Bipharmacie: la correction offre des opportunités
De Moderna à UCB en passant par Sartorius Stedim, le secteur de la biopharmacie est en perte de vitesse depuis un an. La valorisation plus raisonnable et un rebond des fusions et acquisitions pourraient soutenir la tendance en 2022.
Comme l’ensemble des secteurs de croissance, les actions biopharmaceutiques ont récemment souffert d’un mouvement de vente en Bourse. Mais la baisse dépasse largement la correction provoquée par l’accélération de l’inflation et la remontée des taux d’intérêt. Aux Etats-Unis, l’indice sectoriel S&P Biotechnology a rechuté sous son niveau de février 2020, avant la pandémie, ayant perdu 46% de sa valeur depuis son sommet de début 2021. Plus proche de chez nous, Galapagos, membre du Bel 20, vaut aujourd’hui un peu plus de 3 milliards d’euros en Bourse, bien moins que sa trésorerie de près de 5 milliards d’euros fin septembre.
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Baisses des fusions et acquisitions
La première explication de ce pessimisme est le ralentissement des fusions et acquisitions qui contribuent traditionnellement à la performance du secteur en raison de primes élevées (71% en moyenne en 2020 selon DealForma).
Selon EY, la valeur des fusions et acquisitions a baissé à 108 milliards de dollars en 2021 dans le secteur biopharmaceutique, contre 128 milliards en 2020 et 261 milliards en 2019. Parmi les explications avancées, on retrouve l’abondance de capitaux. Les plus jeunes sociétés pharmaceutiques en phase de développement parviennent à se financer sans l’appui de plus grands groupes.
Les vendeurs ne sont donc pas près de lâcher du lest sur le prix et les négociations sont encore rendues plus complexes par les restrictions sanitaires.
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500 milliards de dollars en 10 ans
L’autre élément ayant pesé sur le secteur est la victoire démocrate aux élections américaines fin 2020. Réduire les prix des médicaments aux Etats-Unis était une promesse phare de Joe Biden. Même si les propositions avancent lentement au Congrès, Amy Klobuchar, sénatrice démocrate, s’est récemment déclarée optimiste sur le vote d’une réforme.
Elle a également indiqué que si Medicare, l’assurance santé publique aux Etats-Unis, était autorisée à négocier le prix des médicaments, cela représenterait une économie de 500 milliards de dollars en 10 ans.
Et même en l’absence de réforme dans un contexte pré-électoral, la pression politique et publique est forte. Biogen vient ainsi de réduire de 50% le prix de son nouveau médicament contre la maladie d’Alzheimer de 56.000 à 28.200 dollars aux Etats-Unis.
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Déceptions
Les analystes épinglent aussi l’actualité, dominée par les vaccins contre le covid, ce qui a éclipsé les autres innovations médicales. Des résultats d’études décevants et plusieurs refus marquants de demandes de commercialisation ont aussi amplifié la chute. Galapagos a notamment accumulé les déconvenues avec l’échec en fin de développement de son traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique et des résultats mitigés pour un anti-inflammatoire prometteur après le refus de commercialisation aux Etats-Unis de son médicament contre la polyarthrite rhumatoïde en 2020.
Cet environnement fébrile a fini par rattraper également les gagnants de la pandémie. Moderna et BioNTech, à l’origine des deux vaccins à ARN messager, ont ainsi sombré de plus de 60% depuis leur plus haut en août.
Valorisation raisonnable
Cette chute a ramené les valorisations à un niveau plus raisonnable pour l’ensemble du secteur. Pour Brian Abrahams, “le retour de balancier est même allé trop loin” et le secteur offre aujourd’hui des opportunités.
Avec l’espoir d’une sortie de pandémie, l’actualité pourrait aussi se détourner du Covid-19 et revenir vers les innombrables innovations médicales en cours. Citons notamment les thérapies géniques et cellulaires, comme l’immunothérapie pour le traitement du cancer, les nanoparticules ou évidemment les vaccins à ARN messager dont les indications potentielles sont très nombreuses.
Pour ces grandes innovations, l’environnement réglementaire devrait rester plus favorable. Par exemple, la proposition démocrate de plafonnement des prix des médicaments aux Etats-Unis ne concerne pas les médicaments ayant été approuvés pour commercialisation il y a moins de 9 ans ou 13 ans pour les traitements biopharmaceutiques. Les médicaments orphelins, un segment en plein développement, ne seraient pas non plus concernés.
Acquisitions nécessaires
Dans un rapport publié en début d’année, EY souligne également que les grands groupes ont besoin de réaliser des acquisitions. “L’imminence de la perte de brevets accroît l’urgence d’acquérir l’innovation future en externe. Le taux de croissance annuel composé des grandes entreprises biopharmaceutiques chutera brusquement en 2024, passant de 5,6% à 2,6%, ce qui est nettement inférieur au taux de croissance prévu de 7,5% pour l’ensemble de l’industrie biopharmaceutique. Les innovations qui stimuleront la croissance de l’industrie au cours des cinq prochaines années devraient provenir de l’extérieur du groupe des leaders du marché et des catégories de produits biopharmaceutiques établis.”
Les perspectives pour le marché de l’insuline, dominés par Eli Lilly, Sanofi et Novo Nordisk, se sont notamment nettement dégradées. D’une part, de nouveaux traitements plus efficaces sont en cours de développement. D’autre part, le coût très élevé de l’insuline est au centre de la volonté de réforme des prix des médicaments.
