Une nouvelle réglementation européenne accélère la transition énergétique et devrait inciter les propriétaires à rendre leurs bâtiments durables plus rapidement.
L’ETS2, le nouveau système européen de quotas d’émissions de CO₂, entrera bientôt en vigueur. Tous les propriétaires de biens immobiliers le constateront sur leur facture énergétique. L’ETS2, pour Emissions Trading System 2, est une extension du système européen d’échange de quotas d’émission de CO₂ déjà existant. Alors que le premier ETS concernait principalement l’industrie, l’ETS2 cible désormais les bâtiments et le transport. Toute personne qui chauffe un bâtiment au gaz ou au mazout, ou qui conduit un véhicule à carburant fossile, relèvera de ce nouveau régime. Sa mise en œuvre est prévue pour le 1er janvier 2027. Cependant, depuis le début de cette année, les fournisseurs d’énergie et de carburants sont déjà tenus de surveiller et de rapporter la consommation.
Comme l’ETS2 fonctionne sur la base d’un système de prix par enchères, il est difficile de prédire son impact financier exact. « Mais la facture peut être salée », estime Bert Lemmens, consultant en bâtiments durables chez Arcadis. « Nous prévoyons une hausse des coûts énergétiques de 25 %, et à terme jusqu’à 50 %, pour la consommation de gaz et les déplacements automobiles combinés. Pour une maison bien isolée, cela représente 250 à 500 euros supplémentaires par an. »
Parallèlement, l’ETS2 modifie la dynamique des prix entre l’électricité et les combustibles fossiles.
« L’électricité devient proportionnellement un peu plus avantageuse », explique Bert Lemmens. « En ce sens, l’ETS2 s’apparente à une forme de ‘tax shift’ énergétique. Cela est nécessaire pour rendre les technologies durables, comme les pompes à chaleur, plus attractives.
Pompe à chaleur? Ou quand même une nouvelle chaudière au gaz?
Est-il pertinent de remplacer une chaudière au gaz en état de marche par une pompe à chaleur ? Ce choix a un coût, et, pour l’instant, il peut aussi faire grimper la facture énergétique. Hendrik-Jan Steeman, solution lead Energy Transition chez Arcadis, partage dans un billet de blog pourquoi sa famille a tout de même opté pour une pompe à chaleur dans leur maison mitoyenne du XIXe siècle. Leur chaudière au gaz arrivait en fin de vie : si elle tombait en panne, la remplacer par une nouvelle chaudière aurait reconduit la dépendance au gaz pour encore quinze ans.« C’est ce type de réflexion qu’il faut avoir », renchérit Bert Lemmens. « D’un point de vue durable, la pompe à chaleur est le bon choix. Se lier au gaz pour de nombreuses années présente un risque : les combustibles fossiles sont limités, proviennent souvent de régions instables, et leur prix devrait augmenter à l’avenir. »
Pour Bert Lemmens, il est pertinent, d’un point de vue sociétal et économique, de concentrer la décarbonation sur l’immobilier :
« De façon générale, le secteur résidentiel peut être électrifié relativement facilement, donc se passer de gaz. En revanche, pour l’industrie, où les besoins en chaleur sont très élevés, c’est bien plus complexe. »
Mais une réforme plus fondamentale de la structure tarifaire demeure indispensable. Aujourd’hui, le prix de l’électricité est largement déterminé par les investissements nécessaires au maintien du réseau, des coûts répercutés sur les consommateurs. Pour le gaz, en revanche, les investissements sont quasiment inexistants : en Flandre, à Bruxelles et en Wallonie, le raccordement au gaz naturel est désormais généralement interdit dans les nouvelles constructions, ce qui maintient les charges à un niveau bas. »
Loyers plus élevés
Pour les propriétaires de portefeuilles immobiliers, l’impact financier sera bien plus important. Mais d’autres dynamiques entrent en jeu, observe Bert Lemmens : « Ceux qui considèrent l’immobilier comme un investissement s’intéressent à l’évolution de la valeur, au rendement locatif et aux coûts. Les propriétaires proposant des bâtiments sans énergies fossiles peuvent demander des loyers plus élevés. Un bâtiment décarboné est indéniablement un atout pour la location, car les locataires ont eux aussi leurs propres objectifs de développement durable. »
Toutefois, rénover simultanément l’ensemble d’un portefeuille pour le rendre sans gaz est irréaliste et peu pertinent économiquement, selon Bert Lemmens. Il recommande d’associer les investissements en durabilité aux rénovations planifiées des différentes parties du bâtiment.
« La structure — colonnes et poutres — peut durer de 60 à 100 ans, les façades de 30 à 50 ans. Pour les équipements comme le chauffage et la ventilation, la durée de vie est de quinze à vingt ans, et les finitions doivent être renouvelées encore plus fréquemment. Il est judicieux de profiter de ces moments pour réaliser des rénovations en profondeur. Si vous remplacez déjà des installations techniques ou rénovez la structure, faites-le de façon complète. Combinez les investissements lorsque c’est possible. Ainsi, vous verdissez votre portefeuille immobilier de manière efficace et financièrement responsable. »
Pragmatique plutôt que passif
Pour réussir la transition énergétique, cette approche économique et pragmatique est cruciale. C’est aussi pourquoi Bert Lemmens estime que la trias energetica classique — réduire au maximum la demande énergétique, utiliser les énergies renouvelables locales, et n’utiliser les combustibles fossiles qu’en dernier recours — doit être revue. « À long terme, il faudra de toute façon abandonner cette troisième étape. L’ambition est d’éliminer complètement les combustibles fossiles. »
Pour la première étape — réduire la demande énergétique — il préconise également une vision plus pragmatique. « Les premiers pourcentages d’économies sont relativement simples et peu coûteux. Mais aller plus loin devient vite très cher. Il faut donc bien évaluer la pertinence des investissements par rapport aux économies d’énergie réelles. Construire passif, par exemple, vise une réduction maximale. Mais cela impose souvent des solutions onéreuses (vitrages haut de gamme, murs très isolés, systèmes de ventilation sophistiqués) qui peuvent augmenter les coûts de construction de 25 à 30 %. Pourquoi ne pas compenser ces derniers pourcentages via l’énergie renouvelable ? Dans le logement social, consacrer 25 % de budget en plus à des standards passifs permettrait parfois de construire plus de logements. Ce qui a aussi une valeur sociétale importante. »
Les promoteurs rappellent d’ailleurs que les exigences actuelles pour les nouvelles constructions sont déjà très strictes. Et que les renforcer encore ne ferait qu’augmenter les coûts.
« En matière de nouvelles constructions, nous sommes déjà très avancés, souligne Bert Lemmens. L’enjeu, désormais, concerne le parc immobilier existant, l’un des plus anciens d’Europe. Pour le patrimoine historique, il faudra trouver un équilibre entre durabilité et conservation. »