L’importance de l’énergie: quel avenir pour l’investisseur immobilier particulier?

Investir dans l’immobilier demande beaucoup plus de travail qu’investir dans un produit financier. © belga image

Les taux d’intérêt historiquement bas avaient fait flamber les ventes d’appartements de rapport. Aujourd’hui, les investisseurs se montrent plus frileux. La seconde résidence a-t-elle vécu?

Les promoteurs et les agents immobiliers le constatent tous les jours: l’appartement de rapport fait moins d’adeptes. Un ralentissement passager? Katelijne D’Hauwers, qui dirige l’association Propriétaires Réunis, ne s’attend pas à un redémarrage rapide: “L’avenir, pour l’investisseur immobilier particulier, n’est pas brillant, déplore-t-elle. Certaines tendances rendent l’appartement de rapport traditionnel moins attrayant”.

Frédéric Vandenhende, CEO de la plateforme Investr, se montre plus optimiste: “Investir dans l’immobilier a toujours été, ces 20 dernières années, une bonne décision. Les choses n’ont pas soudainement changé. Le marché offre encore des opportunités”.

Examinons quelques-uns des facteurs qui en influencent l’évolution.

L’envolée des taux

L’atonie des taux d’intérêt a longtemps expliqué l’essor de l’immobilier, seul investissement ou presque pour lequel les particuliers sont autorisés à emprunter. Quand les taux d’intérêt sont bas, profiter de ce levier de financement est d’autant plus tentant. Epargnants et investisseurs ont également trouvé dans l’immobilier une solution de rechange sûre au manque de rentabilité des produits à revenu fixe, comme le compte d’épargne ou le bon de caisse.

Mais la multiplication par trois des taux d’intérêt depuis le début de l’année 2022 a signé la fin brutale des conditions propices à l’achat d’immobilier de rapport, puisque les taux accordés sur les comptes d’épargne et les comptes à terme approchent désormais, voire dépassent, les rendements locatifs nets. “Le bailleur qui obtient aujourd’hui un rendement locatif de 2% ou 2,5% net peut s’estimer heureux”, déclare Katelijne D’Hauwers. A titre de comparaison, le bon d’Etat rapporte 2,81%.

“Nous avons été gâtés, peut-être trop, estime Frédéric Vandenhende. Dans une perspective historique, un taux d’intérêt de 3% ou même 4% est peu élevé. Il faut mettre aujourd’hui sur la table davantage de fonds propres ; mais ces réserves existent, comme en témoigne le succès du bon d’Etat belge. Certes, le compte d’épargne rapporte légèrement plus qu’auparavant mais si l’on tient compte de l’inflation, il n’est toujours pas très généreux.” Reste que l’inflation joue en faveur des investisseurs en immobilier, principalement grâce à l’indexation des loyers, mais aussi par le jeu des indexations salariales, qui rendent les mensualités relativement moins lourdes.

Katelijne D’Hauwers
Katelijne D’Hauwers © PG

Le bailleur qui obtient aujourd’hui un rendement de 2% ou 2,5% net peut s’estimer heureux.” – KATELIJNE D’HAUWERS (PROPRIÉTAIRES RÉUNIS)

Peut-on escompter une baisse des taux dès 2024? “Pas encore, à mon avis, prédit Renaat Acke, administrateur délégué de la plateforme hypotheek.winkel. Je pense réaliste de tabler sur un recul des taux longs en 2025”, ajoute celui qui s’appuie, pour nous répondre, sur les communications de Jerome Powell, président de la Réserve fédérale américaine, et de Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne. Mais Renaat Acke pense également que la décision d’investir dans l’immobilier ne devrait pas dépendre des taux d’intérêt: “Savoir si l’investissement correspond au profil de l’acheteur potentiel est beaucoup plus pertinent”, analyse-t-il.

