Le modèle dominant de la propriété immobilière dans notre pays est soumis à une pression croissante. Non seulement en raison de la hausse des prix de l’immobilier, mais aussi à raison de l’évolution des attentes en matière d’habitat.
Évolution des mentalités, du style de vie, manque de moyens financiers, envie de flexibilité ou de liberté… Les raisons pour ne pas envisager l’achat de son logement sont multiples. Des alternatives à l’achat existent bien évidemment. Quels sont leurs avantages et leurs inconvénients ? Tour d’horizon.
Louer: quand la flexibilité est prioritaire
De nombreux jeunes débutent leur parcours résidentiel sur le marché locatif. Il existe de nombreuses bonnes raisons à cela, que l’on peut résumer sous le terme de “flexibilité”. Louer est généralement un processus administratif fluide entre locataire et propriétaire, sans intervention de tiers tels que banques ou notaires. Cela le rend aussi relativement bon marché : les frais de notaire et les coûts hypothécaires liés à un achat sont supprimés. Et rapide : celui qui trouve un logement locatif adéquat peut souvent y emménager immédiatement. La résiliation d’un contrat de location est également relativement simple et peut être effectuée à court terme.
Cette flexibilité correspond bien à la phase de vie des jeunes, dans laquelle de nombreux choix restent ouverts. Car que faire si votre emploi de rêve se trouve à l’autre bout du pays ? Déménager est généralement une étape bien plus simple pour un locataire que pour un propriétaire. Et louer un logement avec son partenaire reste tout de même une première étape à ne pas sauter avant d’acheter ensemble son nid d’amour. Louer permet aussi d’acquérir de l’expérience résidentielle : qu’est-ce qui fonctionne bien dans votre logement, qu’est-ce qui est important pour vous, qu’est-ce qui vous dérange au quotidien ? Ces apprentissages sont précieux pour un futur choix résidentiel plus définitif.
Il existe évidemment aussi des inconvénients. Le principal est sans doute la sécurité résidentielle plus limitée. Le propriétaire ne peut certes pas résilier le contrat de location à tout moment et doit respecter les délais de préavis, mais le risque que le contrat prenne fin subsiste. De plus, la liberté de procéder à des modifications structurelles dans le logement est limitée : cela nécessite généralement une autorisation.
De l’argent jeté par les fenêtres?
Et puis, il y a l’adage belge classique selon lequel louer serait de l’argent jeté par les fenêtres. Cela mérite toutefois une certaine nuance. En effet, celui qui loue ne constitue pas de patrimoine par le remboursement d’un prêt. Mais en contrepartie, les locataires ont souvent des charges mensuelles plus faibles et peuvent donc davantage épargner ou investir. Cela exige évidemment une discipline financière.
Un obstacle relativement récent est la tension sur le marché locatif. Celle-ci a conduit à ce que les propriétaires aient une position de force, et que les candidats-locataires doivent presque “postuler” pour des biens prisés. La rareté a également fait grimper fortement les loyers au cours des deux dernières années. Pour 2024, la fédération immobilière CIB a calculé une hausse des loyers de 6,1% en Flandre, 5% à Bruxelles et 4,4% en Wallonie.
Par ailleurs, on trouve dans notre pays une offre encore modeste mais croissante de logements locatifs détenus par des acteurs professionnels tels que Home Invest, Vicinity ou Jack. Ces acteurs proposent souvent des services et des équipements supplémentaires et misent fortement sur la digitalisation du processus de location et de gestion.
Coliving: prolongement de la vie étudiante
Si le temps des études est la plus belle période de votre vie, pourquoi ne pas essayer de la prolonger au début de votre carrière professionnelle ? Le coliving rend cela possible. Cette formule d’habitat où des amis (diplômés) louent ensemble une maison ou un appartement est en pleine expansion. En regroupant leurs budgets, ils peuvent se permettre un logement plus spacieux ou plus beau que ce qui serait réalisable individuellement.
Ceux qui ne trouvent pas d’âmes sœurs dans leur entourage peuvent rejoindre un projet de coliving via les réseaux sociaux ou des plateformes comme Coloc Housing, Cohabs ou Sheltr. Ces acteurs professionnels proposent dans des logements élégants et entièrement meublés des chambres privées – souvent avec salle de bain personnelle – combinées à des espaces de vie partagés. À Bruxelles, les prix chez Cohabs se situent en grande partie entre 800 et 1.200 euros par mois, charges et services compris. Des concepts comme Upliving, Yust et ARC de LIFE combinent quant à eux des appartements compacts avec des équipements collectifs.
Le coliving offre les mêmes avantages et inconvénients que la location classique, avec comme atout supplémentaire l’accès à un segment résidentiel supérieur. L’aspect social et le sentiment communautaire séduisent également de nombreux jeunes. La version professionnelle du coliving est particulièrement attrayante pour les (jeunes) expatriés : un logement meublé, prêt à emménager et entièrement géré de façon numérique.
Il existe aussi des revers : moins d’intimité, dépendance vis-à-vis des colocataires et davantage de complexité juridique et pratique, surtout si quelqu’un part de manière imprévue. Cela peut être résolu par des accords clairs, mais ce n’est pas plus simple pour autant.
