Peu de produits immobiliers en Belgique pour les investisseurs institutionnels
Les grands investisseurs s’intéressent de près au marché immobilier belge. Cependant, les promoteurs ne sont pas pressés de répondre à leurs avances.
Un peu moins de 600 millions d’euros. C’est le montant que les grands investisseurs cherchent à investir en Belgique dans les immeubles à appartements cette année, selon une enquête de CBRE. Le multifamilial, comme on appelle ce segment dans le secteur de l’immobilier, en fait la classe d’actifs la plus convoitée sur le marché immobilier belge après les bureaux et les bâtiments logistiques.
Arnaud Smeets, responsable du département investissement chez le consultant immobilier CBRE, souligne toutefois qu’il s’agit là d’intentions d’investissements. “Si nous terminons cette année sur un volume d’investissement de 150 millions d’euros, nous pouvons déjà être satisfaits, dit-il. Il n’y a pas de pénurie d’appétit et de capital. Ce qui nous manque, ce sont des produits adaptés pour ces investisseurs.”
Chez Catella Investment Management Benelux, filière du groupe suédois Catella qui dispose déjà de positions sur le marché belge, l’intérêt est bien là. “Nous avons l’ambition d’élargir notre portefeuille belge”, déclare Ralph Willems, responsable des acquisitions, qui souligne les bons fondamentaux de notre pays et la croissance du marché locatif. Mais, pour l’heure, la Belgique reste encore sous- représentée dans les portefeuilles des investisseurs institutionnels.
Bon marché…
Adrian Glatt, qui dirige le département des investissements chez le consultant immobilier JLL, s’attend à une “croissance lente mais régulière” des investissements institutionnels dans l’immobilier résidentiel dans notre pays. “La principale condition est d’avoir un marché locatif solide avec des revenus locatifs sûrs, explique-t-il. C’est déjà le cas dans les grandes villes telles que Bruxelles, Anvers ou Gand. Au cours des 15 dernières années, on a glissé d’un marché d’acheteurs vers un marché de locataires. La part des locataires dans ces villes est aujourd’hui d’environ 60%. Les locataires ont également changé: il ne s’agit plus exclusivement des classes à faibles revenus, mais aussi des classes moyennes, des jeunes, des célibataires, etc.”
Le marché belge a-t-il encore des atouts? Arnaud Smeets évoque les prix bon marché de l’immobilier résidentiel dans notre pays. “Pour les ventes en bloc, le prix du mètre carré se situe dans une fourchette de 3.000 et 3.500 euros, précise-t-il. C’est très bas dans une perspective européenne. Et il est certain que Bruxelles, en tant que capitale européenne, est très bon marché. Essayez de trouver un bien immobilier à moins de 10.000 euros/m2 au Luxembourg. Bonne chance!”
… et libéral
Notre marché locatif très libéral rend également la Belgique attractive pour les investisseurs institutionnels, estime Adrian Glatt. “Tant pour les prix que pour l’indexation, les propriétaires jouissent d’une grande liberté ici”, dit-il. Ralph Willems confirme, mais nuance: “En tant qu’investisseurs institutionnels, nous apprécions évidemment cette liberté. Mais l’indexation n’est pas toujours un avantage. Avec l’inflation actuelle, elle peut induire une forte augmentation des loyers que les locataires ne pourront plus assumer, ce qui les incitera à quitter les lieux plus tôt et augmentera les coûts de rotation”.
“Pour les promoteurs immobiliers, il reste plus intéressant de vendre appartement par appartement aux utilisateurs finaux et aux investisseurs privés.”
Il souligne également certaines faiblesses du marché belge, comme le manque de transparence et l’absence d’acteurs majeurs dans la gestion de l’immobilier résidentiel. Ces deux lacunes sont liées à la fragmentation de notre marché du logement, avec une part élevée de propriétaires occupants et de nombreux investisseurs privés. Des déficiences qui expliquent aussi en partie le manque de produits à destination des investisseurs institutionnels.
“Pour les promoteurs immobiliers, il reste plus intéressant de vendre appartement par appartement aux utilisateurs finaux et aux investisseurs privés, fait remarquer Adrian Glatt. Les exigences de rendement d’un acteur institutionnel sont un peu plus élevées que celles d’un investisseur privé.” Les investisseurs institutionnels s’intéressent principalement aux nouvelles constructions, notamment en raison des exigences de durabilité. Et c’est également là que le bât blesse, selon Arnaud Smeets. “Les procédures d’octroi de permis sont un gros problème dans notre pays. Résultat: les nouveaux produits ne se présentent que très rarement.”
Doutes des promoteurs
Sur le marché du neuf, les conditions de marché ont radicalement changé ces derniers temps. L’explosion des coûts de construction pèse sur les marges des promoteurs immobiliers. La hausse des taux d’intérêt est ressentie par tous les acteurs: les acheteurs privés sont attentistes, les promoteurs voient leurs coûts de financement augmenter et les investisseurs resserrent leurs attentes en matière de rendement. Nos interlocuteurs suggèrent que si les ventes aux particuliers prennent plus de temps, cela pourrait bien conduire à davantage de ventes en bloc au profit des acteurs institutionnels.
“Nous sentons une plus grande écoute de la part des promoteurs immobiliers”, reconnaît Adrian Glatt. Mais cela ne vaut que pour une partie du marché: métropolitain, moyen de gamme et portant sur de gros volumes. Tout ce qui est haut de gamme n’est, par exemple, pas concerné.
Trop petit pour être dominant
Devons-nous nous inquiéter de l’institutionnalisation de notre marché du logement? Certains experts mettent en garde contre une augmentation des loyers, un rétrécissement de l’offre et une volatilité accrue si les investisseurs institutionnels deviennent dominants sur le marché du logement. “Je considère que ces effets négatifs sont peu probables, répond Adrian Glatt (JLL). Pour faire grimper les loyers, il faut avoir une position dominante en tant qu’acteur du marché. Aujourd’hui, la part des investisseurs institutionnels sur notre marché du logement est négligeable. Et comme leur croissance doit provenir principalement des nouvelles constructions, cela ne changera pas dans les 10 à 20 premières années. Au contraire, je vois une dynamique positive. L’argent des acteurs institutionnels provient des grands fonds de pension et des assureurs qui sont liés par des critères ESG stricts.”
“Nous sommes à un point de basculement, estime Ralph Willems. On s’attend à ce que les prix baissent. Mais pour un promoteur immobilier, c’est bien sûr difficile à accepter, surtout si votre foncier est onéreux et que vous devez faire face à une hausse des coûts de construction.” Selon Adrian Glatt, l’imprévisibilité de l’évolution des coûts de construction a paralysé le marché. “Dans un tel contexte, il est difficile pour les développeurs et les investisseurs de se mettre d’accord sur les prix. Aujourd’hui, nous constatons une nette stabilisation du coût de la construction. Cela pourrait contribuer à débloquer la situation”, conclut-il.
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