Faillite de Fun et pertes chez Dreamland : pourquoi les magasins de jouets ne font-ils plus rêver ?

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Sebastien Marien Stagiair Data News 

Après les problèmes rencontrés par Dreamland, la chaîne de jouets Fun dépose le bilan et ferme définitivement ses portes ce jeudi. Est-ce la fin des magasins de jouet ? L’expert en vente au détail, Pierre-Alexandre Billiet, explique pourquoi le concept actuel est dépassé. Loin d’être défaitiste pour autant, il voit aussi deux stratégies pour inverser la tendance.

La chaîne de magasins de jouets Fun fermera ses portes à partir de ce jeudi 15 février. D’ici là, des ventes de liquidation totale ont été organisées, avec des réductions pouvant aller jusqu’à 70%.

Les plus de 200 employés de Fun travaillent dans l’incertitude depuis trois semaines. L’enseigne, présente uniquement en Flandre avec 27 magasins, avait demandé d’être placée en faillite. Les ventes en liquidation totale ont été organisées dans le but de continuer à payer les salaires du personnel.

La chaîne est détenue depuis 2018 par la Sogesma, le groupe wallon qui possède également les magasins Trafic. Elle rencontrait des difficultés financières et était à la recherche d’un repreneur.

Il existe toutefois “des candidats sérieux” à la reprise, avec lesquels des discussions sont en cours, assure-t-elle. Il existe d’ailleurs un “intérêt très prononcé” pour la reprise de 11 à 24 magasins. Les candidats ont “fait part de leur volonté de reprendre du personnel”, a indiqué la direction. La fin des négociations est plutôt une question de jours que de semaines, a-t-elle ajouté. On s’attend à ce que la faillite soit annoncée lundi.

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Du côté des syndicats, Jörgen Meulders, secrétaire de l’ACV Puls, se réjouit que les salaires du personnel continueront d’être versés jusqu’à lundi. “Sur ce point, Fun a pris ses responsabilités pour assurer une certaine sécurité financière”, a-t-il souligné. À ses yeux, la demande de faillite est “un peu une mort annoncée”.

Les syndicats ignorent l’identité des interlocuteurs actuels de la direction. “Nous entendons dire qu’il y a un candidat sérieux pour 24 magasins et une partie du siège social, mais bien sûr, nous ne savons pas si le curateur acceptera cela.” Lorsque la demande de faillite aura été acceptée, des curateurs se chargeront alors de la gestion quotidienne et de la communication de l’entreprise.

Consolidation du marché

Pierre-Alexandre Billiet, expert en vente au détail chez Gondola, ne voit pas la situation d’un bon œil : “Je sais que de nombreux candidats dans le secteur de la vente au détail ont examiné le dossier, mais beaucoup ont renoncé. Cela n’annonce rien de bon. Je ne sais pas qui sont ces soi-disant ‘candidats sérieux’, dont parle la direction. Le fait que l’acquéreur ne veuille pas continuer avec les 27 magasins est probablement dû à la répartition géographique des magasins de jouets.”

Si Fun trouve un repreneur, Billiet s’attend à ce que cela résulte d’une stratégie de consolidation. Il y a près d’un an, la chaîne belge de jouets Toychamp a repris une partie des magasins Dreamland du groupe Colruyt. Selon Billiet, il n’est pas impensable que le géant du jouet basé à Genk reprenne quelques magasins. “Le secteur des magasins de jouets se consolide, car le concept n’est plus porteur. Il est tout à fait possible que Koen Nolmans, le PDG de Toychamp, soit parmi les candidats. Mais rien n’indique que la banque l’autorise à faire une nouvelle acquisition aussi rapidement.”

Le problème des magasins de jouets

Pierre-Alexandre Billiet remarque que les magasins de jouets ne rencontrent pas seulement des difficultés dans notre pays. “Ce phénomène existe dans toute l’Europe. Les magasins de jouets font de moins en moins partie de ce que nous appelons le customer journey  (parcours client) dans le monde du commerce de détail. Les enfants entrent en contact avec des jouets par le biais de divers médias et de leurs amis. Ensuite, les parents commandent les jouets en ligne au moment opportun, sans se rendre dans un magasin. Et en ce qui concerne les jeux : ils sont plus téléchargés que jamais.”

Les magasins offrent trop peu d’avantages aux clients. Ils doivent viser la circularité. Les clients n’ont tout simplement aucune raison de retourner au magasin de jouets après leur achat, et il y a aussi trop peu d’expérience. D’autres types de magasins physiques, comme les magasins de seconde main, sont bien meilleurs pour interagir avec les clients. Les gens reviennent régulièrement pour vendre de vieux vêtements, puis découvre ce que le reste du magasin à offrir. Mais dans l’ensemble, le concept de magasin circulaire n’est pas vraiment vivant chez nous. Pourtant, c’est la seule façon pour les magasins de concurrencer le commerce électronique.”

Deux stratégies

L’avantage de la consolidation dans les chaînes de jouets ne réside pas nécessairement dans les économies d’échelle, observe Billiet. “Cependant, les économies d’échelle peuvent être un levier pour orienter les magasins vers le succès. Pour qu’un magasin de jouets puisse survivre, je vois deux stratégies principales. La première consiste à mettre l’accent sur l’expérience client. Cependant, il est difficile pour une petite chaîne de convaincre des acteurs majeurs comme Lego de présenter leurs derniers produits dans ses magasins. C’est là que l’économie d’échelle peut jouer un rôle. Toychamp, par exemple, a bien compris cette dynamique. Il tire parti de son vaste réseau de magasins pour encourager les marques de jouets à collaborer en vue d’améliorer l’expérience en magasin.

“La deuxième manière réside dans la spécialisation. Nous constatons que les magasins physiques réussissent bien dans certaines niches de jouets, comme les jeux de société. L’acquéreur pourrait orienter les magasins de Fun vers une telle niche.”

Enfin, l’expert en vente au détail de Gondola souligne que Fun avait depuis longtemps perdu de vue son objectif principal. “La gamme est devenue une sorte de bric-à-brac au fil des ans. Elle est allée au-delà des jouets, mais il n’y avait plus de ligne claire. Cette stratégie a bien fonctionné pendant de nombreuses années lorsque les ventes en ligne n’existaient pas. Autrefois, le magasin servait de point de convergence vers diverses possibilités, mais cette ancienne conception de magasin est désormais totalement dépassée.

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