Le prix du sucre flambe
Le prix du sucre n’a plus été aussi haut depuis 10 ans. De quoi soutenir un peu plus l’inflation dans les rayons des supermarchés puisqu’on retrouve du sucre dans presque tout ? La réponse n’est pas si simple.
Vendredi dernier, à Londres, la tonne de sucre blanc sur le marché à terme a atteint 630 dollars la tonne. Un sommet depuis 10 ans. Ailleurs ce n’était guère mieux, puisqu’à New York, la livre de sucre brut cotait 0,22 dollar, là aussi un record en près de six ans.
Un monde toujours en manque de sucre alors que la production chute partout
Ces prix sont les résultats des préoccupations relatives à l’offre et à la situation tendue au niveau production en Inde et au Brésil. Soit respectivement le second et le premier producteur de sucre. L’Inde vient en effet d’annoncer une production inférieure à 33 millions de tonnes cette année. En cause, les précipitations ont affecté la récolte de la canne à sucre. C’est surtout l’État du Maharashtra qui produit normalement un tiers de la production indienne qui a été particulièrement touché par les fortes pluies.
Ethanol plutôt que sucre
Mais la mousson n’est pas la seule fautive. Il y a aussi la réorientation stratégique autour de la canne à sucre voulue par le président Modi. Il a établi d’une part des quotas pour protéger la population et d’autre part encouragé l’utilisation de la canne à sucre comme biocarburant ou bioéthanol. Un éthanol qui devrait, selon lui, réduire la pollution de l’air et permettre aux agriculteurs de gagner plus d’argent. Et, au passage, diminuer les importations de pétrole et donc la dépendance envers les producteurs. Au Brésil aussi on est capable de produire de l’éthanol à partir de la canne à sucre. Et la flambée du pétrole a, là aussi, poussé à choisir davantage pour l’éthanol que pour le sucre. Comme le fait remarquer Francis Huyghe, consultant économique au Boerenbond à De Standaard, « il y a même un lien direct entre le prix du pétrole et le prix du sucre. Lorsque le prix du pétrole augmente, cela entraîne une augmentation du prix du sucre.»
Une offre en baisse
Si la récolte au Brésil s’annonce bonne cette année malgré les nombreuses plantations détruites en 2022, le pays devra aussi composer avec la capacité des ports. Le Brésil peut en effet se réjouir d’une récolte record de soja. Or les bateaux ne sont pas en nombre illimité. Il faudra donc choisir quelle production aura la priorité. La baisse de l’offre n’est d’ailleurs pas seulement due aux deux géants du sucre. La production de sucre en Thaïlande, autre grand exportateur, devrait également rester inférieure aux prévisions cette année. Même constat en Chine au la production de sucre pourrait cette saison être la plus faible depuis six ans “en raison des mauvaises conditions de cultures”, ajoute Jack Scoville, analyste de Price Group à Belga.
Même en Europe
Plus des trois quarts du sucre mondial sont produits à partir de la canne à sucre, car c’est, et de loin, la manière la plus efficace de produire du sucre. Mais ce n’est pas la seule façon. En Belgique, et ailleurs en Europe, le sucre est produit à partir de betterave. Ainsi, en Belgique, pas moins d’un agriculteur sur cinq cultive des betteraves sucrières. La filière betterave-sucre représente même à elle seule, 8.500 emplois directs et plus de 40.000 emplois indirects, précise le Sillon Belge.
Mais pas de quoi rendre l’Europe autosuffisante en sucre puisque 100.000 t d’« or blanc » doivent être importées sur le continent chaque année. Cela risque d’être encore plus le cas cette année puisque si la Belgique s’en sort relativement bien, ailleurs on annonce des récoltes moindres suite à la sécheresse historique qui a frappé une partie de l’Europe l’été dernier. Et puis le secteur a aussi souffert de la guerre en Ukraine. Un planteur de betterave est également souvent aussi un céréalier. Enfin, l’industrie sucrière est particulièrement gourmande en énergie et surtout en gaz. Elle a donc été particulièrement plombée par la crise énergétique.
Quel impact sur les prix ?
La plupart des analystes s’accordent donc pour dire que le pic du prix du sucre doit encore venir. Or comme on retrouve du sucre dans presque tout doit-on s’attendre à une hausse des prix alors que l’inflation alimentaire a augmenté de 17 % dans notre pays le mois dernier ? Pas dans un premier temps puisque le secteur du sucre travaille avec des contrats d’approvisionnement à long terme. Le consommateur ne devrait donc pas en sentir les conséquences avant six mois. De quoi garder les chocolats de Pâques pour les ressortir à Noël ? Il faudra tout de même se méfier des dates de péremption.
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