Marché acheteur

La hausse des taux a allégé la pression exercée sur le marché. Des statistiques récentes font état d’une stabilisation et même, d’une baisse, en termes réels, des prix des maisons et des appartements. Faut-il en profiter pour acheter? “C’est vrai, les prix des maisons vétustes ont baissé, nuance Frédéric Vandenhende. Tout comme ceux des logements au PEB médiocre. Mais ceux des maisons bien situées qui affichent un score énergétique satisfaisant restent orientés à la hausse. En revanche, l’époque des sommes démentielles est révolue. Il y a deux ans, certains biens se vendaient 20% au-dessus du prix demandé! Nous sommes passés d’un marché vendeur à un marché acheteur. Félicitons-nous en: les acquéreurs peuvent recommencer à prendre des décisions réfléchies.”

Tous nos interlocuteurs soulignent l’importance croissante du développement durable – une véritable opportunité, selon Renaat Acke, qui précise qu’”il est aujourd’hui possible d’acheter à bas prix des maisons ou des appartements au PEB médiocre, et de disposer de la sorte d’un budget pour les rénover de fond en comble sur le plan énergétique. C’est impératif. Personnellement, je viserais d’emblée un PEB A, qui est l’objectif fixé pour 2050, poursuit-il ; cela permettra d’être tranquille longtemps.” “L’âge du parc immobilier belge est une véritable opportunité pour l’investisseur, confirme Frédéric Vandenhende. Le problème doit être pris à bras-le-corps, or certains propriétaires ne sont plus capables, ou plus désireux, de s’en occuper.”

Katelijne D’Hauwers rappelle que la rénovation énergétique d’une maison exige plus de capitaux que celle d’un appartement. “L’isolation de la toiture et des façades, le double vitrage, etc.: pour une maison deux façades, les travaux restent abordables mais pour les trois ou quatre façades, la facture s’envole très vite, résume-t-elle. C’est la raison pour laquelle le marché locatif va faire de plus en plus la part belle aux appartements.”

Hausse des loyers

Les baux nouvellement signés ont tendance à s’enchérir ces derniers temps. Selon les chiffres de la CIB, la confédération des professions de l’immobilier de Flandre, ce n’est pas fini. A Bruxelles par exemple, le loyer des appartements approche peu à peu des 1.200 euros par mois en moyenne. “Il est clair que les loyers vont continuer à grimper, affirme Frédéric Vandenhende. Le nombre de locataires augmente depuis un certain temps, en raison notamment des relèvements de taux d’intérêt. Mais même les personnes aux revenus plus confortables choisissent de plus en plus souvent de louer. La tension se traduit par une augmentation des loyers. Simultanément, le marché gagne en qualité. “

Katelijne D’Hauwers s’inquiète de la soutenabilité du mécanisme d’indexation des loyers, cette “sécurité” pour l’investisseur immobilier que la crise énergétique a pour la première fois remise en cause (rappelons que les trois Régions avaient temporairement interdit d’indexer les loyers des biens dont le PEB était insatisfaisant). “Je pense que ce n’était qu’une première étape, poursuit notre experte. Les Régions veulent inciter les propriétaires à faire des investissements destinés à économiser l’énergie. Je n’exclus pas qu’à terme, les biens énergivores ne puissent plus être proposés à la location.

Frédéric Vandenhende
Frédéric Vandenhende © PG

Le nombre de ménages va croître de manière significative, ce qui fera bondir la demande.” – FRÉDÉRIC VANDENHENDE (INVESTR)

Frédéric Vandenhende constate que le coût total de la vie devient plus important, aux yeux des locataires, que le loyer. “En plus du loyer, l’énergie est un élément important de ce coût total, détaille-t-il. Mieux vaut occuper un appartement dont le loyer est de 1.200 euros et la facture énergétique, de 50 euros par mois, que payer 1.000 euros et ajouter 300 euros pour l’énergie. Pour l’investisseur, c’est une raison de plus d’être attentif au PEB.”

