Logement social: 5 cartons rouges pour la Flandre

Jamais la Flandre n’a compté autant de demandeurs d’un logement social. Et pour ne rien arranger, l’Europe vient de lui décerner cinq cartons rouges pour sa politique en ce domaine.
Au cours de ce mois, le cap des 200.000 demandeurs inscrits sur une liste d’attente pour un logement social sera sans aucun doute franchi. Au 1er avril, ils étaient en effet 199.085, tous “invités” à patienter en moyenne cinq ans, soit un quart de plus qu’il y a cinq ans.
Mais faut-il réellement s’en étonner ? La Flandre ne compte que 6% de logements sociaux – contre 17% en France, et même 28% aux Pays-Bas – et a toujours privilégié l’accession à la propriété au détriment d’autres modes d’occupation, notamment à travers de généreuses réductions d’impôt sur les intérêts relatifs aux prêts hypothécaires.
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Parallèlement, un programme social contraignant (Bindend Sociaal Objectief – BSO) visant la construction, à l’horizon 2025, de 50.000 nouveaux logements sociaux a certes été lancé en 2009, mais il est loin d’être atteint. Tenues de construire des logements sociaux à hauteur de 9% de leur parc immobilier, les communes ont fait de la résistance : en 2023, seules 41 d’entre elles (sur 300) y étaient parvenues.
La Flandre ne compte que 6% de logements sociaux – contre 17% en France, et même 28% aux Pays-Bas.
Cinq cartons rouges
Face à cette situation, une septantaine d’associations et organisations flamandes, regroupées au sein de Woonzaak, a saisi le Comité européen des droits sociaux qui, au terme d’une analyse d’une cinquantaine de pages, vient de décerner, à l’unanimité, quatre cartons rouges à la Flandre.
Le premier, au motif que les mesures prises pour améliorer l’accessibilité économique au logement des groupes vulnérables sont insuffisantes.
Le deuxième, au motif qu’il existe trop de logements d’un niveau insuffisant – ces derniers seraient en effet près d’un million, dont 47% sur le marché locatif privé. S’y ajoute que les mesures visant à faire respecter les normes de logement dans la tranche basse du marché locatif privé sont inadéquates.
Le troisième carton rouge est justifié par la prolifération des contrats de location de courte durée au détriment des baux standards de neuf ans – 53% des contrats de location sont en effet des contrats de courte durée, souvent même inférieure à un an, de sorte que ce qui était au départ une exception tend à devenir la règle.
Un quatrième carton rouge fustige la mollesse avec laquelle la Flandre, tablant sur l’autorégulation et la sensibilisation, entend lutter contre les discriminations en matière d’accès au logement, particulièrement vivaces dans la tranche basse du marché locatif.
Enfin, un cinquième carton, linguistique celui-là, a été attribué, mais par 8 voix contre 7 seulement, au motif que la condition de rattachement local dans l’attribution de logements sociaux – appliquée dans 143 communes sur 300 – est discriminatoire dans la mesure où elle rend, en pratique, impossible l’installation de tout nouvel arrivant.
Face à cette avalanche de critiques, souvent à inscrire au passif de ses prédécesseurs, Melissa Depraetere, ministre nouvellement en charge du Logement, a promis un “budget historique” de 6 milliards d’euros pour le logement social, ainsi qu’une sanction (financière) des communes de mauvaise volonté.
Guillaume Capon
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