Assurances-vie: le point sur les nouveautés
Certains changements récents en matière d’assurances-vie ont eu un impact immédiat, comme l’introduction d’une taxe supplémentaire. D’autres sont plus longs à se dessiner, comme la prise de conscience de la nécessité d’investir de manière durable l’argent placé dans des contrats de la branche 21 et de la branche 23.
Ces dernières années ont été marquées par l’introduction de nombreuses nouvelles règles et taxes sur les assurances épargne et investissement. “Nous avons effectivement assisté à une augmentation des plaintes directement ou indirectement liées à la fiscalité”, reconnaît Hans Claes, conseiller de l’Ombudsman des Assurances. Un phénomène qu’il attribue à des “règles de plus en plus complexes”.
Tout commence dès la souscription d’un contrat d’assurance-vie. Généralement, les particuliers doivent verser une taxe de 2% sur les primes lors de chaque payement, mais celle-ci retombe à 1,1% pour une assurance solde restant dû et disparaît quand l’assurance-vie est souscrite dans le cadre de l’épargne pension ou de la constitution d’une pension libre complémentaire pour indépendant. Mais les indépendants qui souscrivent une assurance-vie par le biais de leur société paient généralement une taxe de 4,4% sur chaque versement. Essayez d’y trouver la moindre cohérence…
0,15%
Taux de la nouvelle taxe sur les comptes-titres. Cette fois, le secteur de l’assurance est également concerné.
“Les plaintes s’étalent sur toute la durée de la police d’assurance, constate Hans Claes. Les transferts ou versements donnent parfois lieu à des différends sur le taux d’imposition à appliquer. Et les plaintes varient selon le type de produits: branche 21 ou branche 23, assurance individuelle ou assurance groupe.”
Pour rappel, un contrat de la branche 21 offre un rendement garanti éventuellement assorti d’une participation aux bénéfices de l’assureur. L’assureur investit l’essentiel des primes des contrats de la branche 21 en obligations et en immobilier. Un contrat de la branche 23 est une façon détournée d’investir dans des fonds gérés par des gestionnaires de portefeuille, sans garantie de rendement. Les gestionnaires en question investissent les primes en actions, en obligations ou dans d’autres fonds d’investissement.
L’année 2021 n’a pas simplifié la donne. Les principales nouveautés de l’année écoulée sont: l’extension aux assureurs de la taxe sur les comptes-titres, l’arrivée de la durabilité dans les contrats, les intérêts que doivent payer les assureurs quand les bénéficiaires doivent attendre trop longtemps le versement d’une assurance-vie et une amélioration de l’information des investisseurs. On revient en détail sur ces quatre points.
1. Impact de la taxe sur les comptes-titres
Les assurances n’échappent pas à la taxe sur les comptes-titres. C’était pourtant le cas dans la première mouture de la loi. Créée le 10 mars 2018, cette taxe a été enterrée une première fois après avoir été retoquée par la Cour constitutionnelle le 17 octobre 2019. La Cour estimait qu’elle enfreignait le principe constitutionnel de l’égalité et de la non-discrimination sur plusieurs aspects.
L’actuel ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) s’est donc vu confier la lourde tâche d’élaborer une nouvelle taxe viable sur les comptes-titres. Les investisseurs qui ont plus de 1 million d’euros sur un tel compte devront payer pour la première fois cette nouvelle taxe de 0,15% dès ce mois de novembre. Cette fois, le secteur de l’assurance est également concerné. Mais celui-ci a introduit fin août une requête auprès de la Cour constitutionnelle afin de faire annuler certains passages. On ne sait toutefois pas encore quand la Cour se penchera sur le dossier…
“La taxe n’a aucun impact pour les produits de la branche 21, ce qui n’est pas le cas pour les produits de la branche 23, explique Manu Mus, porte-parole de Baloise Insurance. Chaque fonds proposé dans une assurance de la branche 23 est considéré comme un compte-titres. Or, toutes les primes des clients qui optent pour un fonds arrivent sur ce compte-titres. Dans ce cas, on dépasse évidemment rapidement le seuil du million d’euros: il suffit que 1.000 clients versent chacun 1.000 euros dans le fonds. Pour les assureurs, cette taxe sur les comptes-titres ne fait aucune distinction entre les grands et les petits épargnants. Actuellement, la taxe est intégralement prise en charge par l’assureur et il n’y a aucun impact sur le rendement du client.” Fédérale Assurance a également fait savoir qu’elle ne répercuterait pas la taxe sur ses clients.
