Marché immobilier belge: s’adapter à 
la nouvelle normalité

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Les investisseurs institutionnels se rabattent sur leur ­marché domestique, un phénomène qui se fait particulièrement sentir dans le segment des bureaux bruxellois. Mais qui crée aussi des opportunités : “Les Belges sont de retour aux affaires.”

Le marché immobilier belge n’a pas été très actif en 2023. D’après la société de conseil Cushman & ­Wakefield, les investissements ont atteint 2,5 milliards d’euros, le chiffre le plus bas depuis 2013. A titre de comparaison : plus de 5,8 milliards avaient été investis en ­Belgique en 2022.

Avec un compteur qui peine à atteindre 400 millions d’euros, les premiers mois de 2024 ne laissent guère présager de reprise spectaculaire. “Le marché est actuellement très peu porteur, déclare Vincent Vanderstraeten, Associate Capital Markets chez Cushman & Wakefield. Nous vivons une période d’incertitudes alors que les investissements immobiliers ont besoin d’un environnement stable. “

L’immobilier de bureaux

Les statistiques révèlent que le marché des bureaux bruxellois – traditionnellement, le noyau dur du marché belge de l’investissement immobilier – a été particulièrement touché en 2023. Les volumes investis ont tourné autour de 640 millions d’euros, alors qu’ils avoisinaient 3 milliards ­d’euros en 2022, un record. Aucune transaction importante ne s’est encore concrétisée cette année.


Les bureaux bruxellois ont surtout été le terrain de jeu de grands investisseurs institutionnels, pour la plupart étrangers. “En l’absence d’autres pistes, les institutionnels se tournaient jusqu’à récemment presque exclusivement vers ­l’immobilier, analyse Vincent ­Vanderstraeten. Mais cet afflux massif de capitaux s’est pratiquement asséché, car la hausse des taux d’intérêt permet d’opter pour autre chose que l’immobilier.” Certes, la désertion des immeubles n’aide pas non plus. Avec la crise sanitaire et l’adoption du télétravail, de nombreuses entreprises ont optimisé leurs espaces de bureaux. Elles choisissent également de plus en plus des bâtiments qui répondent aux normes ESG. “Ce qui propulse les loyers les plus élevés à la hausse, poursuit Vincent Vanderstraeten. Une pression qui, avec la pénurie de nouveaux produits, va s’intensifier davantage encore.”


Cette évolution s’accompagne en outre d’un repositionnement vers un autre type d’immeubles. Dans les années fastes, les investisseurs s’intéressaient principalement aux bureaux de qualité, qui offraient des revenus locatifs sûrs. “Ce n’est pas qu’ils se détournent de cette catégorie d’immeubles, affirme Vincent Vanderstraeten. Au contraire. Mais les hausses de taux ont fait s’envoler le coût du financement. L’écart entre ce que l’acquéreur est prêt à payer et ce que le vendeur espère obtenir s’est de surcroît creusé. Et la nouvelle normalité n’est pas encore intégrée.” Les investisseurs se mettent donc en quête de bâtiments générateurs de rendements plus élevés, soit des immeubles d’une qualité légèrement inférieure mais qui, moyennant une gestion intelligente et active, offrent des perspectives sur le long terme – une stratégie dite value-add. “Des rendements plus importants existent dans le segment de la réaffectation également, d’où le regain d’intérêt dont il fait actuellement l’objet, constate Vincent Vanderstraeten. Mais pour ces deux pôles, il faut disposer d’une expertise locale. D’où le repli, sur leur marché domestique, des investisseurs internationaux. D’où aussi, pour les Belges, la possibilité de revenir dans la course. Ils peuvent investir de manière anticyclique et prendre des positions stratégiques.”

Peu de ventes forcées

Le nombre de ventes forcées est actuellement ­limité, mais Vincent ­Vanderstraeten estime que la pression va aug­menter cette année. “Quand tout allait bien, les transactions étaient souvent financées par des crédits bullet à cinq ans, dont une partie va pro­gressivement devoir être renouvelée. Or ce sera plus compliqué, puisque les coûts de financement ont été multipliés par près de quatre et que les prix à la revente ont chuté.
Cela explique du reste aussi pourquoi si peu de choses bougent ­aujourd’hui. Les acteurs ­locaux ont vraiment envie d’acheter, mais ils veulent que le prix soit convenable – lisez : corrigé. Ce que les vendeurs ne sont pas encore prêts à faire.”
La question est donc de ­savoir jusqu’à quel point les banques vont jouer le jeu – les banques étrangères, surtout, selon Vincent Vanderstraeten, “car les banques belges, qui connaissent très bien le marché local, participent rarement à des financements importants et ­risqués”.


Autre constat : le montant moyen des transactions est en nette baisse. “Avant, on considérait que plus c’était gros, mieux cela valait, résume Vincent Vanderstraeten. Aujourd’hui, plus la transaction est modeste et simple, plus obtenir du financement est facile. Le montant des transactions est tombé à 19 millions d’euros l’an dernier, alors que la moyenne sur cinq ans est de 44 millions.”

Le commerce de détail

L’immobilier commercial a étonnamment bien résisté. Il a attiré, en 2023, 609 millions d’euros, un volume proche de celui de 2022 (645 millions) et de 2021 (549 millions). Avec la vente, fin janvier, de la Galerie Toison d’Or, à Bruxelles, pour 50 millions d’euros environ, à Bruvaco (Frank Tans), l’année a bien commencé pour ce segment.


“Contrairement aux autres, le segment de l’immobilier de détail a déjà connu des corrections, rappelle Victoria Tanret, responsable du département Capital Markets Retail chez Cushman & Wakefield. Mais 2023 a été une année plutôt bonne. Le commerce de détail a toujours été moins tributaire des grands institutionnels. Il s’adresse davantage aux acteurs privés, comme les family offices, qui financent leurs investissements autrement – moins à l’aide de crédits bullet, voire parfois même uniquement sur leurs fonds propres. Ce qui les rend par ailleurs moins sensibles aux augmentations de taux.”


Or, affirme Victoria Tanret, l’appétit de ces acteurs, essentiellement locaux, pour l’immobilier commercial, reste considérable. “Les taux d’occupation de la plupart des portefeuilles sont satisfaisants, sourit- elle. Aux emplacements de premier ordre, les loyers se maintiennent et la plupart des propriétaires ont pu pratiquer des indexations. L’immobilier commercial reste donc une protection contre l’inflation.”


Pour nos experts, 2024 devrait être très similaire à 2023. “J’ai assez confiance dans les volumes que nous allons pouvoir atteindre dans le segment du commerce de détail, déclare Victoria Tanret. Mais il s’agira principalement de petites transactions, réalisées par des acteurs locaux. Peut-on s’attendre à une opération d’envergure dans le secteur des centres commerciaux ? Je ne le pense pas. Peut-être vers la mi-2025, quand les grands institutionnels s’intéresseront à nouveau à ce segment.”


Pour Vincent Vanderstraeten, les investisseurs privilégieront, cette année encore, les immeubles value-add et les réaffectations. “Je pense par ailleurs que le moment, pour les propriétaires-occupants, est idéal”, conclut-il.


Commerce: avec la vente, fin janvier, de la Galerie Toison d’Or, à Bruxelles, l’année 
a bien commencé pour le segment.

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