Moins de transactions et des prix stabilisés à la côte belge

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Le marché de l’immobilier côtier continue de se refroidir. Le segment des nouvelles constructions, en particulier, subit des vents contraires. Néanmoins les prix se maintiennent.

Selon une récente étude, vivre en bord de mer serait plus sain. Malheureusement, c’est aussi un peu plus cher. Pour un appartement de référence (95 m², deux chambres, maximum 15 ans d’âge, PEB de 200 kWh/m²/an), vous payez 342.924 euros à la côte. Au niveau national, le prix d’un appartement similaire est de 262.658 euros.

La plateforme de données immobilières Realo a constaté que le marché immobilier se refroidissait plus fortement à la côte qu’ailleurs. Les appar­tements situés sur la côte sont devenus 0,2 % moins chers d’une année à l’autre, tandis que dans l’intérieur des terres, Realo a de nouveau enregistré une légère augmentation des prix (1 %). “Pendant la crise du covid, il y a eu une ruée sur l’immobilier côtier, expli­que Fabrice Luyckx, spécialiste des données chez Realo. Les prix y ont donc augmenté encore plus qu’ailleurs. Il n’est donc pas étonnant que la correction y soit un peu plus lon­gue.” Sur cinq ans, la hausse des prix à la côte (20,9 %) reste toutefois plus élevée que dans le reste du pays (16,7 %).

Les prix à la côte présentent de grandes différences entre communes.

Les prix à la côte présentent encore de grandes différen­ces. Bredene est la commune la moins chère avec un prix de référence pour les appar­tements de 272.660 euros. A l’autre extrémité du spectre des prix, on trouve Knokke-­Heist. Le prix de référence s’y est stabilisé à 635.529 euros au premier trimestre. Les prix se sont également maintenus dans les autres communes côtières au cours du premier trimestre de cette année. Sur une base annuelle, les fluctuations de prix sont toutefois plus importantes. Ainsi, les prix ont augmenté de 8,1 % à La Panne et baissé de 6,1 % à Ostende. “Peut-être que l’offre abondante d’appartements neufs à Ostende pèse sur l’évolution des prix des appartements existants”, commente Fabrice Luyckx.

Les statistiques des prix sur 10 ans montrent le dynamisme exceptionnel du marché immobilier de Knokke. Alors que dans la plupart des communes côtières, les prix ont augmenté de 15 à 30 % en 10 ans, Realo arrive à une augmentation des prix de 60,8 % pour Knokke-Heist.

Tempête

Plus encore que la stabilisation des prix, le refroidissement du marché se traduit par une baisse de l’activité de vente. En 2023, le nombre de ventes sur le littoral a été inférieur de près de 20 % à celui de 2022, selon le Baromètre du littoral des notaires. Notre enquête auprès des professionnels de l’immobilier côtier montre qu’une forte reprise de l’activité de vente se fait toujours attendre. Certains parlent d’un “déclin normal” après le pic de ventes de la période covid. Le ton est plus résigné que pessimiste mais, pour certains, la période faste ne sem­ble pas encore terminée.

“Dans la plupart des commu­nes côtières où nous sommes présents, les ventes se por­tent toujours bien, déclare Elisabeth Van Damme, CEO du promoteur immobilier POC Real Estate. Lors du lancement d’un nouveau projet à Heist ce printemps, nous avons réalisé des préventes pour un tiers de l’immeuble en un mois et demi.”

Et pourtant, dans presque tou­tes les communes côtières, il nous a été rapporté que le mau­vais temps avait pesé sur les chiffres de vente. “Une grande partie de nos clients sont des personnes âgées, explique le promoteur immobilier David Degroote, co-directeur général du Real Estate Group Degroote. Quand il fait beau, ils aiment venir à la mer. En raison de la persistance du mauvais temps, de nombreu­ses person­nes n’ont pas pu s’y rendre. Non pas que l’achat d’un tel appartement soit un achat impulsif, mais visiter la côte est un premier pas.”

Une commune côtière semble mieux résister au mauvais temps : Knokke-­Heist.

