Les 3 verrous: l’art d’engager sans forcer afin de décrocher la vente

Un bon vendeur est un explorateur, avide de comprendre son client en profondeur. © Getty Images

Comme dans bien d’autres domaines, la vente a ses légendes. Parmi les mythes transmis de salles de formation en gourous du commerce, on trouve le fameux entonnoir du “oui”, connu outre-Atlantique sous le nom de “Yes Set”.

Le principe du “Yes Set” est simple : parvenir à faire dire “oui” plusieurs fois à son client afin que le dernier “oui”, qui scellerait l’accord, tombe presque naturellement, comme un réflexe conditionné. Une technique ancienne, toujours en usage, des stages de vente aux débats politiques.

Si la technique peut sembler grossière, elle repose, comme toutes les légendes, sur une part de réalité comportementale bien documentée par la psychologie sociale : l’effet d’engagement et le biais de cohérence, deux principes étudiés par Robert Cialdini (Influence et manipulation) et Robert-Vincent Joule (Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens), qui révèlent à quel point notre cerveau fuit l’incohérence.

En effet, profondément dérangés par le fait d’avoir à nous contredire, nous avons tendance à suivre la voie dans laquelle nous nous sommes préalablement engagés. Plus cet engagement est progressif et structuré, plus il est difficile de faire marche arrière, à condition que chaque étape s’enchaîne logiquement. Ainsi la persuasion repose moins sur la force du propos que sur une succession d’adhésions graduelles.

Or, tout entretien commercial peut se doter de trois validations successives essentielles qui actionnent la cohérence. Trois verrous à activer, sans forcer, aux moments clés pour fluidifier la décision. Obtenez-les et vos résultats s’amélioreront spectaculairement. Je vous propose de les découvrir ensemble.

1. Le verrou des modalités: “Voilà comment je vous propose de procéder…”

Une fois la glace brisée et le climat installé, il est prioritaire de poser un cadre de travail avant d’entrer dans le vif du sujet. Prenez un instant pour expliquer à votre client les étapes de votre échange : d’abord l’exploration de ses attentes, suivie d’une récapitulation pour valider votre bonne compréhension, puis la présentation de votre solution. Et en fin d’entretien, il s’agira simplement de voir si tout lui convient, le tout dans le timing imparti.

Une fois le cadre posé, validez-le simplement : “Est-ce que cela vous convient ?”. Ce premier accord rassure votre interlocuteur tout en vous imposant une rigueur précieuse. Il apporte un double bénéfice. Pour le client, c’est un soulagement : il sait où il va, ce qu’il va se passer et surtout quand il pourra s’exprimer. Pour vous, il vous garantit une structure qui vous empêchera de brûler les étapes et permettra une découverte approfondie. Lorsque ce verrou est activé, l’échange devient fluide et structuré. Tout est en place pour avancer.

2. Le verrou des besoins : “Donc, si je vous ai bien compris…”

Un bon vendeur est un explorateur, avide de comprendre son client en profondeur. Cette curiosité insatiable se nourrit de questions ouvertes, pertinentes et parfois inattendues qui amèneront l’autre à s’exprimer pleinement. Ce sont ces échanges qui distinguent les meilleurs, ceux qui ont la patience de vouloir tout comprendre avant de prétendre pouvoir répondre.

Mais l’écoute et l’interrogation seules ne suffisent pas. Verrouillez cette phase par une reformulation-validation. L’exercice semble scolaire, pourtant il est incontournable et vous assurera de posséder tous les éléments clés pour bâtir une proposition pertinente. C’est aussi un puissant levier de confiance. Rien n’est plus tranquillisant pour un client que d’entendre ses propres préoccupations reformulées avec justesse. Si, à l’issue de cette récapitulation, vous lui demandez : “C’est bien cela ? Ai-je tout pris en considération ?” et qu’il valide, alors vous aurez gagné son attention et son engagement pour la suite.

