Emily in Paris: la femme-sandwich et le placement de produits comme personnage principal

© Getty

Emily in Paris n’est plus une série, mais un immense et mouvant panneau publicitaire. Lidl, AMI, Samsung, Jacquemus, Vestiaire Collective, LVMH, Google: la dernière saison de la série à succès de Netflix  a franchi un nouveau palier dans l’intégration des marques à l’écran. Au point de faire des  produits des personnages, au cœur de l’intrigue.

La plateforme s’est par exemple associée à Google pour permettre, via son outil Lense, de photographier son écran et d’être redirigé vers la page internet qui vend n’importe lequel des vêtements ou accessoires porté par les protagonistes. Les référencements montent en flèche et les commissions pleuvent pour “cette forme d’engagement qui passe un cap”, répond Netflix dans un communiqué. Dans une mise en abyme étourdissante, ces intégrations commerciales suivent les ambitions du personnage.

L’héroïne de la série Emily Cooper, une Américaine qui s’installe à Paris, est ainsi opportunément chargée dans son agence de marketing de luxe fictive “Savoir” d’inventer des partenariats innovants pour toutes sortes de marques bien réelles.

Qu’en est-il en Belgique ?

En Belgique, la réglementation en vigueur sur le placement de produits et la publicité clandestine interdit ces pratiques dans la production télévisuelle. Et si le parrainage et le placement de produit sont autorisés à Bruxelles et en Wallonie depuis le décret du 5 février 2009 qui transposait la directive européenne sur les services de médias audiovisuels (directive SMA), il ne s’agit donc d’une autorisation partielle et conditionnelle. Ils sont aisi totalement interdit dans le JT et dans les programmes pour enfants. “Dans tous les autres types de programmes, le placement d’accessoires est autorisé. Le placement de produit contre paiement n’est accepté que dans œuvres de fiction cinématographique et télévisuelle (séries, téléfilms), dans les programmes sportifs (retransmissions de matchs, émissions sportives) et dans les programmes de divertissement (jeux, émissions de variétés, téléréalité…).Ils ne peuvent se faire que moyennant le respect de certaines conditions prévues dans la législation (notamment via un logo qui permet au public de faire la distinction entre ce qui relève du programme et ce qui relève de la communication commerciale)”, précise encore le CSA.

Mais rien de ce tyoe ne s’applique au contenu des plateformes. Or “cette façon de travailler est habituelle sur les marchés américains où les marques sont intégrées très en amont, dès l’écriture du scénario et où les annonceurs s’engagent sur des montants très significatifs”, explique à l’AFP Jean Dominique Bourgeois, directeur de l’agence française spécialiste en placements de produits, Place to Be Media.

“Avec un budget entre 500.000 et un million d’euros pour un placement scénarisé, c’est une bonne affaire pour les marques qui devraient mettre beaucoup plus pour une campagne multi-pays”, explique l’expert, dont l’agence a développé le partenariat entre Emily et McDonald’s dans la saison 3 et placé trois autres clients dans la saison 4.

Nouveaux clients

La plateforme de mode de luxe de seconde main Vestiaire Collective s’est offert un rôle de quelques minutes lorsque la meilleure amie de l’héroïne, Mindy, fauchée, se tourne vers son service, filmé en détails, pour écouler sa garde-robe de créateurs.

Interrogée par l’AFP, l’entreprise française ne donne pas le montant de cette opération mais dit avoir visé “la notoriété de sa marque”, notamment le “développement sur le marché américain, qui représente aujourd’hui 20% des ventes”.

L’entreprise de mode, qui propose aussi 900 références inspirées du placard d’Emily, affirme avoir noté une “augmentation” des nouveaux clients, acheteurs et vendeurs. Les tenues d’Emily, de plus en plus improbables de saison en saison, se vendent. De la saison 1, le public avait gardé le bob Kangol, enterré depuis 1998. Dans la saison 2, il y avait l’avalanche de looks jaune poussin, jusqu’au béret. La saison 4 a déjà donné une combinaison rayée portée au bal masqué et un chapeau bleu en moumoute porté par Mindy.

“Faire saigner les yeux”

La costumière de la série, Marilyn Fitoussi, qui revendique de “faire saigner les yeux” avec ses partis pris vestimentaires tranchés, a fait de la garde-robe de l’Américaine un personnage à part entière. “Je suis régulièrement appelée par des marques qui ont une petite baisse de visibilité ou qui cherchent à atteindre une clientèle plus jeune et différente”, confirme-t-elle au journal économique français Les Échos.

“Je ne suis pas payée par les marques et je ne souhaite pas l’être”, tempère la costumière”, rappelant que pour la saison 1, faute de budget, elle avait entièrement habillé Emily en seconde main et en vintage. Depuis, chaque tenue est décortiquée par autant de magazines de mode que pendant un défilé. La visibilité pour un logo LV sur une boucle de ceinture ou pour la marque choisie pour le footing de l’héroïne est immédiate et semble, jusque dans les plans choisis, calculée.

“Regarder la série donne la troublante impression d’errer au milieu d’un immense centre commercial”, commente ainsi le journaliste du magazine masculin GQ, Adam Sanchez. Le spécialiste culture et cinéma note que cette pratique “s’est amplifiée d’une manière folle” dans la 4e saison, avec quatre placements de produit dès les premières minutes du premier épisode. Et les spectateurs, assure-t-il à l’AFP, savent “à quoi s’attendre”. Et en redemandent. “C’est une expérience de visionnage particulière. Ils ne viennent pas tellement pour l’intrigue, qui est minimale, mais bien pour ce que consomme et porte Emily”, résume-t-il.

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