aurait une baisse à l’avenir. Pour Petersen, c’est une opportunité pour les investisseurs en obligations, car ils peuvent alors demander un premium.

La transition verte : l’Europe gagnante

“2023 sera l’année la plus chaude jamais enregistrée”, avertit Pauwels, en s’appuyant sur des rapports climatologiques publiés cette semaine. “C’est ce qui est en train de se produire. Il n’y a plus aucune possibilité de le nier ou de se cacher.” Face au réchauffement climatique, c’est donc s’adapter ou périr. Mais le chemin de la transition n’est pas une autoroute, métaphore-t-il, mais plutôt une route de montagne, avec de montées, des virages et de plateaux. “C’est complexe”, sait-il : il peut y avoir des pauses de la part des gouvernements ou des pressions de la part d’entreprises et des consommateurs. Mais la transition est inévitable.

Pour l’Europe, elle serait en tout cas une opportunité. L’industrie est plus fortement représentée dans les indices boursiers que dans d’autres régions. Mais c’est là justement que tout se joue : “on a besoin d’elle pour guider la transition vers le net zéro”.

Comment s’adapter à la transition, en tant qu’investisseur ? “Il y a des compagnies à exclure”, poursuit-il, mais il faut aussi se focaliser sur celles qui peuvent aider la transition, même si elles peuvent encore avoir des activités intenses en carbone aujourd’hui. Il faut aussi considérer le climat comme un risque, et donc analyser comment les entreprises s’y adaptent, dans leurs stratégies. Puis il faudrait aussi voir la reconstruction, après des catastrophes naturelles et climatiques, comme une opportunité. Cela peut sonner cynique, mais les conditions météorologiques devraient devenir de plus en plus extrêmes, selon de nombreux chercheurs.

L’Europe : la résilience

Plus globalement sur l’économie européenne, il ajoute que les valorisations des entreprises sont attractives. Elles seraient bon marché par rapport aux résultats. Pareil pour les dividendes, attractifs eux aussi. Les entreprises ont d’ailleurs moins de dettes qu’ailleurs et des flux de trésorerie plus prévisibles. Il y a également des entreprises de “qualité” qui ont plus de pricing power (elles peuvent déterminer les prix) que dans d’autres régions. Des bases solides pour entrer dans la nouvelle année et faire face aux citrons, donc.

Autre élément positif pour les crises et difficultés à venir : l’Europe a grandement gagné en résilience avec la guerre en Ukraine et la crise énergétique, soulignent les deux experts. “Cela a été un wake up call. L’Europe a montré que quand cela compte, elle montre ses forces et peut gérer”, selon Pauwels (qui donne aussi le fameux discours “whatever it takes” de Mario Draghi, alors président de la BCE, lors de la crise de l’euro, comme exemple). Cette résilience se montre notamment dans le commerce, que le bloc a pu élargir. Comparé à d’autres régions, l’Europe est aussi moins dépendante du marché et de la demande intérieure, mais exporte beaucoup, notamment en Asie. Ce qui permet de diversifier les risques.

Personne n’a de boule de cristal évidemment, on ne sait jamais de quoi demain sera fait. Mais voilà quelques clés d’analyses pour appréhender les mois à venir.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content