Ces dernières années, nous avons assisté à une augmentation des plaintes directement ou indirectement liées à la fiscalité.”
Hans Claes, conseiller au Médiateur des Assurances
“Pour éviter les amendes, les compagnies d’assurances ont effectivement décidé de prendre en charge la taxe, ajoute Manu Roobaert, directeur commercial d’Athora Belgium. Le marché de la branche 23 est en pleine croissance et nous pouvons donc supporter cette taxe de 0,15% sans conséquences notables pour la rentabilité. Mais nous attendons tous la décision de la Cour constitutionnelle. Si la taxe est maintenue, nous examinerons ce que nous ferons.”
Assuralia a déjà fait savoir que les assureurs avaient le choix entre répercuter directement la taxe sur les titulaires des assurances de la branche 23 ou la faire peser indirectement sur leur résultat et donc sur le rendement de toutes les assurances-vie. Mais c’est surtout le traitement inégal par rapport au secteur bancaire que dénoncent les assureurs. “Chez les banques, chaque client a un compte-titres individuel, où on ne trouve que l’argent du client en question. Il est alors beaucoup plus difficile d’atteindre ce seuil de 1 million d’euros”, explique Manu Mus.
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2. La durabilité fait son entrée dans les assurances-vie
La base de données des produits d’épargne et d’investissement durables publiées de Towards Sustainability révèle que, dans la branche 23, plusieurs fournisseurs ont obtenu ce label pour leurs produits: AG, Argenta, Ethias, KBC et Vivium. Par contre, seul AG propose des assurances de la branche 21 assorties dudit label. “C’est plus complexe dans la branche 21 que dans la branche 23, remarque Tom Van den Berghe, directeur sustainable finance au sein de la fédération bancaire Febelfin. Mais ce label suscite un intérêt certain. Je ne serais pas étonné de voir d’autres assurances-vie le décrocher l’an prochain.”
Cette base de données Towards Sustainability publiée par Febelfin est à la disposition des investisseurs depuis novembre 2019. La barre est placée de plus en plus haut car le label évolue et les critères ne cessent de se durcir. “Les gestionnaires des fonds d’investissement s’occupent de durabilité depuis beaucoup plus longtemps que la plupart des assureurs, souligne Tom Van den Berghe. Pour les produits d’assurances, nous n’en sommes encore qu’au début du processus. Comme les assurances de la branche 23 sont plus proches des fonds d’investissement, elles peuvent par conséquent sortir plus rapidement des starting-blocks que les assurances-vie de la branche 21.”
Pour les assureurs, la nouvelle taxe sur les comptes-titres ne fait aucune distinction entre les grands et les petits épargnants.”
Manu Mus (Baloise Insurance)
Tom Van den Berghe se demande aussi si certains acteurs n’attendent pas la réglementation européenne en matière de durabilité afin de ne pas devoir faire deux fois le même exercice. Chez Fédérale Assurance, c’est ouvertement le cas. “Nous avons adopté une politique d’investissement durable. Tout investissement est évalué selon divers critères auxquels les entreprises, secteurs ou pays doivent satisfaire. Traduire ces principes en un produit durable certifié est un processus plus complexe. Les exigences de publication sont élevées et la réglementation européenne en matière de durabilité est encore en plein développement. Mais nous sommes déterminés à rendre notre assortiment de produits plus durable.” Baloise aussi attend les mesures que prendra l’Europe.
