“Suivez la flèche” : Des courses sous contrôle ?

Dans la plupart des enseignes, votre parcours en magasin n’a rien d’anodin. Fléchage, signalétique, applis : tout est pensé pour guider… et faire consommer.
Le parcours client, soit le tracé idéal que les magasins aimeraient que l’on suive, est soigneusement conçu pour maximiser l’efficacité économique et le chiffre d’affaires. On aurait tort de n’y voir qu’un simple agencement logistique. C’est une stratégie marketing puissante.
Un parcours suggéré ou semi-guidé
Ainsi, un parcours imposé ou semi-guidé, c’est l’assurance de maximiser l’exposition aux produits dans la plupart des rayons, tout en diminuant les zones froides, c’est-à-dire les emplacements peu visibles ou peu empruntés. Cela permet aussi d’augmenter les chances d’achat, notamment les achats impulsifs — de quoi faire grimper le panier moyen par client. Le parcours suggéré permet également d’éviter la saturation et d’encourager une circulation “fluide mais contrôlée”. De quoi améliorer ce qu’on appelle dans le jargon la satisfaction client, tout en favorisant les arrêts stratégiques devant les promotions.
Ce parcours est néanmoins le plus souvent abstrait. C’est-à-dire que tout est mis en place pour que les clients prennent un chemin plutôt qu’un autre, mais sans que celui-ci soit clairement indiqué. Chez Colruyt, on fait pourtant moins de chichis. Là, le parcours est tout simplement fléché à l’aide d’un marquage ou d’une projection.
Ce n’est bien entendu qu’une suggestion, puisque rien ne vous oblige à suivre à la lettre le chemin recommandé. Que se passe-t-il si on ne respecte pas le traçage ? Rien, sauf peut-être un regard courroucé de ceux que vous bloquez avec votre chariot en allant à contresens. Ce parcours ne date d’ailleurs pas d’hier. Ni même du Covid, période où sont apparus des rayons à sens interdit dans la plupart des chaînes afin de mieux respecter la distanciation sociale. Chez Colruyt, le fléchage existe depuis plus de quatre décennies, avec l’argument que cela vous permet surtout de gagner du temps et de ne rien oublier.
Le parcours circulaire inspiré du modèle Ikea
Si Colruyt utilise des flèches pour proposer un parcours optimal, Ikea oblige pratiquement à traverser tous les rayons. Un concept qui fait des émules, puisque depuis l’année dernière, Décathlon a aussi adopté le parcours circulaire, soit un parcours sous forme de boucle guidant les clients à travers différents secteurs. Ici aussi, ce parcours est conçu pour faciliter la découverte des produits et encourager l’exploration de l’ensemble du magasin. Le premier magasin de Décathlon à adopter ce concept en Belgique a été celui d’Evere, qui a rouvert ses portes en juin 2024 avec ce nouvel agencement. Là encore, pas de flèches ni vraiment d’obligation, mais plutôt une signalétique « repensée » pour « guider intuitivement» les clients à travers les rayons. Ceci étant dit, la nature humaine ne s’éloignant jamais trop de l’effet troupeau, essayer de remonter un samedi en sens inverse le parcours a tout d’un exploit.
Digitalisation du parcours
Gains de temps et moins d’oublis sont aussi deux arguments avancés pour justifier l’usage de plus en plus intensif des applications des supermarchés sur smartphone.
Plus qu’une simple signalétique physique dans les magasins, elles prennent le relais de façon virtuelle et peuvent organiser la liste de courses par rayon, par exemple. On notera qu’ici aussi, Colruyt a poussé le concept un peu plus loin que les autres, puisqu’il a développé une sorte d’assistant d’achat dans l’application Xtra. Celui-ci trie les produits selon la disposition du magasin, de quoi tracer un itinéraire sur mesure. Un tracé qui suit, bien entendu, les flèches.
Ces applications, en plein développement, sont d’autant plus redoutables que la collecte de données sur les habitudes d’achat permet une hyperpersonnalisation des promotions. Une numérisation des courses qui risque encore de s’accélérer avec le caddie connecté, lequel pourrait se généraliser dans un avenir plus ou moins proche.
Toutefois, toutes ces techniques « d’accompagnement » doivent être utilisées à bon escient. Car si les consommateurs apprécient les suggestions pertinentes, ils n’apprécient pas le matraquage, qui aurait tendance à les braquer. Tout l’art consiste donc à se montrer utile sans être oppressant. Un parcours fléché rentre-t-il dans cette catégorie ? C’est une question de sensibilité personnelle.
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