Stéphan Sonneville: “Dans un monde durable, l’immobilier est central”

Stéphan Sonneville: "L’urgence climatique devrait nous aider par défaut à accélérer la délivrance de permis." © PG

Stéphan Sonneville, le CEO d’Atenor prend la tête de l’Upsi pour trois ans. Ce poids lourd du secteur, fort présent à Bruxelles mais méconnu en Flandre, entend marquer sa présidence par un changement de style. Avec quelques marottes à défendre.

Stéphan Sonneville est devenu ce mardi 7 mars le 15e président de l’Union professionnelle du secteur immobilier (Upsi-BVS). Le CEO d’Atenor succède à l’Anversois Stéphane Verbeeck (Stelina) pour un mandat de trois ans.

TRENDS-TENDANCES. Que représente la présidence de l’Upsi quand on est CEO d’une grande boîte et qu’on dispose déjà d’un important pouvoir d’influence dans les milieux politiques?

STÉPHAN SONNEVILLE. Ce n’est pas une ambition qui était ancrée en moi. En dépit de ce que l’on peut penser de ma personne, je n’ai pas un besoin de reconnaissance professionnelle. Je n’ai par exemple pas fêté les 25 ans d’Atenor. Je ne pense pas que l’on fait de l’immobilier aujourd’hui comme par le passé, via une influence personnelle. L’Upsi est par contre une machine extraordinaire au profit de la profession. Je souhaite donc avant tout mettre en avant ses qualités. A savoir qu’il s’agit d’un centre de compétences au service de la construction des villes. Et non la défense d’intérêts d’un club de privilégiés.

N’existe-t-il pas des craintes de voir apparaître une confusion entre le discours de l’Upsi et celui d’Atenor, vu vos intérêts communs?

Je suis président de la section bruxelloise depuis six ans. Et j’ai pour discipline d’illustrer le propos de l’Upsi en ne prenant en exemple que des projets de confrères. Je vais continuer à travailler en ce sens. Hasard des choses, il se fait que, ces dernières années, j’ai davantage de possibilités de prendre d’autres exemples que les miens… (sourire)

L’Upsi est entendue mais pas suffisamment écoutée. La manière de dialoguer avec les responsables politiques doit donc évoluer.

De quel prédécesseur comptez-vous vous inspirer pour votre mandat?

Tous les présidents ont laissé une trace particulière. Ils ont contribué à ce que l’Upsi est aujourd’hui. Et, de mon côté, je vais y apporter ma touche.

Et justement, quelle sera la touche Stéphan Sonneville?

L’Upsi est entendue mais pas suffisamment écoutée. La manière de dialoguer avec les responsables politiques doit donc évoluer. Il est très important d’entretenir le dialogue avec les ministres, les cabinets et leurs administrations. Je souhaiterais ajouter un contact avec les commissions parlementaires. Les ministres nous écoutent mais appliquent leur programme. Ce n’est pas une critique car ils sont élus pour cela. Il serait par contre plus opportun de dialoguer un peu plus en amont pour pouvoir peser davantage sur les décisions. Pour le reste, je suis CEO d’Atenor depuis 18 ans. Je vais découvrir le rôle de président. Je vais donc laisser à Olivier Carrette (directeur général, Ndlr) toutes ses prérogatives, l’accompagner et le soutenir au mieux. L’objectif sera d’orienter quelque peu nos actions en disant ce que je pense.

Stéphan Sonneville “Il est plus facile d’obtenir un permis lors d’une grande rénovation que lors d’une démolition/reconstruction. Ce type de projet est donc à privilégier.”
Stéphan Sonneville: “Il est plus facile d’obtenir un permis lors d’une grande rénovation que lors d’une démolition/reconstruction. Ce type de projet est donc à privilégier.” © IMAGEDESK

Quel sera le défi numéro 1 de votre présidence?

Les défis sont multiples. Je ne parlerai pas d’accélérer la délivrance des permis car je ne pense plus que nous arriverons à faire évoluer cette problématique en tentant d’utiliser les méthodes du passé. Qui, en réalité, n’ont jamais porté leurs fruits. Il faut désormais mettre en avant le besoin d’un immobilier durable. L’urgence climatique devrait nous aider par défaut à accélérer la délivrance de permis. Aujourd’hui, il faut bien se rendre compte que les permis sont plus fragiles qu’auparavant. Pourquoi? Car on change bien trop régulièrement les réglementations et que l’administration ne peut suivre le rythme par manque de collaborateurs expérimentés.

Comment les promoteurs peuvent-ils répondre à cette situation?

Ils doivent s’adapter. Ils remarquent bien qu’il est plus facile d’obtenir un permis lors d’une grande rénovation que lors d’une démolition/reconstruction. Ce type de projet est donc à privilégier. Mais ce choix ne doit toutefois pas devenir un dogme.

Vous annoncez innover en souhaitant appliquer un programme d’actions. Que comprendra-t-il?

Un point important sera de davantage mettre en valeur toutes nos compétences dans les différents dossiers que nous traitons. Prenons l’exemple du Règlement régional d’urbanisme (RRU) à Bruxelles. L’Upsi a produit un document remarquable de 60 pages. Il est particulièrement constructif. Nous devons continuer à être une force de proposition. Je voudrais également rappeler au monde politique que toute décision doit être accompagnée d’une période transitoire. L’immobilier est un cycle long, le secteur doit pouvoir digérer le changement. Je vais me battre pour cela. Il s’agit d’une revendication légitime et de bon sens.

