L’assurance-vie est un instrument financier très polyvalent : elle peut à la fois servir à se protéger mais aussi se transformer en outil d’épargne ou d’investissement. Elle peut même être utilisée comme levier stratégique dans la planification d’une succession.
Traditionnellement, l’assurance-vie est perçue comme un produit de « protection » ; c’est une garantie de sécurité, un filet de protection en quelque sorte.
L’exemple le plus courent est celui de l’assurance solde restant dû : en cas de décès de l’assuré, elle permet de rembourser le solde du prêt hypothécaire, évitant ainsi que cette dette ne pèse sur le conjoint survivant ou sur les héritiers. Mais une assurance-vie peut aussi prendre la forme d’un produit d’épargne ou d’investissement visant un rendement.
Plusieurs formules existent :
- La branche 21 correspond à une assurance épargne avec un capital protégé et un rendement garanti.
- La branche 23 est une assurance placement sans garantie de rendement, avec un risque accru de perte en capital, mais offrant un potentiel de rendement plus élevé.
- Un produit hybride, la branche 44, combine les deux mécanismes.
Grâce à sa flexibilité, l’assurance-vie permet également de transférer – partiellement ou totalement – son patrimoine à la génération suivante. Ainsi, il est possible de stipuler dans le contrat qu’au décès de l’assuré, le capital accumulé soit versé aux bénéficiaires. Ce capital peut constituer un coup de pouce financier important pour les proches afin de faire face à certaines charges financières, comme le remboursement d’un crédit hypothécaire, les frais d’études des enfants ou d’autres dettes en cours.
L’assurance-vie peut également être utilisée comme instrument stratégique afin de planifier la succession en combinaison avec une donation mobilière effectuée du vivant du donateur.
Transmission de patrimoine avec maintien du contrôle
L’assurance-vie offre une possibilité unique de transférer, déjà de son vivant, une partie de son patrimoine à la génération suivante, et ce d’une manière fiscalement avantageuse et tout en conservant un certain contrôle. Cette stratégie consiste à combiner une donation mobilière (par exemple un don en espèce) avec la souscription d’un produit d’assurance-vie.Une donation non enregistrée reste exonérée d’impôt si le donateur survit encore au moins cinq ans après celle-ci. Ce délai s’applique déjà en Flandre et en Wallonie, et sera également en vigueur à Bruxelles à partir du 1er janvier 2026 (contre trois ans actuellement).
L’avantage de l’assurance-vie est que le donateur peut en fixer le rythme et les conditions de versement (par exemple à un âge déterminé), contrairement à une donation classique, où le patrimoine est transmis en une seule fois.
Comment désigner les bénéficiaires ?
« L’un des aspects essentiels de l’assurance-vie est la possibilité de désigner un ou plusieurs bénéficiaires en cas de décès », explique Benoît Verschueren, senior estate planner chez Deutsche Bank. « Ces bénéficiaires reçoivent alors au moment du décès le capital accumulé. Si aucun bénéficiaire n’est désigné dans le contrat, le capital est intégré à la succession et réparti entre les héritiers selon le droit successoral, ou selon un éventuel testament. »
« Les options en matière de bénéficiaires sont vastes, mais la rédaction de la clause bénéficiaire doit être effectuée avec une grande prudence », insiste-t-il. « Elle permet en effet de déroger aux règles de la dévolution légale (c’est-à-dire, la manière dont une succession est répartie automatiquement entre les héritiers lorsqu’il n’existe pas de testament ou lorsque celui-ci n’a pas réglé tous les aspects de la succession, ndlr). On peut, par exemple, attribuer une partie du capital à des personnes qui, normalement, n’hériteraient pas – comme un partenaire cohabitant ou des beaux-enfants. Elle peut aussi servir à avantager un héritier par rapport aux autres, mais dans certaines limites. »
Générique ou nominatif
Lors de la rédaction de la clause bénéficiaire, deux approches sont possibles. Une désignation générique consiste à indiquer une catégorie, comme « mes petits-enfants, à parts égales » ou « mon partenaire cohabitant légal ». Cette formule est flexible et permet d’éviter des complications en cas de changement dans la situation familiale, par exemple la naissance de nouveaux petits-enfants ou l’arrivée d’un nouveau partenaire.
« Avec une désignation nominative, en revanche, les bénéficiaires sont indiqués nommément, par exemple : “Jan Jansens, né le 1er janvier 1990” », précise Benoît Verschueren. « Si cette méthode apporte de la clarté, elle comporte aussi des risques. Ainsi, si vous désignez votre partenaire cohabitant par son nom, il ou elle restera bénéficiaire même après une séparation, sauf si vous modifiez la clause. Une formule générique, comme “mon partenaire cohabitant légal”, permet d’éviter ce type de situation. »
« De même, si vous mentionnez vos petits-enfants par leur nom et qu’un nouvel enfant naît plus tard, ce dernier pourrait être exclu si vous n’avez pas adapté la clause. Une approche réfléchie est donc indispensable. »
Clauses les plus courantes
Il existe des clauses standardisées, mais il est également possible d’en rédiger sur mesure. Chaque clause peut avoir des implications très différentes de la dévolution légale, d’où l’importance de les comprendre dans le détail.
- Une clause standard fréquemment utilisée est : « l’époux(se), à défaut les enfants ». Dans ce cas, le capital de l’assurance-vie revient intégralement au conjoint survivant. Les enfants ne touchent quelque chose que si le conjoint n’est plus en vie au moment du versement. Cette disposition diffère de la succession légale, qui attribue normalement la nue-propriété aux enfants et l’usufruit au conjoint survivant.
- Une autre clause répandue est : « l’époux(se) et les enfants ». Ici, le conjoint reçoit la moitié du capital décès, et les enfants se partagent l’autre moitié à parts égales (sauf disposition contraire). Là encore, cette répartition diffère du droit successoral classique.
- On retrouve également la formule : « mon partenaire cohabitant légal et mes enfants », qui prévoit que le partenaire cohabitant et chaque enfant reçoivent une part égale.
« Ces exemples démontrent à quel point la rédaction des clauses bénéficiaires doit être réalisée avec réflexion et la plus grande précaution », souligne Benoît Verschueren. « Chaque formulation entraîne des conséquences spécifiques qui doivent être ajustées en fonction de la situation et des volontés personnelles. »
Ne pas négliger l’optimisation fiscale
La rédaction d’une clause bénéficiaire a aussi des implications fiscales. Une clause bien construite peut permettre de réaliser des économies d’impôt. Ainsi, en répartissant le capital décès entre plusieurs personnes, il est possible de réduire les droits de succession (en Wallonie et à Bruxelles) ou les droits de succession flamands, notamment en désignant les petits-enfants comme bénéficiaires.
Toutefois, cette liberté est limitée dans le cadre des assurances-vie liées à l’épargne-pension ou à l’épargne à long terme. Comme le rappelle Benoît Verschueren : « Pour bénéficier d’une réduction d’impôt, le bénéficiaire doit appartenir à l’une des trois catégories prévues par la loi : l’époux(se), le partenaire cohabitant légal ou un parent jusqu’au deuxième degré (parents, enfants, frères et sœurs). »
« Si vous ne respectez pas cette condition ou si vous désignez, par exemple, “la succession” comme bénéficiaire, vous risquez de ne pas recevoir l’attestation fiscale de l’assureur, et donc de perdre l’avantage fiscal lié à l’épargne-pension ou à l’épargne à long terme. »