Syndic, une profession méconnue et en pénurie

SYNDIC - ″Nous n’avons aucun pouvoir 
de police dans 
les immeubles.″ © GettyImages

Le métier de syndic est une profession en pénurie, et de plus en plus, même, au fil des ans. Il souffre d’un problème d’image, auquel le secteur tente de remédier au moyen d’une campagne de sensibilisation. “Peu de gens connaissent réellement le rôle du syndic.”

Sur les 10.972 agents immobiliers que comptait notre pays l’an dernier, 564 sont exclusivement syndics ; 2.283 sont enregistrés à la fois comme agent immobilier et comme syndic, mais la plupart sont avant tout agents. Les 8.125 autres professionnels n’exercent que l’activité d’agent. Des 955 stagiaires qui se sont lancés dans l’immo­bilier en 2022, 91 ont choisi de se spécialiser dans le métier de syndic. Celui-ci figure sur la liste des professions en pénurie depuis 2015 déjà. Des chiffres révélateurs du problème d’image auquel il est confronté de longue date.

Stress inutile

Tom Van Campenhout, gérant du syndic 03Beheer, en est bien conscient. Pour lui, qui est dans le métier depuis 25 ans, ce problème d’image a une explication: ‘‘Trop peu de gens comprennent ce qu’est le rôle du syndic, commente-t-il. Le syndic ne gère pas l’immeuble dans son ensemble, car c’est à chaque copropriétaire qu’il incombe de s’occuper de sa partie privative. Le syndic gère les parties communes, sans aller au-delà des décisions prises par l’assemblée générale des copropriétaires. Il n’a pas voix au chapitre, il ne fait que servir les intérêts de l’ACP, l’association des copropriétaires.’’ Cette gestion des parties communes est de nature administrative, financière et technique. ‘‘Le syndic peut également intervenir en cas d’urgence’’, précise Tom Van Campenhout.

Près de trois syndics sur quatre sont quotidiennement confrontés à des questions ou à des problèmes qui ne relèvent pas de leurs compétences et auxquels ils ne peuvent rien faire, révèle une enquête organisée entre autres par l’IPI, l’Institut professionnel des agents immo­biliers. ‘‘Quand on m’appelle pour la énième fois pour me dire qu’on est dehors et qu’on a oublié ou perdu ses clés, je ne peux que me borner à répéter que mon rôle s’arrête à la porte de chaque appartement’’, confirme Frederiek Thiers, syndic et membre de l’organe d’administration de l’IPI.

Le syndic ne peut pas faire grand-chose non plus en cas de désaccord entre occupants. ‘‘Si l’un d’eux fait trop de bruit, je peux lui rappeler l’existence du règlement d’ordre intérieur, mais rien de plus. Nous n’avons aucun pouvoir de police.’’

Ces idées fausses sur les attributions de chacun sont souvent source de frustration. ‘‘Certains copropriétaires ne sont pas d’accord avec les décisions de l’ACP, voire n’en ont parfois tout simplement pas connaissance. Mais c’est toujours au syndic qu’ils se plaignent. Peu de gens savent ce que dit la loi sur la copropriété et ont le réflexe d’aller voir ce que l’assemblée générale des copropriétaires a décidé’’, déplore Tom Van Campenhout. Qui voit chaque jour à quel point cette attitude pèse sur son personnel. ‘‘Les copropriétaires désagréables ou grossiers, c’est une source de stress inutile’’, confirme-t-il.

© Toma Van Campenhout
“Le syndic n’a pas voix au chapitre, il ne fait que servir les intérêts de l’association des copropriétaires.” – Tom Van Campenhout, 03Beheer


Pour s’attaquer à ce problème d’image, l’IPI, la Confédération des immobiliers CIB, l’organisation francophone Federia et le Fonds social 323 ont initié une campagne nationale qui s’appuie sur un site web, baptisé votre-syndic.be. Ce site présente des témoignages de syndics (‘‘pour un syndic, il n’y a pas de journée type’’, commente Saskia), une description claire de l’ensemble des tâches et le détail de ce que les copropriétaires peuvent attendre de leur syndic. Il propose également un test en ligne, qui évalue les connaissances que l’utilisateur a du métier. Nous avons obtenu un score de 4 sur 5 à ce test – apparemment, c’est à l’ACP de s’acquitter des intérêts de retard lorsque le syndic a omis de payer une facture.

Consolidation et taille critique

Comme on construit de plus en plus d’appartements, la pénurie va immanquablement s’aggraver. Alors qu’en 1995, notre pays comptait 438.000 appartements, on en recensait 882.000 en 2020, soit une multiplication par plus de deux. La croissance est inexorable. Cela fait quelques années que le nombre de permis de bâtir des immeubles à appartements est structurellement plus élevé que le nombre de permis de construire des maisons. ‘‘En Flandre, où les terrains sont rares, on construit surtout en hauteur. Il y a donc systématiquement situation de copropriété, dont la gestion doit être confiée à des professionnels’’, synthétise Frederiek Thiers.

Le business modèle du syndic est simple. Ses revenus sont constitués des honoraires, auxquels peuvent venir s’ajouter des indemnités horaires pour les services qui ne relèvent pas des tâches habituelles. Le contrat conclu entre le syndic et l’association des copropriétaires doit préciser clairement la nature des prestations. Les principaux postes de dépenses concernent le personnel, s’il y en a, et le logiciel de gestion et de communication avec l’association des copropriétaires. ‘‘Un bon syndic investit massivement dans la formation et l’encadrement de son personnel, d’autant que le secteur est confronté à d’énormes problèmes dans le domaine des ressources humaines”, explique Tom Vandermeersch, initiateur d’Appartementor, une société de conseil qui assiste les syndics, les ACP et les promoteurs immobiliers.

Les honoraires vont de 19 à 25 euros par appartement et par mois ; ils peuvent aller jusqu’à 30 euros et plus à Bruxelles, et tomber à 13 euros à la côte. A l’heure, il faut compter entre 70 et 90 euros.

Malgré la rareté, il n’est pas évident, pour les nouveaux venus, de se faire une place dans la profession. ‘‘La charge de travail est très élevée pour les débutants, surtout quand ils sont seuls, constate Tom Van Campenhout. Il faut être en mesure d’offrir un certain service, dont une permanence. Si vous êtes seul, vous devez être sur le pont jour et nuit. Ce n’est qu’à partir d’un certain niveau de chiffre d’affaires que l’on peut s’organiser correctement.’’

Il est donc nécessaire d’atteindre une certaine taille critique. Or, malgré la consolidation constatée ces dernières années (de grands noms comme Syncura, Parte et Gerantis, par exemple, se sont principalement développés en acquérant maintes petites sociétés, avec l’aide de capitaux privés), le secteur, en Belgique, reste très fragmenté.

Si leur taille permet aux quelques grands de centraliser leurs services, au profit d’un allégement de la facture du client, elle n’est pas nécessairement appréciée des copropriétaires, qui se plaignent souvent de la forte rotation du personnel et s’estiment considérés comme des numéros. ‘‘Les petites et moyennes entreprises ont l’avantage du contact personnel. Elles peuvent vraiment faire la différence sur un marché de niche’’, conclut Tom Vandermeersch.

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