Bientôt finis les découverts bancaires ? Ce qui va vraiment changer pour les Belges

Caroline Lallemand

Une directive européenne va modifier les règles des découverts bancaires dans tous les États membres à partir de novembre 2026. Qu’est ce qui changera pour les consommateurs belges ?

Il va y avoir du changement pour les découverts bancaires. La Directive (EU) 2023/2225 du 18 octobre 2023 (« Consumer Credit Directive II ») élargit à plusieurs formes jusque‑là moins régulées la définition des « crédits à la consommation ». Cela inclut notamment des facilités de découvert ou de dépassement de compte.  L’objectif est de mieux protéger les consommateurs contre le surendettement en considérant les découverts comme des crédits à la consommation à part entière.

Pas d’interdiction

Contrairement à certaines affirmations qui ont circulé sur les réseaux sociaux, notamment en France qui vient de transposer la Directive, cette dernière ne prévoit pas d’interdiction totale des découverts.

Concrètement, au plus tard novembre 2026, les banques européennes devront évaluer la solvabilité de leurs clients avant d’accorder un découvert, même pour des montants inférieurs à 200 euros ou d’une durée inférieure à un mois. Jusqu’ici, cette vérification ne concernait que les montants ou durées plus élevés. La Directive impose également une information transparente et claire sur les coûts, les taux d’intérêt et les conditions de remboursement. Une interdiction d’augmenter unilatéralement les limites de découverte est imposée. Des obligations en cas de dépassement important pendant plus d’un mois sont ajoutées.

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Trois formules en Belgique

En Belgique, le découvert bancaire est déjà encadré depuis 2010 et relève du crédit à la consommation. Trois formules coexistent actuellement, détaille le site Mabanque.be.

La facilité de découvert d’un mois : le compte négatif doit repasser en positif dans un délai d’un mois maximum.

La facilité de découvert de trois mois : Le compte doit repasser en positif au moins une fois tous les trois mois. Avant de vous accorder cette option, la banque est tenue de consulter la Centrale des Crédits aux Particuliers de la Banque nationale de Belgique (BNB) afin de confirmer que vous n’êtes pas inscrit sur la liste des mauvais payeurs. 

L’ouverture de crédit classique : la formule la plus souple, avec une obligation de « zérotage » tous les 12 mois pour les découverts jusqu’à 3.000 euros, tous les 5 ans pour les montants supérieurs.

“Aller dans le rouge” : à quel prix ?

Les taux imposés par les banques belges dans le cadre d’un découvert bancaire varient selon les institutions bancaires. Ils sont souvent élevés. Ils sont strictement encadrés par la loi. En effet, ils ne peuvent pas être supérieurs à certaines limites maximales légales, informe le site spécialisé.

A titre d’exemple, chez CBC Banque, le taux débiteur variable pour la « Facilité de budget » (découvert autorisé) est de 10,09 % annuel. Chez ING, la « réserve d’argent » (équivalent facilité de découvert) affiche un taux débiteur de 10,93 % par an (à la date 16/09/2025). Chez BNP Paribas Fortis : pour un compte débiteur, on relève des taux de 12,10 % pour certains clients, 8,50 % jusqu’à 1 250 €, et 9,50 % jusqu’à 2 500 € pour découvert autorisé. Les frais de découvert peuvent donc aller de quelques euros à quelques dizaines d’euros par mois selon le montant concerné.

Une transposition controversée en France

La France a déjà transposé la directive européenne, sous les critiques. Plusieurs partis politiques, de gauche comme de droite, dénoncent l’impact potentiel sur les ménages les plus modestes. Selon les données françaises, 45% des consommateurs utilisent un découvert bancaire au moins une fois par an, et 22% sont en situation de découvert chaque mois dès le 16e jour.

Chez nous, le député fédéral MR Denis Ducarme met en garde dans SudPresse : “Notre gouvernement devra être attentif à la marge de manœuvre dont il dispose dans ce genre d’opération, ce qui n’a pas été fait en France”, analyse-t-il. Ducarme souligne notamment que l’article 18 de la directive, qui impose l’évaluation de solvabilité en situation de découvert, a un caractère facultatif. “Le gouvernement devra décider où il place le curseur”, insiste-t-il.

Quels impacts pour les Belges ?

Selon une enquête N26/iVox de 2019, 3 Belges sur 10 se trouvaient à découvert avant le paiement de leur salaire ou de manière occasionnelle. Les conséquences sociales pourraient toucher autant les ménages de la classe populaire que ceux de la classe moyenne, ainsi que les ménages monoparentaux, estime Denis Ducarme. “J’ai l’intime conviction que cela peut faire du dégât social si nos autorités suivent l’exemple français.” Le député annonce qu’il va interpeller le ministre des Finances Jan Jambon pour obtenir des précisions sur la manière dont la Belgique entend transposer cette directive et sur la réalité des découverts bancaires dans le pays.

J’ai l’intime conviction que cela peut faire du dégât social

Le gouvernement a jusqu’à la fin du mois de novembre 2025 pour transposer la Directive dans le droit belge, un délai qui s’annonce très serré au vu des discussions difficiles sur le budget. Les nouvelles règles doivent entrer ensuite en vigueur en novembre 2026.

Découvert autorisé vs passage dans le rouge

Le découvert autorisé (ou “facilité de découvert”) est un accord écrit entre la banque et le client qui permet au compte de devenir négatif jusqu’à un certain montant et selon des modalités convenues (montant, durée, conditions).

Le passage dans le rouge sans accord préalable («découvert non autorisé» ou dépassement de la facilité) est traité comme une forme de crédit à la consommation par la législation belge. Dans ce cas, la banque doit informer le client du montant, des frais ou intérêts et du délai de remboursement exigible. Après mise en demeure, elle peut réclamer une indemnité forfaitaire, fixée à 5 % du montant du découvert non autorisé.
Pour éviter tout risque, il est possible de demander à sa banque qu’un compte à vue ne prévoit aucune facilité de découvert (montant = 0 €) afin d’empêcher tout passage sous zéro.

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