Une commune côtière semble mieux résister au mauvais temps : Knokke-Heist. “Le mauvais temps n’est pas une bonne chose, mais je doute qu’il ait un impact sur le nom­bre de contrats de vente, expli­­que Alex Dewulf, agent immo­­bilier à Knokke. Les person­nes qui possèdent un bien à Knokke ont souvent aussi un bien dans le sud. Mais ils ne peuvent pas y aller tous les week-ends. La proximité est un atout pour Knokke.”

Certains agents immobiliers invoquent la hausse rapide des taux d’intérêt pour expliquer la stagnation des ventes. Mais les secondes propriétés sont connues pour être moins sensibles aux taux d’intérêt. C’est ce que pense Elisabeth Van Damme. “Sur le segment haut de gamme dans lequel nous opérons, une hausse des taux d’intérêt n’a qu’un impact limité”, dit-elle.

David Degroote est en grande partie d’accord avec elle : “A l’intérieur des terres, ce choc des taux d’intérêt a joué un rôle beaucoup plus important que sur la côte. Environ 70 % de nos clients achètent sans emprunt. Mais pour les 30 % restants, la hausse des taux d’intérêt a entraîné une certaine perte de pouvoir d’achat.” Il ajoute que cette hausse des taux d’intérêt n’est peut-être pas non plus favorable au sentiment et à la confiance des acheteurs potentiels. Combinée à l’inflation, aux guerres en Ukraine et à Gaza, la tempête est parfaite.

“Environ 70 % de nos clients achètent sans emprunt.” – David Degroote (Degroote Real Estate Group)

L’incertitude concernant l’éco­nomie et la (géo)politique incite certains acheteurs potentiels à adopter une attitude attentiste. “Le processus d’achat est un peu plus long aujourd’hui, surtout par rapport à la période covid”, note Elisabeth Van Damme. Chez Degroote, le lead time moyen, c’est-à-dire la période entre le premier contact et l’achat effec­tif, est passé de trois semaines en 2021 à dix semai­nes en 2024. “2021 était toutefois une année extrême, nuance David Degroote. En moyenne, nous constatons un délai de six semaines.” Il ajoute que l’allongement du délai moyen est également associé à l’abandon des clients. “Si le délai est plus long, la probabilité que les gens commencent à avoir des dou­tes augmente également. Ou qu’ils soient influencés, par exemple, par leurs enfants qui pensent qu’ils feraient mieux de faire autre chose de leur argent.”

Ces tours mal-aimées

Les Belges n’aiment pas les tours et il en va de même sur la côte. Les projets de construction de tours résidentielles entraînent inévitablement la création de comités de quartier. L’agent immobilier Tine Beirens, de l’Agence Du Coq, estime que la construction de tours peut être appropriée dans certaines communes côtières, mais elle n’est pas déçue de voir que Le Coq n’a pas de projets en ce sens. “Le Coq doit son charme non seulement à la Concession (ndlr : le quartier des villas du 19e siècle), mais aussi à son front de mer dépourvu d’immeubles de grande hauteur, explique-t-elle. Ici, on est beaucoup plus en contact avec la mer que dans d’autres stations balnéaires où le front de mer est rempli d’immeubles à appartements de six ou huit étages.”

Alex Dewulf met en garde contre “un climat dans lequel plus rien n’est permis”.
“A Knokke, de nombreux projets ont été rejetés ou renvoyés à la planche à dessin. Bien sûr, tout doit être fait correctement, mais aujourd’hui, tout ce qui est un peu extraordinaire ou médiatisé est devenu impossible.”

Le regretté Leopold Lippens manque-t-il à Knokke ? “Bien plus que cela. On sait que Lippens pouvait se montrer très têtu, mais il s’en sortait d’une manière ou d’une autre. Aujourd’hui, c’est la peur qui règne plutôt que la vision.”

L’une des communes côtières ayant de grandes ambitions en matière de construction de gratte-ciel est Middelkerke, dirigée par le bourgmestre Jean-Marie Dedecker. “Cela ne se fera pas sans mal, mais même si seulement la moitié de ces plans sont réalisés, Middelkerke se positionnera toujours entre Ostende et Nieuport”, explique David Degroote, qui est également très impressionné par le nouveau casino de Middelkerke.
“La valeur ajoutée de ce casino pour Middelkerke est phénoménale. Vous pouvez déjà le constater : il y a du monde chaque week-end. Mais plus important encore : cela stimulera fortement les investissements privés.”

