Une année exceptionnelle pour l’investissement, avec le retail pour locomotive

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En 2015, les investisseurs, échaudés par les prix ou les contre-performances du bureau, se sont massivement tournés vers les produits commerciaux belges sûrs, bien loués et bien situés. Par effet domino, tous les métiers de l’immobilier ont progressivement suivi le mouvement.

Tous les courtiers le martelaient avant même la fin de l’année : si la prise en occupation reste au ralenti sur quasi tous les segments de marché en raison de la conjoncture économique internationale toujours aux soins intensifs, l’année 2015 a néanmoins été exceptionnelle pour le marché de l’investissement, avec les actifs retail pour locomotive. L’explication est simple : les marchés débordent de liquidités à réinvestir. Fin décembre, le volume des transactions atteignait les 4,4 milliards d’euros sur le sol belge, soit une progression de 30 % sur un an ! “Il s’agit de la seconde meilleure année de tous les temps après 2007, qui constituait le haut du cycle précédent avec 4,6 milliards. Autre constat stratégique, et c’est une première belge : diversification et disponibilité d’actifs obligent, le volume investi en actifs retail dépasse celui investi dans le segment des bureaux, avec plus de 2 milliard d’euros enregistrés (soit 47 % du total), alors qu’on atteignait à peine 25 % sur la période 2010-2014”, résume Vincent Querton, le patron de JLL BeLux et Pays-Bas.

L’explication avancée pour expliquer ce bond en avant inédit ? La vente quasi simultanée de quatre centres commerciaux belges de taille — à savoir ceux de Wijnegem, Waasland, Basilix et Galeries Saint-Lambert — couplée à celle de certains portefeuilles institutionnels ou privés. Reste que sur le terrain, le nombre d’affiches à louer et le taux de vacance ont fortement augmenté. Dans un de ses derniers comptages, la société Locatus évoque le chiffre de près de 19.000 magasins vides dans le pays ! Soit 9 % du parc total composé d’environ 211.300 magasins. Les causes de cette vacance, évoquées par l’Union professionnelle du secteur immobilier (Upsi), sont multiples : la crise, un pouvoir d’achat en diminution, le succès croissant de l’e-commerce, une inadéquation entre les loyers et le chiffre d’affaires, etc. En termes de surface vide, le taux de vacance est moins catastrophique (7,6 %, soit 2,3 millions de m² sur un parc de 20,8 millions), ce qui semble prouver que les commerces les plus touchés sont ceux qui ont une taille plus réduite.

Le bureau toujours peu fringant, mais toujours là

Parallèlement, plus de 1,4 milliard d’euros a été investi dans le segment des bureaux, soit 34 % du volume total annuel investi, contre 56 % pour la période 2010-2014. Des gros volumes ont une nouvelle fois été enregistrés dans cette catégorie d’actifs, avec la vente du Livingstone II (loué à la Commission européenne) par Cofinimmo à Aberdeen, celle du Gateway (nouveau QG de Deloitte à Brussels Airport) ou de la Tour Bastion en début d’année.

Le marché est également plus global et international que jamais. Selon Pierre-Paul Verhelst, à la tête du département Recherches chez JLL, les investisseurs belges n’assurent plus que 42 % du volume total. Parmi les acteurs internationaux les plus actifs sur notre marché pour l’instant, les Asiatiques prennent la part du lion avec pas moins de 26 %. Les Britanniques suivent avec 11 % juste devant les Américains (10 %).

Par catégorie d’actifs, les investisseurs internationaux sont majoritaires tant sur le segment du bureau (63 % du volume total investi) qu’en retail (64 %), et ils achètent quasi la totalité (99 %) des murs hôteliers. Les marchés des maisons de repos et de l’industrie restent plus locaux, avec une part respective de 100 % et 75 % d’investisseurs belges.

Dernière tendance stratégique confirmée : la liquidité des produits bruxellois core (triple A) se réduisant comme peau de chagrin, la concurrence entre investisseurs internationaux y est exacerbée. Les investisseurs institutionnels belges rechignent donc de moins en moins à miser sur des actifs régionaux sûrs logés à Gand, Liège, Namur ou Anvers. En ce sens, ils suivent le marché des occupants — surtout publics — qui tend lui aussi à se décentraliser suite à la sixième réforme de l’Etat notamment.

Enfin, notons encore, pour clôturer ce bilan annuel, que les rendements s’affichent toujours à la baisse vu le manque d’actifs de qualité mis en vente. Les murs des bureaux offrant un bail classique (3-6-9) dans le CBD s’échangent aujourd’hui à 5,35 % (contre 5,75 % il y a un an encore). Quant à ceux offrant des baux à long terme, leurs rendements lorgnent aujourd’hui les 4 % (contre 5 % il y a un an). Mieux encore pour les propriétaires vendeurs : les rendements des magasins sont passés sous la barre des 4 % alors qu’ils tournent autour des 4,25 % pour les centres commerciaux, très légèrement plombés par la conjoncture de fin d’année et l’insécurité.

“Courtier recherche désespérément occupants”

2015 est restée une année difficile pour les bureaux à Bruxelles : aucune transaction de grande taille n’a été signée durant les 12 derniers mois. La prise en occupation annuelle ne dépasse guère la barre des 300.000 m², ce qui fait de 2015 la plus mauvaise année depuis… 1990 ! C’est également la première fois depuis 1998 qu’aucune location de plus de 20.000 m² n’a été signée. La transaction majeure la plus récente est la prélocation de 13.000 m² signée par KPMG (sur le modèle de celle de Deloitte) dans le projet The PassPort développé par Codic à l’aéroport. Il y a cependant un important pipeline de transactions de plus de 10.000 m² dont la concrétisation prend plus de temps qu’à l’accoutumée, notamment de la part de la Commission européenne (+/- 27.000 m²), du Parlement européen et de la police de Bruxelles (+/- 30.000 m²), pressentie dans l’immeuble De Ligne, récemment racheté par Ghelamco.

Sans même parler des derniers événements (menaces répétées d’attentats), si l’on ajoute à cette pénurie de prises en occupation nettes les effets de la nouvelle politique régionale drastique initiée en matière de réduction des parkings (CoBrace) et le gel initié par les promoteurs en matière de nouveaux projets spéculatifs, on observe pour l’instant une mise en veilleuse quasi généralisée sur le marché des bureaux.

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