Une ville durable est aussi une ville dense. L’étalement urbain est une catastrophe pour la Wallonie.

Enfin, je souhaite mettre en place un dialogue plus intense avec les autres associations, qu’elles soient actives dans la construction, l’architecture ou autre. Il y a un intérêt à se parler car l’immobilier concerne les hôtels, le parking, la mobilité ou encore l’attractivité d’une ville. Il est au cœur de toute une économie qui procure du travail à énormément de monde. Il ne faut pas l’oublier.

Y aura-t-il des nouveautés?

L’Upsi compte 13 commissions. Je voudrais en créer une supplémentaire qui évoquera l’ESG et la taxonomie. Elle doit être un fer de lance de notre stratégie. L’immobilier représente 40% des émissions carbone. Dans un monde durable, à côté du transport, l’immobilier est central. Les politiques ne peuvent pas parler de développement durable s’ils n’ont pas de dialogue avec les représentants immobiliers. C’est un débat passionnant car une ville durable est aussi une ville dense. L’étalement urbain est par exemple une catastrophe pour la Wallonie. Or, quand on veut construire un immeuble de huit étages à Namur, c’est presque considéré comme une tour.

Reste à déterminer comment renouveler ce bâti obsolète…

La rénovation ne doit pas devenir un dogme. Cela dépend de la qualité des logements et des bureaux que nous pourrons développer. Dans certains cas, une démolition est inévitable. Il faut alors également tenir compte du volet circularité. La commission ESG/taxonomie doit en fait être une charnière de démystification. Je souhaite que l’Upsi s’empare de ce sujet de manière professionnelle, de façon à faire comprendre que nous sommes des interlocuteurs dignes d’être écoutés. Cela permettra d’intégrer également davantage les enjeux européens en matière de développement durable et d’immobilier.

L’année 2022 a été très compliquée pour le monde immobilier. Il n’y a jamais eu autant d’incertitudes (coûts de construction, taux d’intérêt, réforme fiscale). Qu’attendre de 2023?

On ne peut pas savoir ce que Poutine va faire dans un mois. Mais on sait que tous les dictateurs qui sont sortis de leurs frontières se sont fait exécuter à un moment ou un autre. Et donc, il y a au moins une certitude: après la pluie viendra le beau temps. Par contre, je pense qu’il faudra au minimum deux ans pour se remettre du covid et de la hausse du coût des matériaux. 2024 sera donc aussi compliquée que 2023. Le soleil ne brillera pas avant 2025.

Avec quelles conséquences sur le marché?

Si les politiciens ne comprennent pas que des répercussions importantes vont encore arriver pour le secteur immobilier, ce sera un vrai problème. Penser que l’immobilier pourrait être encore taxé est inconcevable. Notre attitude résiliente doit être davantage soutenue.

Pour le moment, nous assistons déjà à une baisse de la production de logements neufs et à une sous-offre de bureaux durables. Ces situations ne vont faire que s’accentuer si rien ne change. Avec des impacts en matière d’accessibilité aux logements, de hausse de prix et de compétitivité par rapport à d’autres villes européennes. Nous ne pouvons pas faire l’économie de l’immobilier dans une économie qui est en telle transformation vers la durabilité. Et l’Upsi ne peut être écartée des discussions.

“Nous ferons une place à Immobel”

TRENDS-TENDANCES. Outre les différents présidents, le conseil d’administration de l’Upsi a également été renouvelé. Un invité de marque n’est plus à table. Que penser de la non-élection d’Immobel, le plus important promoteur belge coté?

STÉPHAN SONNEVILLE. Nous le déplorons avant tout. Il me semble que les membres de l’ancien conseil d’administration ont voté en faveur d’Immobel. Nous ne comprenons pas ce qu’il s’est passé. Nous savons qu’Immobel n’était pas présent à tous les conseils d’administration et que cela a peut-être influencé le vote de certains. Nous allons leur proposer d’intervenir dans l’une ou l’autre commission.

Equilis et Eiffage n’ont également pas été reconduits. Le conseil d’administration est-il encore représentatif du monde immobilier belge? Il n’y a plus que deux promoteurs wallons…

Il faut éviter la guerre communautaire. Il y a très peu de membres wallons par rapport aux membres bruxellois et flamands. L’explication est aussi simple que cela.

Pour Bruxelles, Rikkert Leeman (Alides) vous succède à la présidence. Pourquoi l’avoir choisi?

Par rapport à d’autres candidats, j’ai favorisé la complémentarité et l’efficacité. Avoir un promoteur qui dispose du même profil que le mien me semblait moins judicieux pour faire passer les messages de l’Upsi. Dans ce cas-ci, il s’agit d’un jeune entrepreneur flamand dont la société investit massivement à Bruxelles et qui dispose d’autres entrées que les miennes pour défendre nos intérêts dans la capitale.

Vous êtes relativement méconnu en Flandre. Comment ferez-vous entendre votre message?

Stéphane Verbeeck (le président sortant, Ndlr) m’a laissé plus de place à Bruxelles lors des trois dernières années. Je laisserai davantage de latitude à Jeff Cavens (Triple Living) en Flandre et à Edouard Herinckx (Thomas & Piron) en Wallonie. J’assumerai par contre les problématiques au niveau fédéral, que ce soit en matière de TVA, de Conseil Etat ou de réforme fiscale.

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