Des bouteilles d’eau gratuites et le coca à 10 centimes ? C’est possible grâce à une astuce avec la consigne néerlandaise
Les clients belges de certains supermarchés peuvent obtenir des produits bon marché, voire gratuits, en utilisant le système de consigne sur les bouteilles en plastique aux Pays-Bas. Avec des subtilités régionales.
Selon un reportage d’Omroep Brabant, ceux qui traversent la frontière pour se rendre aux Pays-Bas peuvent rendre 12 bouteilles en plastique vides et obtenir plus de consigne que le coût payé pour l’eau en bouteille en Belgique. Gino Van Ossel, expert du commerce de détail et professeur à la Vlerick Business School, explique pourquoi une telle méthode est possible. « De nombreuses étiquettes de produits belges affichent également le logo de la consigne néerlandaise. Depuis 2021, nos voisins du nord reçoivent 15 centimes d’euro de consigne par bouteille ou canette en plastique d’une capacité inférieure à 1 litre, ou 25 centimes pour les emballages plus grands. Les bouteilles et canettes achetées dans les supermarchés belges peuvent être collectées aux Pays-Bas avec remboursement de la consigne. Cela fonctionne pour de nombreux produits, comme le montre le reportage.
Qu’en Flandre
Avant de vous ruer à la recherche d’un tel supermarché dans le coin, sachez que cela concerne les produits achetés dans les supermarchés belges Jumbo et Albert Heijn, deux supermarchés qui ne sont actifs qu’en Flandre. « La principale raison pour laquelle les supermarchés comme Jumbo et Albert Heijn ne sont actifs qu’en Flandre, et non à Bruxelles ou en Wallonie, est qu’ils sont obligés de fournir des produits avec un emballage adapté en français en dehors de la Flandre. En Flandre, ils conservent simplement l’emballage néerlandais. C’est une grande économie de coûts, mais cela signifie aussi que les clients belges peuvent profiter de ce système de consigne. Ce problème est donc en partie dû au coût des emballages spécifiques. Cela peut coûter si l’on doit créer un emballage séparé pour ses marques propres uniquement pour notre pays. Or certaines marques ont une grande part de marché aux Pays-Bas, mais sont beaucoup plus petites en Flandre», explique encore Gino Van Ossel.
Et ce n’est pas le cas pour tous les produits puisque certains producteurs optent tout de même pour des emballages réservés à la Belgique. Selon Van Ossel, «les emballages Benelux sont courants pour de nombreux producteurs, et une entreprise comme Coca-Cola fabrique régulièrement des emballages spécifiques pour chaque pays où elle vend ses boissons. C’est pourquoi, par exemple, lors de l’Euro de football cette année, on a vu des emballages adaptés en Belgique. Mais cela n’est pas intéressant pour tous les produits. La présence de Jumbo en Belgique est encore relativement petite.»
Néanmoins, cette astuce permet d’avoir des produits presque gratuits si l’on fait ses courses en Flandre et que les Pays-Bas ne sont pas trop loin. L’exemple le plus marquant est celui de l’eau de source de la marque Cristaline. Pour douze bouteilles, vous payez 1,79 euro chez Jumbo en Belgique, mais si vous retournez les bouteilles, vous recevez douze fois 15 centimes de consigne, soit 1,80 euro. De l’eau gratuite donc, et il y a d’autres exemples. Une bouteille de cola Albert Heijn ne coûte plus que 10 centimes après déduction de la consigne. Chez Albert Heijn toujours, six bouteilles d’eau minérale de la marque maison coûtent ensemble 2,35 euros en Belgique, soit 0,85 centimes après remboursement des bouteilles vides aux Pays-Bas.
Cette explication est confirmée par Statiegeld Nederland, la fondation qui supervise la politique de la consigne. « Il s’agit de très petits nombres si on les compare aux millions de canettes et bouteilles vendues aux Pays-Bas. Cela coûte trop d’efforts et d’argent pour adapter le système », indique Omroep Brabant.
Effet boomerang
Selon Gino Van Ossel, il n’est pas certain que l’analyse actuelle des coûts et des avantages tienne le coup. « Jumbo et Albert Heijn ne veulent pas que cela soit largement diffusé par les médias. Si cela devient plus largement connu et que l’on constate que les gens vivant près de la frontière abusent du système en grande quantité, cette économie de coûts sur les emballages néerlandais en Flandre pourrait se retourner contre eux. »
Un porte-parole d’Albert Heijn a réagi en déclarant que la chaîne est consciente de la possibilité pour les clients d’acheter des produits en Belgique, puis de recevoir une consigne aux Pays-Bas. « Nous achetons beaucoup de nos produits en grandes quantités aux Pays-Bas, ce qui nous permet d’offrir des prix aussi bas. Pour le moment, nous surveillons la situation dans nos magasins proches de la frontière, mais nous ne voyons pas de chiffres excessifs concernant le retour des bouteilles et canettes en plastique. »
Consigne en Belgique
Existe-t-il une chance que le problème soit résolu par des mesures politiques, lorsque les consommateurs de notre pays recevront bientôt une consigne pour les canettes et les bouteilles en plastique ? Cette chance est faible. La Belgique souhaite s’engager à mettre en place le système d’ici 2025, mais il n’y a pas encore de consensus sur la mise en œuvre. Dans l’accord de gouvernement wallon – le seul qui ait été atteint depuis les élections du 9 juin – une extension du système de consigne n’est pas prévue.
« Il existe une forme classique de consigne comme celle qui fonctionne aux Pays-Bas et également en Belgique pour les bouteilles en verre, mais notre pays pourrait aussi opter pour une solution numérique », explique Van Ossel. « Dans ce cas, chaque bouteille en plastique ou canette recevrait un QR code qui pourrait être scanné avec un smartphone. Ensuite, les consommateurs devraient également scanner le code sur une poubelle compatible ou sur un sac PMC adapté pour obtenir la consigne. Chaque bouteille ou canette ne donnerait lieu qu’à une seule consigne. L’avantage du système numérique est que vous pouvez vous débarrasser des bouteilles à plus d’endroits. »
« Si notre pays opte pour le système numérique, cela pourrait poser encore plus de problèmes aux supermarchés », note Gino Van Ossel. « Les Pays-Bas utilisent un système basé sur le code-barres de la bouteille, tandis que la Belgique utiliserait des QR codes distincts. Si les deux systèmes devaient coexister, un client pourrait théoriquement scanner d’abord une bouteille avec le QR code belge. S’il ne jette pas la bouteille, mais la scanne ensuite aux Pays-Bas avec le code-barres, il pourrait obtenir une double consigne. Espérons que nous pourrons éviter de tels scénarios.»
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