Carte blanche

Et si le plus durable et responsable était d’investir dans Shell ?

Depuis quelques années, on observe un intérêt croissant des investisseurs particuliers pour les investissements dit « durables ». Ces investisseurs ont notamment une conscience élevée sur l’enjeu du réchauffement climatique et la nécessité de décarboner notre air.

Leur posture de base est souvent d’exclure de leur portefeuille tout investissement dans des sociétés qui produisent des énergies fossiles. Le raisonnement est simple: « Ces sociétés sont à l’origine de beaucoup de CO2, ce n’est pas bien, donc je n’y touche pas ».

Cependant, peut-on être sûr que cette approche ait un impact ? Cela ne semble guère perturber le prix des actions pétrolières, et il semblerait qu’il y ait toujours des investisseurs suffisamment cupides et des clients qui achètent de l’essence pour soutenir les cours.

Une approche peut-être plus pertinente n’est pas d’exclure, mais au contraire d’inclure ces entreprises dans son portefeuille. En effet, les majors pétrolières, avec leur expertise et leurs moyens gargantuesques, ont des chances de pouvoir enclencher une transition énergétique rapide et efficace au niveau mondial. A condition qu’elles y soient encouragées.

Une approche peut-être plus pertinente n’est pas d’exclure, mais au contraire d’inclure ces entreprises dans son portefeuille.

L’idée est simple: en devenant actionnaire, l’investisseur acquiert des droits de vote, notamment pour nommer des dirigeants qui vont allouer les ressources de l’entreprise dans des projets de décarbonation. Il s’agit de changer les choses activement depuis l’intérieur.

Fort bien, mais comment un petit investisseur particulier peut-il obtenir le moindre poids ? Par exemple, via un fonds d’investissement de type tracker ETF, qui regroupe des milliers d’autres investisseurs. Ensemble et à travers le gestionnaire du fonds, ils peuvent gagner des sièges au conseil d’administration, le cénacle où se prennent les décisions de l’entreprise.

Amundi est l’un de ces gestionnaires de fonds, le plus gros en Europe. Lundi, Amundi a donc annoncé déposer une résolution à l’assemblée générale des actionnaires de Shell, mettant en demeure ses dirigeants d’atteindre l’objectif des Accords de Paris de limiter le réchauffement climatique à 2 degrés par rapport au niveau préindustriel. Le texte inclut même l’utilisation que les clients de Shell font de leurs produits pétroliers, ce qui est une gageure ! Shell estime la résolution « irréaliste et simpliste ». Le vote en décidera.

Amundi est un gestionnaire notable car il propose à la fois des fonds qui excluent les compagnies pétrolières et d’autres qui les incluent.

Cela illustre néanmoins que les actionnaires activistes arrivent à faire sortir les dirigeants de leur mutisme. Car Amundi ce n’est pas rien: avec les autres actionnaires auxquels ils s’allient dans cette résolution, ils pèsent 5% du capital de Shell. De quoi réellement encourager ou même forcer un changement.

Amundi est un gestionnaire notable car il propose à la fois des fonds qui excluent les compagnies pétrolières et d’autres qui les incluent. Les gestionnaires sont souvent critiqués pour leur inaction, ambivalence ou greenwashing. Ici, Amundi se range derrière « l’activisme durable » et envoie un signal fort sur le rôle clé qu’ont les grands actionnaires pour s’attaquer à la crise climatique grâce à leurs votes aux assemblées générales.

Pour l’investisseur particulier qui veut de la durabilité, une question persiste. Est-ce qu’Amundi agit de la sorte par adhésion au concept d’activisme d’inclusion, parce que des milliers d’investisseurs lui réclament implicitement d’agir en investissant dans ses fonds qui excluent certaines entreprises, ou à cause de pressions régulatoires, telles que les directives européennes CSRD ou SFDR ?

Peu importe, le débat entre les entreprises et leurs actionnaires évoluent. Ma conviction est double: inclure les sociétés « problématiques » dans son portefeuille peut faire bouger les lignes vers plus de durabilité et, en sus, donne de meilleures perceptives de rendement selon l’adage que « sur le long terme, personne ne bat le marché. »

Matthieu Remy, co-fondateur et CEO d’Easyvest

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