Subin Baral, Global Deals Leader chez EY, estime ainsi que les fusions et acquisitions devraient repartir à la hausse en 2022. Il souligne notamment que les acteurs du secteur disposent d’une force de frappe financière de 1.200 milliards de dollars.
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Les biotechs
Bref, les observateurs se montrent aujourd’hui plus confiants pour le secteur biopharmaceutique. Pour en profiter, différentes options sont possibles. La première est de cibler quelques actions prometteuses. Rappelons toutefois qu’investir dans les entreprises de développement demeurent bien plus risqué que la moyenne. L’échec d’une étude clinique ou un refus de commercialisation peuvent faire effondrer une action.
Aux Etats-Unis, l’équipe d’analystes de Wedbush, dirigée par Laura Chico, recommande tout particulièrement des entreprises en phase intermédiaire de développement. Elle épingle notamment Karuna Therapeutics (programme phare: KarXT contre la schizophrénie) et Xenon Pharmaceuticals (XEN1101 contre l’épilepsie focale) en raison de leur trésorerie et des résultats cliniques et réglementaires attendus.
En Belgique, les avis des analystes restent largement positifs pour argenx avec 10 conseils d’acheter/accumuler sur 12 analystes et un objectif de cours moyen de 312 euros. La biotech a mené à bien le développement de l’efgartigimod et a obtenu le feu vert pour la commercialisation aux Etats-Unis dans l’indication orpheline de la myasthénie en décembre. Désormais, argenx espère un démarrage rapide des ventes alors que le médicament est développé pour bien d’autres maladies. Les analystes évoquent un potentiel de ventes annuelles en milliards de dollars à terme, grâce à un prix élevé (prix de base de 225.000 de dollars aux Etats-Unis).
Acacia Pharma est aussi plébiscité à l’achat par les deux analystes la suivant avec un objectif de cours ambitieux de 6,30 euros. La société a déjà deux traitements approuvés aux Etats-Unis dans des indications en milieu hospitalier: la nausée post-opératoire (Barhemsys) et un sédatif pour de courtes interventions (Byfavo). L’ingrédient actif du Barhemsys est aussi évalué pour prévenir les nausées liées aux séances de chimiothérapie. Laira Roba, analyste chez Degroof Petercam, estime que la société génèrera des ventes de plus de 70 millions d’euros et atteindra quasiment le seuil de rentabilité en 2023.
Mithra, qui vient de commercialiser sa pilule contraceptive de nouvelle génération, bénéficie aussi des faveurs des analystes (cinq “acheter” sur cinq). Les prochains chiffres de vente, à commencer par les résultats 2021 publiés le 8 mars, seront déterminants pour affiner le potentiel commercial.
Les avis sont un peu plus partagés en ce qui concerne UCB. La valorisation est attractive (15 fois les bénéfices), mais la société doit réaliser des acquisitions pour assurer son développement comme le montre l’annonce du rachat de Zogenix pour près de 2 milliards de dollars la semaine dernière.
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Les fonds et ETF
Afin de diversifier vos positions et de limiter les risques, il peut être intéressant de se pencher sur les fonds. Du côté des ETF, l’iShares Nasdaq US Biotechnology (Bourse de Londres ; code ISIN: IE00BYXG2H39 ; frais annuels de 0,35%) vous permet de miser sur près de 300 sociétés biopharmaceutiques (américaines ou non) cotées aux Etats-Unis, des géants comme Amgen et Gilead aux plus petites biotechs.
L’ETF Global X Genomics & Biotechnology (Bourse de Francfort ; code ISIN: IE00BM8R0N95 ; frais annuels de 0,50%) cible les entreprises au niveau mondial qui sont actives dans les thérapies géniques comme BioMarin ou la société suisse CRISPR Therapeutics.
Du côté des fonds gérés activement, Candriam Equities L Biotechnology (LU1120766388 ; frais annuels de 1,92%) est le mieux noté par Morningstar.
Les fournisseurs
Enfin, la dernière option est de privilégier les fournisseurs et équipementiers avec comme principal avantage qu’ils profitent du développement du secteur sans être dépendants du développement incertain d’un nouveau médicament.
Le groupe franco-allemand Sartorius Stedim Biotech est un fournisseur de référence de l’industrie biopharmaceutique grâce à des solutions intégrées pour la recherche, la production et le contrôle qualité. Ses équipements sont, par exemple, destinés à la culture cellulaire ou la production de vaccins. Le groupe prévoit de doubler son chiffre d’affaires entre 2020 et 2025 tout en améliorant ses marges bénéficiaires. La chute de 40% du titre depuis septembre a ramené la valorisation à un niveau plus raisonnable de 50 fois les bénéfices.
Assez peu connu du grand public, Thermo Fisher Scientific est aujourd’hui la 40e capitalisation boursière mondiale (232 milliards de dollars). Le groupe américain est leader mondial du matériel de recherche et d’analyse. Après la pandémie, 2022 devrait être une année charnière en termes de résultats. Mais les analystes demeurent presque unanimement confiants en raison de la croissance rapide des revenus (11% par an en moyenne avant la pandémie) et d’une valorisation à nouveau convenable de 25 fois les bénéfices.
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