De plus, le portefeuille d’investissement d’un assureur s’apparente à un pétrolier: il est difficile de le faire changer de cap. “Nous devons continuer à honorer des engagements du passé, explique Manu Mus. Nous avons réalisé des investissements à long terme, notamment dans l’infrastructure, dont nous ne pouvons pas nous retirer aisément. Les assureurs ont déjà déployé des efforts mais il faut un peu de temps pour opérer la transition. En tant que secteur, nous devons également veiller à ne pas provoquer de chocs sur le marché financier en déplaçant simultanément des volumes importants. Baloise analyse de nouveaux investissements et notre but à terme est de constituer un portefeuille complètement durable.” Avec le BFI Positive Impact Fund, Baloise propose toutefois déjà un fonds qui va un peu plus loin, visant aussi un impact social positif et mesurable.
Le nombre d’assurances-vie portant un label durable semble en tout cas un peu maigre face à la prolifération de fonds d’investissement durables. Pour obtenir le label, les assureurs doivent rédiger une politique qui indique notamment la manière dont ils intègrent des critères durables dans leurs décisions d’investissement et les sources et fournisseurs de données qu’ils consultent pour identifier les investissements durables. “Cela demande du temps et de l’organisation”, reconnaît Tom Van den Berghe.
La manière de travailler varie également selon l’assureur. AG engage un gestionnaire de portefeuille pour gérer l’argent de ses clients selon une stratégie définie en amont. Athora Belgium préfère sélectionner des fonds d’investissement existants. “Nous avons sélectionné une quarantaine de fonds d’investissement parmi 25 gestionnaires de portefeuille externes. Si les fonds sous-jacents à une assurance-vie de la branche 23 ont déjà un label durable en Belgique, en France ou au Luxembourg, il n’y a pas beaucoup d’utilité à investir dans un nouveau label au niveau de l’assurance-vie“, estime en outre Manu Roobaert.
L’assureur P&V se positionne plus ou moins sur la même ligne. “Nos clients sont en mesure de faire des choix éclairés, explique le porte-parole Julien Hayen. Nous avons étendu les factsheets de nos fonds en y ajoutant une analyse de durabilité très complète. La directive européenne SFDR (pour Sustainable Finance Disclosure Regulation, ou règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers, Ndlr) a introduit un système de classification qui prévoit des obligations d’information pour les produits d’investissement: les fournisseurs de fonds dotés d’un code couleur clair doivent communiquer de manière transparente sur leurs objectifs de durabilité.”
Pour le directeur commercial d’Athora Belgium, trop peu de clients s’adressent à un courtier en assurances dans l’idée d’investir de manière durable. “Leur priorité est souvent le rendement. Le courtier doit alors expliquer que les fonds durables ne génèrent pas moins, et souvent même plus, de rendement“, explique Manu Roobaert. Les produits Athora sont exclusivement distribués via des courtiers.
Il est plus complexe d’obtenir le label Towards Sustaina- bility dans la branche 21 que dans la branche 23.”
Tom Van den Berghe, directeur “sustainable finance” chez Febelfin
Chez AG, on est en revanche confronté à une demande de solutions durables, pour la constitution de pensions par exemple. “Nos produits sont notamment distribués par BNP Paribas Fortis et la banque ne veut plus que des assurances-vie assorties du label durable. Aujourd’hui, 30% des primes qu’investissent des particuliers dans nos produits de la branche 21 partent vers des produits labelisés Towards Sustainability”, explique Ludovic Lefèvre (AG).
Pour la branche 23, AG travaille avec des mandats. “Nous demandons à des gestionnaires de portefeuille d’appliquer nos critères de durabilité”, embraie An De Troyer, product manager aux AG, dont la politique repose sur trois piliers: exclure certaines activités controversées comme les armes et le tabac ; inciter les entreprises à faire mieux via des entretiens et l’assemblée générale ; intégrer des facteurs liés à l’environnement, la société et la bonne gouvernance dans les décisions d’investissement.
“Les critères sont plus stricts pour les produits labellisés, mais nous avons introduit des critères de durabilité dans la politique d’investissement de tous les produits, poursuit An De Troyer. Par exemple, AG ne peut plus investir que dans des entreprises qui tirent moins de 10% de leurs revenus du tabac. Mais les conditions sont plus strictes pour l’argent que des investisseurs ont investi dans des produits portant le label Towards Sustainability. “Dans ce cas, seules les entreprises qui tirent moins de 5% de leurs revenus du tabac entrent en considération. Des chaînes de magasins aussi tirent des revenus du tabac. Nous pouvons continuer à y investir.”, explique An De Troyer.
