Le magnat de l’immobilier Paul Gheysens (Ghelamco) au cœur d’une tempête financière

Paul Gheysens © Getty

Paul Gheysens, magnat de l’immobilier et propriétaire de Ghelamco, l’un des plus grands promoteurs d’immeubles de bureaux en Europe, traverse une période critique. La situation financière de sa société est tendue avec l’échéance imminente du remboursement de certaines obligations.

Le numéro un de la construction en Belgique se trouve en eaux troubles. Le 20 novembre, Ghelamco doit rembourser 57 millions d’euros pour une obligation émise en 2017. En juin prochain, une autre obligation de 80,1 millions d’euros arrivera à son terme. Soit autant d’épées de Damoclès pour l’entreprise qui peine à trouver des liquidités.

Une certaine transparence financière

Ces obligations, cotées sur Euronext Bruxelles, obligent Ghelamco à respecter des règles strictes de transparence financière, garantissant notamment une part de fonds propres d’au moins 40 %. Toutefois, cette contrainte limite les marges de manœuvre de Gheysens. Il ne peut plus contracter de nouvelles dettes et va devoir,  dans un marché atone, vendre des actifs immobiliers pour dégager des liquidités.

Un marché atone

L’immobilier reste le principal levier financier de Ghelamco. Or le marché est atone, tant en Belgique qu’en Pologne, où l’entreprise a réalisé de nombreux investissements. La hausse des taux d’intérêt imposée par les banques centrales pour lutter contre l’inflation complique les ventes. Après des années de taux bas qui ont rendu le crédit bon marché, la remontée brutale des taux a refroidi les investisseurs institutionnels, entraînant une baisse des transactions sur le marché immobilier. Un redressement n’est attendu qu’à partir de 2026, laissant Ghelamco dans une position précaire d’ici là et pourrait forcer le groupe à accepter des pertes. Pour preuve, même ses projets phares comme The Wings à Diegem peinent à trouver preneur à un prix satisfaisant, tandis qu’à Londres, un revers majeur a coûté à Ghelamco 94 millions d’euros.

Pas les fonds propres nécessaires

Pour faire face à cette crise, Gheysens a fait appel à des conseillers financiers de renom, comme Karel De Boeck, ex-banquier de Dexia. Cependant, la réalité demeure : Ghelamco n’a pas les fonds nécessaires pour rembourser l’intégralité de ses dettes à court terme, et recherche activement des solutions alternatives. La vente anticipée de biens immobiliers dont le paiement n’a pas encore été finalisé pourrait être une voie à explorer.

La situation est également tendue du côté des investisseurs. Ces derniers sont particulièrement sensibles aux incertitudes actuelles, ayant déjà vécu des précédents douloureux, tels que les pertes subies lors de la faillite de certaines entreprises. Un défaut de paiement de Ghelamco pourrait ainsi déclencher une réaction en chaîne parmi les créanciers.

Pas tous dans le même bateau

Parmi les détenteurs d’obligations, on trouve des particuliers fortunés, mais aussi des institutions comme Ethias, Belfius ou encore KBC et BNP Paribas Fortis. Ces deux dernières seraient d’ailleurs bien mieux couvertes pour leurs prêts à Ghelamco grâce à des garanties directes sur les nouveaux bâtiments. En cas de défaillance de Ghelamco, elles vendent le bâtiment, comme dans le cas d’un prêt hypothécaire. Belfius serait par contre beaucoup moins bien couvert.

Toutes ces différences d’intérêt et de risque entre les financiers de Ghelamco compliquent la conclusion d’un accord sur la dette. Selon De Standaard, ING Belgique serait néanmoins la mieux placée puisqu’elle a toujours refusé d’accorder des crédits à Ghelamco et hésite encore à le faire aujourd’hui.

Une montagne de dette

Paul Gheysens n’est pas défaitiste pour autant. Il mise même sur une issue favorable, évoquant un accord de refinancement avec les banques belges. Pourtant, des doutes subsistent quant à la réalité de cet accord précise encore De Standaard. Tout le monde n’est en effet pas aussi enthousiaste quant à la capacité de Gheysens à se dépêtrer de sa montagne de dettes. On lui reproche aussi une gestion faiblarde depuis qu’il a placé deux de ses trois fils et sa fille à des postes clés. Les investissements très divers du groupe (allant du football aux médias, en passant par les chevaux, les hôtels et les villas), mais sans réelles visions à long terme ont tout autant semé le doute.

À tout cela s’ajoute aussi une autre échéance critique qui se profile. Pour le 14 juin, le groupe doit rembourser 80,1 millions d’euros. Ce qui fait dire aux pessimistes que même si Gheysens parvient à surmonter cette première étape de novembre, sa marge de manœuvre pour la suite restera étroite.

Les petits investisseurs pourraient être les plus dangereux

C’est d’autant plus vrai que la plus grande menace pour Ghelamco ne vient pas des grands créanciers, mais des petits investisseurs. Si ceux-ci ne sont pas remboursés à temps, ils seront les premiers à exiger leur argent. Un constat qui souligne la fragilité de la situation actuelle.

Pour éviter leur courroux, Paul Gheysens, à 70 ans, semble prêt à revoir sa stratégie. Le fait qu’il y ait moins de mégaprojets et davantage de partenariats est un réel changement de cap pour un entrepreneur habitué à voir grand. « C’est comme si notre usine tournait depuis quatre ans sans pouvoir vendre », résume Gheysens dans De Standaard, conscient que l’avenir de Ghelamco dépendra de sa capacité à trouver rapidement des liquidités. Et alors que les délais se rapprochent à grands pas, les défis à relever ne semblent que plus immenses. 

Derrière Ghelamco se cache surtout un self-made-man, Paul Gheysens. Ce fils d’agriculteur de Saint-Jean, près d’Ypres, a commencé comme paysagiste. Aux abris de jardin ont succédé les étables, puis les bâtiments industriels. L’entreprise de construction Ghelamco voit le jour en 1985. En 1991, peu après la chute du mur de Berlin, Paul Gheysens s’installe en Pologne, pays qui est aujourd’hui le plus grand marché du groupe. L’homme serait bien plus un entrepreneur qu’un gestionnaire. Le célèbre investisseur flamand est un fan de l’équipe de football de la métropole, ainsi qu’un administrateur de la société Royal Antwerp FC.
Au sein des holdings Ghelamco Group et International Real Estates Services, seuls des membres de la famille siègent au conseil d’administration. Celle-ci est l’unique actionnaire de l’empire immobilier.

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