Evolution hésitante

Quelles que soient les difficultés rencontrées par les rendements nets, l’investisseur peut toujours miser sur une plus-value à la revente. “C’est vrai, confirme Katelijne D’Hauwers. Encore que les prix évoluent moins vite ces derniers temps. Nombreux sont les experts qui ne s’attendent plus à des augmentations spectaculaires ces prochaines années.” Pour Frédéric Vandenhende, la tendance à long terme va quoi qu’il en soit rester orientée à la hausse: “Le nombre de ménages va croître de manière significative, ce qui fera bondir la demande”, calcule-t-il. Renaat Acke ne dit pas autre chose: “Bien sûr, l’offre peut s’étendre, mais dans certaines limites seulement”.

Outre l’offre, la demande et la démographie, les taux d’intérêt et les revenus contribuent dans une large mesure à la formation des prix de l’immobilier. Mais contrairement à celle de la démographie, leur évolution est plus difficile à prédire. Le marché belge est néanmoins connu pour sa grande stabilité – selon une étude d’ING, il est même le plus stable de tous les grands pays de l’OCDE. Les prix des maisons n’ont baissé qu’à l’occasion de deux exercices depuis 1990. Cette stabilité offre aux investisseurs en immobilier quelque chose de très précieux: la possibilité de dormir sur leurs deux oreilles.

Nombreuses contraintes

Investir dans l’immobilier demande beaucoup plus de travail qu’investir dans un produit financier. Un investissement de cette ampleur exige de procéder à un examen détaillé, d’effectuer un véritable exercice de due diligence. Le processus d’achat, singulièrement quand il fait appel à du financement externe, prend lui aussi du temps, puisqu’il impose de passer devant l’agent immobilier, les banques et enfin, le notaire.

La mise en location n’intervient qu’ensuite. Elle s’accompagne de nombreuses obligations, administratives et autres. Si personne ne conteste l’utilité des réglementations, bailleurs et professionnels se plaignent du poids des contraintes. Qui, selon Katelijne D’Hauwers, incitent les propriétaires, surtout les plus âgés, à jeter l’éponge. Elle cite à titre d’exemple le renforcement de la réglementation flamande en matière de PEB pour les parties communes: d’ici au 31 décembre, tous les immeubles à appartements de Flandre devront pouvoir produire le score PEB de leurs communs. C’était déjà le cas pour les immeubles de taille moyenne à grande, mais même les plus petits seront désormais concernés. Fiscalité

Sur le plan fiscal, le bonus logement fédéral, qui permet aux propriétaires d’une seconde résidence de percevoir un avantage fiscal par le biais de l’épargne à long terme, sera supprimé pour les emprunts hypothécaires signés le 1er janvier 2024 ou après. En d’autres termes, les contribuables qui emprunteront pour acquérir un bien de rapport ne pourront plus déduire leurs remboursements à l’impôt des personnes physiques. Les emprunts antérieurs à 2024 continueront à donner droit à cet avantage. La TVA sur les travaux de démolition-reconstruction est un élément à prendre en compte également. Les personnes qui achetaient par l’intermédiaire d’un promoteur immobilier étaient déjà exclues du régime préférentiel, fixé à 6%. Mais à partir de 2024, les particuliers ne bénéficieront de la TVA réduite que s’ils démolissent et reconstruisent leur propre habitation – les investisseurs ne seront donc plus concernés. “Ce n’est qu’en cas de location à une agence sociale qu’ils continueront à bénéficier du taux de 6%”, précise Katelijne D’Hauwers.

A tout cela vient s’ajouter, pour les propriétaires, la menace d’être imposés sur la base du revenu locatif réel plutôt que sur le revenu cadastral indexé. D’aucuns estiment qu’une telle décision tuerait le marché particulier. Frédéric Vandenhende n’est pas de cet avis: “Tout dépend de ce qui sera décidé exactement, bien sûr, mais je pense qu’il s’agirait d’un mode d’imposition plus équitable. Pour autant, évidemment, que le montant pris en compte soit le revenu locatif réel, ce qui implique de pouvoir déduire les frais”, conclut-il.

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