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3. Pénalité en cas de versement tardif
Les assureurs doivent respecter trois délais. Ils ont 14 jours à compter de la réception de la demande de versement pour communiquer aux bénéficiaires les documents nécessaires pour procéder au versement. Si un assureur ne dispose pas de tous les documents, il doit leur indiquer les documents manquants dans le mois. Et dès que l’assureur dispose de tous les documents, le paiement doit intervenir dans le mois. Si ce n’est pas le cas, il devra payer des intérêts de retard.
Dans son rapport annuel de 2015, le médiateur des assurances demandait déjà de fixer des délais stricts pour le versement des assurances-vie, avec automatiquement un droit à une compensation si l’assureur dépassait les délais. “Une nouvelle législation est en vigueur depuis le 22 mai 2020, explique Hans Claes. Je n’ai pas encore de chiffres pour l’année actuelle, mais comme je l’explique dans le rapport annuel de 2020, la tendance est positive et les plaintes relatives au respect des délais sont en diminution.”
“Nous n’avons pas encore dû payer d’intérêts et cette législation n’a en fait aucun impact sur nous, explique Manu Roobaert (Athora Belgium). Nous savons qu’il est important pour les clients d’avoir rapidement leur argent. Les courtiers peuvent saisir directement les rachats d’assurances-vie via l’intranet. En fait, une carte d’identité suffit. L’argent peut alors être versé rapidement. Pour les décès, le processus est un peu plus complexe, puisque le bénéficiaire doit signer une quittance de rachat, il faut avoir un acte de décès, etc.”
“Quand nous apprenons le décès d’un assuré, une des principales difficultés est souvent l’identification du bénéficiaire et la réception des documents exigés, argue Manu Mus (Baloise Insurance). Dans certaines situations, nous ne savons pas immédiatement qui sont les bénéficiaires parce qu’ils sont désignés en termes génériques comme: ‘les enfants du preneur d’assurance’. Dans un tel cas, la solution viendra d’un certificat ou d’un acte d’hérédité des bureaux Sécurité juridique du SPF Finances et/ou du notaire qui gère la succession. Après quoi, nous pourrons prendre contact avec les bénéficiaires pour traiter le processus de versement.”
“Grâce à la nouvelle loi, l’assureur peut désormais consulter le registre national pour identifier les bénéficiaires dès l’échéance de l’assurance-vie. C’est un progrès important pour tous les intéressés, estime le porte-parole de P&V, Julien Hayen. Par ailleurs, une robotisation ciblée, une communication claire sur les informations dont nous avons besoin et les efforts constants de nos collaborateurs nous permettent de respecter les délais.”
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4. Meilleure information pour les investisseurs
De nombreuses évolutions sont intervenues ces cinq ou dix dernières années pour les vendeurs d’assurance-vie. Comme les banquiers, ils sont soumis à un devoir de diligence depuis le 1er mai 2015. En d’autres termes: les intermédiaires d’assurances doivent recueillir des informations sur les connaissances, l’expérience, la situation financière et les objectifs du client avant de lui proposer un produit sur mesure.
La FSMA, l’organe de surveillance des marchés financiers, contrôle si les courtiers en assurances et les assureurs respectent bien toutes les règles déontologiques. “Ces contrôles laissent entrevoir une évolution positive, même s’il reste des points à améliorer”, dit-on à la FSMA.
Depuis 2018, les assureurs sont également obligés d’établir un KID (Key Information Document) pour les produits qu’ils vendent en Belgique. Ce document d’informations clés doit expliquer clairement le fonctionnement du produit et les risques qu’il comporte. En 2020, la FSMA a constaté que la majorité de ces documents présentaient encore des manquements et a envoyé un feed-back détaillé au secteur en juillet 2021 afin d’y remédier.
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