Le Casino de Middelkerke

Une construction neuve à prix élevé

Comme pour le marché immo­bi­lier intérieur, c’est surtout le segment de la construction neuve qui subit le ralentissement sur le littoral. Selon le baromètre côtier, le segment de la construction neuve représentera une part de marché de 13,1 % en 2023. Il s’agit de la part de marché la plus faible de ces cinq dernières années. En 2019, le segment des nouvelles constructions détenait encore une part de marché de 16,8 %. La flambée des prix des matières premiè­res a rendu les nouvelles cons­truc­tions plus coûteuses. Et avec le taux de TVA de 21 %, la cons­truction neuve est également confrontée à un désavantage fiscal. “Une augmentation des coûts de construction d’environ 20 % signifie que les nouvelles cons­tructions sont devenues un peu trop chères pour de nombreux acheteurs potentiels”, expli­que Nick Coeman, spécialiste des nouvelles constructions chez Dewaele à Blankenberge.

Néanmoins, selon Tine Beirens de l’Agence Du Coq, il existe encore un groupe important d’acheteurs qui ont une forte préférence pour les nouvelles constructions. “La rénovation coûte également beaucoup d’argent, explique-t-elle. Et cela demande aussi beaucoup de temps et de suivi. Si vous n’habitez pas encore sur la côte, ce n’est pas évident.”

Elisabeth Van Damme estime que l’importance et l’attention accrues accordées à un bon score PEB jouent en faveur des nouvel­les constructions. “Avec les nouvelles constructions, vous pouvez immé­diatement placer la barre très haut, dit-elle. Les acheteurs de biens existants ayant un mauvais score PEB finiront par être pénalisés. Ils devront faire des investissements supplémentaires.”

Selon Elisabeth Van Damme, POC Real Estate ne ressent guère les vents contraires du marché de la construction neuve. “Nous continuons à vendre de l’immobilier côtier à un bon rythme. Cela s’expli­que peut-être par le fait que nous nous adressons à un public à fort pouvoir d’achat.”

Chez Degroote Real Estate Group, en revanche, il y a du retard. “Pour les quatre premiers mois de l’année, nos ven­tes affi­chent un recul de 18 % par rapport à celles de 2023, explique David Degroote. Le point positif est que nous n’avons pas à faire de compromis sur les prix. En fait, le niveau des prix a même légèrement augmenté car, pour la première fois, des projets sont mis sur le marché alors que l’inflation a été prise en compte tout au long de la chaîne. L’année dernière, le prix moyen d’une unité chez nous était de 493.000 euros; aujourd’hui, nous sommes à 528.000 euros par unité. Nous avons la chance que l’offre se soit également réduite en même temps que la demande.”

David Degroote est par ailleurs optimiste pour le second semes­tre. “Les mois d’été sont de toute façon une période intéressante pour l’immobilier côtier. Si, en septembre ou octobre, les taux d’intérêt baissent un peu, cela donnera également un coup de fouet au marché immobilier.” Le déblocage en septembre des fonds investis dans le bon d’Etat aura-t-il également un effet positif ? “Nous en atte­ndons effectivement quelque chose, répond David Degroote. Mais il est difficile de dire si cela aura un impact important. D’ici là, les banques auront probablement fait de leur mieux.”

A propos des chiffres

• Les prix de vente des appartements existants sont basés sur les données de Realo. Pour calculer les prix et leur évolution, Realo utilise un modèle statistique qui tient compte des caractéristiques, telles que la surface habitable, le nombre de chambres et la performance énergétique. Ce modèle de prix dit hédonique permet d’éliminer les fluctuations de prix résultant de changements dans les caractéristiques des biens proposés.

• Les prix des nouvelles constructions sont basés sur le Baromètre des nouvelles constructions réalisé par Realo et le promoteur de quartier Matexi. Là encore, il s’agit de prix hédoniques faisant référence à des appartements de 70 m² (une chambre) et de 95 m² (deux chambres).• Les prix mentionnés dans les articles ont été collectés auprès d’agents immobiliers, de prestataires de services immobiliers, de notaires, de promoteurs et de particuliers. Cela permet d’établir les tendances de fond du marché résidentiel de chaque station balnéaire.

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