Vous astreindre à cet exercice vous contraindra parfois à revenir en arrière, à creuser davantage, à combler les zones floues pour affiner la compréhension des attentes du client. Et c’est tant mieux. Loin d’être perçu comme une maladresse, cette rigueur vous distinguera des vendeurs pressés qui récitent leur argumentaire sans s’assurer qu’ils répondent aux vrais besoins de leur interlocuteur. Ce deuxième verrou est essentiel. Il conditionne la pertinence de votre proposition et sécurise, dès cette étape, le succès de votre entretien de vente.

3. Le verrou de l’adéquation: “Est-ce que ça vous convient?”

Une fois les besoins définis, il s’agit de prouver, sans ambiguïté, que votre offre y répond parfaitement. Que ce soit dans la continuité de l’échange ou lors d’un second rendez-vous, l’objectif reste le même : ancrer la conviction que vous êtes la meilleure réponse à ses attentes. L’argumentation doit être menée avec précision. Il ne suffit pas d’aligner des arguments. Démontrez que vous répondez mieux que quiconque à ses besoins. Plus qu’une simple liste de bénéfices, il s’agira d’aider le client à s’approprier mentalement votre solution, en le projetant dans sa réalité et en lui donnant une vision claire, preuves à l’appui, des résultats qu’il obtiendra.

Et parmi toutes les modalités essentielles à confronter, l’élément central reste le prix. Beaucoup de vendeurs hésitent à l’aborder, repoussant l’échéance en envoyant la proposition plus tard par mail. Erreur fatale. Une offre dont le prix n’a pas été évoqué, validé et accepté est une vente qui se dérobe. Le silence sur la question financière reste la première cause de ghosting commercial.

C’est ici qu’intervient le troisième verrou, celui de l’adéquation finale entre l’offre et la demande. Une question courte, nette et fermée s’impose : “Ça vous convient ? Ça vous plaît ?. C’est bien ce que vous souhaitez ?”. Bien plus efficaces qu’un vague “Qu’en pensez-vous ?” qui n’engage à rien. Ici, l’objectif n’est pas de susciter une opinion, mais d’obtenir un engagement clair. Pour renforcer l’impact de cette validation, conjuguez la question au passé : “C’est ce que vous recherchiez ? C’est bien ce que vous souhaitiez ?”. Ce léger glissement suggère que la recherche est terminée, que la solution est trouvée, et qu’il ne reste plus qu’à avancer.

Conclusion

Une fois ces trois verrous activés, la conclusion s’impose naturellement. Il ne reste qu’à poser la question d’action : “Ok, on part là-dessus ?”, “Quand souhaitez-vous commencer ?”, ou encore “Quelle est la prochaine étape selon vous ?”. Si les accords précédents ont été obtenus, aucune résistance ne devrait apparaître. La vente suit simplement son cours.

Pourtant, trop de commerciaux se heurtent à ce dernier obstacle comme s’ils devaient forcer la décision. Ce n’est pas tant cette clôture qui est difficile, mais le manque d’engagement progressif préalable qui, mal assuré, rend la conclusion artificielle, voire brutale. Ceux qui peinent à conclure sont souvent ceux qui ont négligé les validations tout au long de l’échange. Ils se retrouvent face à un client hésitant, en retrait, qui demande à réfléchir.

Les commerciaux les plus performants savent que la conclusion ne se joue pas à la dernière minute, mais à chaque étape. Ils ne forcent pas l’adhésion au dernier moment, ils la construisent progressivement, verrou après verrou, jusqu’à ce que la conclusion s’impose d’elle-même. Vendre, ce n’est pas arracher une signature, mais accompagner progressivement un client dans une décision qui a du sens pour lui. Pour éviter de conclure dans la douleur, entraînez-vous à closer en douceur.

Retrouvez la chronique de Laurent De Smet, alias Dr Sales, spécialiste dans l’expérience commerciale, managériale et marketing B to B, tous les deuxièmes jeudis du mois dans Trends-Tendances.

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