Pourquoi s’est-on lourdement trompé dans le calcul de l’inflation l’an dernier?

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Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

C’est une étude qui va fâcher. L’UGent, sur base des facturées réellement payées par les ménages, estime que l’on a surévalué l’inflation de plus de 3% et que la hausse des salaires a été en moyenne bien plus importante que la perte réelle de pouvoir d’achat.

Selon les statistiques officielles utilisées dans le calcul de l’indice des prix à la consommation, la facture d’énergie, après aides publiques, était en moyenne 81 % plus élevée en 2022 qu’en 2018.

Mais une étude de Gert Peersman, Koen Schoors et Milan van den Heuvel  de l’UGent montre que ces chiffres officiels contrastent fortement avec la réalité. Ces chercheurs ont eu accès à la base de données anonymisée des clients de BNP Paribas Fortis. Ils ont donc pu voir ce que 930.000 ménages (20% de la population) payaient en réalité. « Les données bancaires de 930.000 ménages montrent que la facture énergétique d’une famille moyenne n’était en pratique que 17% plus chère. Près de la moitié des ménages (47%) ont en fait moins payé pour l’énergie en 2022 qu’en 2021 », notent les chercheurs.

Cela ne signifie pas que personne n’ait été durement touché : environ 5 % des familles ont payé au moins 1 500 euros de plus pour l’énergie en 2022 qu’en 2021. Certains ont même vu leur facture s’envoler de 3.000 ou 4.000 euros. Mais ce sont plutôt des exceptions que la généralité.

Triple explication

Trois facteurs peuvent expliquer la différence entre les chiffres officiels et la réalité, poursuivent les économistes.

Le premier est que l’indice des prix ne prend en compte que les tarifs des nouveaux contrats d’énergie (fixes ou variables), alors que la majorité des ménages bénéficiaient encore d’un tarif datant d’avant la crise énergétique.

Ensuite, la consommation a baissé. Les chiffres officiels reprennent la consommation d’avant la pandémie, alors que dans les faits les volumes de consommation étaient plus faibles. Enfin, il existe aussi un écart dû aux aides publiques : certaines formes d’aides ont, dans les statistiques, été étalées dans le temps alors que les ménages les ont perçues directement.

L’inflation surestimée

Or, l’énergie pèse lourdement dans le calcul de l’inflation. Dès lors, constatent les chercheurs, « en raison de cette erreur de mesure, l’indice des prix à la consommation  a été surestimé de 1,5 point de pourcentage  en moyenne en 2021. En 2022, cette surestimation a été de 3,3 points en moyenne pour l’indice des prix et de 3,5 points pour l’indice santé. Et donc, en raison des mécanismes d’indexation, la hausse des salaires et des prestations a été bien plus importante que la perte réelle de pouvoir d’achat ». En gros, entre 2018 et 2022, la hausse réelle des prix n’a été environ que de 13%, alors que l’indice officiel des prix, lui, a augmenté d’environ 19%.

Mais cette année, l’erreur s’inverserait : la facture énergétique des ménages devrait être plus élevée que la réalité des prix. « La généralisation des aides publiques dans les statistiques et la baisse des prix de l’énergie dans un avenir proche ont permis de réduire les coûts de production. Mais en pratique, pour bien des ménages, les factures d’énergie seront plus élevées alors que les aides disparaîtront ».

Et les chercheurs ajoutent : « Étant donné que seuls les nouveaux contrats d’énergie seront pris en compte dans l’indice, il y aura des fluctuations indésirables du pouvoir d’achat des travailleurs et de la position de concurrence des entreprises ».

Pour résoudre le problème, Gert Peersman, Koen Schoors et Milan van den Heuvel  recommandent d’utiliser les factures d’énergie réelles des ménages pour le calcul de l’indice des prix à la consommation.

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