Pourquoi les agriculteurs s’en prennent aux supermarchés ?
Les agriculteurs manifestent depuis le début de la semaine et dénoncent, entre autres, la pression sur les prix qu’exerce la grande distribution. Ils ont décidé de se faire entendre notamment en bloquant l’accès d’axes autoroutiers, mais également des centres de distributions.
“Il est temps de revaloriser le travail de celles et ceux qui nourrissent leurs concitoyens jour après jour”, assure la FWA, la Fédération wallonne de l’Agriculture, dans un manifeste intitulé “Les raisons de la colère”.
Des négociations par intermédiaire
Parmi les revendications formulées par le monde agricole, la question des revenus occupe une place centrale. “Pour investir dans une agriculture plus durable, il faut pérenniser les revenus plutôt que multiplier les subventions artificielles”, affirme la coopérative Faircoop qui précise que celles-ci sont d’ailleurs en diminution constante, affectant directement la capacité du secteur à maintenir des pratiques viables.
Les agriculteurs rappellent qu’ils travaillent tous les jours de la semaine, et ce pour un très maigre salaire. En cause ? Ces derniers n’ont que rarement leur mot à dire sur le prix de vente de leurs produits.
Lors des négociations entre les producteurs et les distributeurs, les deux acteurs tentent de convenir d’un prix qui permettent à l’un de dégager des bénéfices et à l’autre de vendre au meilleur prix. Seulement voilà, l’agriculteur est souvent absent de l’équation. Celui-ci est souvent obligé de passer par un intermédiaire qui négocie ou se voit fixer les prix par la grande distribution.
“Une grande spécificité avec l’agriculture, c’est que l’on est un des seuls secteurs de la production de biens qui ne décide pas du prix de vente de ses produits“, rappelle Hugues Falys, agriculteur et porte-parole de la FUGEA, la Fédération unie de groupements d’agriculteurs et d’éleveurs.
Seul l’agriculteur n’est pas capable de répondre au besoin de la grande distribution en termes de volume et ne possède pas une force de négociation assez grande, d’où la nécessité de passer par un intermédiaire. Dans cette optique, certains se sont rassemblés en coopérative afin d’avoir une véritable force de négociation. D’autres en revanche ont décidé de vendre en direct au consommateur et ainsi d’éviter de trop lourdes négociations.
Afin d’établir le dialogue entre les différents acteurs de la chaîne agro-alimentaire, il existe le mécanisme de “concertation chaine” en Belgique. Celui-ci a pour objectif de calculer les coûts de production pour imposer aux gros acteurs, la grande distribution ou l’agroalimentaire, de respecter les marges des plus petits producteurs. Cependant pour la Fugea, ce mécanisme ne fonctionne pas.
Le “juste” prix
La pression sur les prix a été exacerbée par l’inflation des coûts de production, de l’énergie et des emballages tout au long de l’année. “Il est temps de comprendre que le secteur agricole subit aussi l’inflation, que le prix des matières premières, des intrants, de l’alimentation animale, etc. augmente sans cesse alors que le revenu agricole stagne depuis trop longtemps”, rappelle la Fugea.
“Acheter des produits belges, en particulier ceux où les agriculteurs perçoivent un revenu équitable, est une façon concrète de soutenir notre sécurité alimentaire”, précise la coopérative. Le problème c’est que le consommateur ne semble pas toujours prêt à mettre la main au portefeuille et poussé par l’inflation il se tourne bien souvent vers des produits moins chers. Et ce depuis de nombreuses années : la part du budget des ménages dans l’alimentation ne cesse de diminuer et atteint péniblement les 12% contre 30% dans les années 60.
Le problème de fixation des prix n’incombe pas uniquement aux distributeurs, mais provient également de l’industrie. Par exemple, une partie des produits laitiers, comme le lait, est vendu dans les supermarchés, mais aussi à l’industrie qui produit les yaourts et fromages. Le prix du lait est alors discuté avec les industriels qui négocieront le prix de vente des produits finis. A cela s’ajoutent les aliments, comme les céréales, dont les prix sont réglementés par un marché mondial globalisé. Les producteurs belges doivent alors rivaliser avec des pays dont les coûts de production sont inférieurs à Belgique et dont les normes de production diffèrent.
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