Le coliving offre les mêmes avantages et inconvénients que la location classique, avec comme atout supplémentaire l’accès à un segment résidentiel supérieur.
Habitat coopératif: mélange attrayant entre achat et location

Pour ceux qui recherchent la sécurité résidentielle sans vouloir ou pouvoir acheter, l’habitat coopératif peut être une alternative réalisable. Vous n’achetez pas une maison, mais des parts d’une société coopérative. Ces parts donnent droit à un logement. En outre, vous payez chaque mois une redevance d’occupation, comparable à un loyer, mais basée sur les coûts réels du bâtiment. Les partisans y voient un mélange idéal : la sécurité de la propriété combinée à la flexibilité de la location. Si vos besoins en logement évoluent, vous pouvez déménager au sein de la coopérative. Il y a aussi beaucoup d’attention portée à la qualité de l’habitat et à la vie en communauté.
Selon Peggy Totté d’Architectuurwijzer, ce modèle est particulièrement intéressant pour les primo-accédants. “Dans une coopérative idéale, on peut entrer avec un apport de 10 % de la valeur du logement. Au lieu des 20 % généralement exigés par les banques lors d’un achat. Et on y habite à prix coûtant. Ce qui à long terme fait une grande différence avec le loyer du marché.”
Nombre limité de coopératives d’habitation
Elle ajoute toutefois que – notamment en raison d’un manque de bon encadrement par les pouvoirs publics – le nombre de coopératives d’habitation en Belgique reste limité. “Knokke-Heist a toutefois lancé un projet pilote intéressant”, indique Peggy Totté. La commune y met un terrain de la zone résidentielle Heulebrug à disposition via un droit de superficie et assume le rôle de coordination. Le projet s’inscrit dans l’objectif de créer une offre de logement abordable, ce qui n’est pas évident dans l’une des communes les plus chères du pays.
“Dans une coopérative idéale, on peut entrer avec un apport de 10% de la valeur du logement, au lieu des 20% généralement exigés par les banques. – Peggy Totté (Architectuurwijzer) ”
Les coopératives d’habitation ont dans notre pays un public restreint mais convaincu. L’un d’eux est le promoteur Laurens Gilen. “C’est la manière la plus équitable d’aborder l’immobilier, estime-t-il. On évite la spéculation et la pensée à court terme.” Pour une percée plus large, une professionnalisation est nécessaire, estime Laurens Gilen. “Aujourd’hui, les coopératives sont souvent de petite taille et dépendent largement de l’engagement de membres hautement qualifiés. Pour passer à l’échelle supérieure, il faut beaucoup de capital, et cela fait encore défaut.”
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CLT: propriétaire du logement, pas du terrain
Le terrain à bâtir est, en plus du coût de construction et des impôts, un des composants principaux du prix d’un logement. Et si l’on supprimait ce coût du modèle classique ? C’est l’essence du concept de Community Land Trust (CLT). Bien sûr, on ne peut pas construire sans terrain, mais dans un CLT, ce terrain n’est pas acquis individuellement. Il reste propriété collective.
Cette propriété collective est la clé de l’accessibilité financière. Les autorités locales jouent souvent un rôle crucial, en mettant à disposition des terrains gratuitement ou à prix réduit, en accordant des subventions, ou en confiant le terrain à la CLT via un bail emphytéotique ou un droit de superficie.
“Le terrain est détenu par une organisation à but non lucratif qui le gère dans l’intérêt général, explique Thibault Leroy de CLT Bruxelles (CLTB). Les habitants achètent – ou dans certains cas louent – uniquement le bâtiment, pas le terrain. Cela rend les logements structurellement plus abordables et empêche la spéculation. Pour les jeunes, surtout en ville, cela réduit considérablement l’apport financier pour accéder à la propriété.” La copropriété séduit aussi de nombreux jeunes sur le fond, note Thibault Leroy. “Construire ensemble son quartier, cela dépasse le simple fait d’habiter.”
Caractère atypique du modèle de propriété
Le CLTB est actuellement l’initiative CLT la plus avancée en Belgique. Depuis sa création, 10 projets ont été lancés ; 6 ont été réalisés et environ 120 logements ont été livrés. Plusieurs projets en préparation devraient ajouter plus de 100 logements supplémentaires.
Celui qui achète un logement via un CLT doit être conscient du caractère atypique du modèle de propriété. “En cas de revente ultérieure, cela se fait selon les règles du CLT, avec un plafond sur le prix, indique Thibault Leroy. Ainsi, le logement reste abordable pour l’acheteur suivant.” Le vendeur ne profite donc que de manière limitée d’une éventuelle plus-value. Par ailleurs, des plafonds de revenus s’appliquent généralement pour ceux qui souhaitent acheter auprès d’un CLT. Et cela exige aussi un engagement. “Celui qui entre devient automatiquement copropriétaire de l’immeuble, avec les autres résidents, précise encore Thibault Leroy. Cela signifie que vous prenez part aux décisions, mais aussi que vous êtes activement impliqué dans le collectif.”
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