Le crowdlending immobilier belge veut s’étendre

Les trois principales plateformes belges ont des visées à l’étranger. Comme BeeBonds qui lorgne activement le marché résidentiel luxembourgeois vu les réticences des banques à octroyer des prêts. © getty images

Le financement participatif de projets immobiliers garde pour le moment le cap en Belgique malgré la hausse des coûts de construction et le ralentissement des ventes. Les rendements annuels élevés font quelque peu oublier les risques. L’année 2024 pourrait toutefois s’avérer plus compliquée si les retards et les défaillance des promoteurs se multiplient.

Le crowdlending immobilier passe à travers les gouttes de la crise pour le moment. Pour les petits promoteurs, il fait toujours office de solution alternative pour pallier les difficultés de financement obtenu via le levier bancaire.

Les chiffres le démontrent: les trois principales plateformes actives sur le marché belge avaient déjà dépassé début octobre le montant levé durant toute l’année 2022. Une hausse de 30 à 50% est attendue – en moyenne – pour 2023. “Ce mode de financement reste modeste en Belgique par rapport à la France ou aux Pays-Bas mais la croissance est importante, confie Joël Duysan, fondateur de BeeBonds. Un changement est en train de s’opérer dans la tête des investisseurs et il faut s’en réjouir. Ils sont plus ouverts aux risques. De plus en plus de promoteurs immobiliers font également appel à nous pour financer leur projet.”

Même s’il est en croissance, il faut reconnaître que le crowdlending immobilier peine toutefois à décoller en Belgique. Ce mode de financement alternatif de projets de construction ou de rénovation permet à des particuliers de participer au lancement d’un projet immobilier en investissant des petites sommes. Il est possible de démarrer dès 100 euros.

Une plateforme, agréée par la FSMA (le gendarme des marchés), fait office d’intermédiaire entre le promoteur qui cherche à financer une partie de son projet immobilier et des investisseurs particuliers qui cherchent des rendements élevés (9 à 13% brut). Le deal est déterminé pour une durée limitée, le plus souvent de deux à cinq ans. Look&Fin, Ecco Nova et BeeBonds ont levé près de 125 millions l’an dernier. Des chiffres en constante croissance mais bien loin de ce que l’on retrouve dans les pays voisins. En France par exemple, 1,6 milliard a été levé rien qu’en 2022… “Depuis une demi-douzaine d’années, ce secteur connaît une croissance continue en Belgique, précise Quentin Sizaire, cofondateur d’Ecco Nova. Même s’il est vrai que les Belges ne sont pas aussi aventuriers en termes de placements que leurs voisins étrangers. L’épisode du bon d’Etat a toutefois démontré que la demande était présente et les perspectives nombreuses.”

Le crowdlending a profité ces dernières années d’un contexte particulièrement favorable, avec des taux bas et une commercialisation de projets particulièrement rapide. De quoi permettre aux promoteurs immobiliers de proposer des rendements élevés. “Ce qui n’a aucun équivalent sur le marché, explique Frédéric Lévy Morelle, le CEO de Look&Fin, l’acteur leader du segment qui espère lever 110 millions cette année (+ 60% par rapport à 2022). L’investisseur reçoit ses intérêts une fois que tous les appartements ou maisons sont vendus, pas avant. Jusqu’à présent, je n’ai connu qu’un seul promoteur défaillant, qui n’a pas pu aller au bout de son projet immobilier. Tous les investisseurs ont toutefois obtenu leur dû. C’est notre priorité.”

Eviter les ventes au ralenti

Reste que si la demande des particuliers était élevée jusqu’à cet été, elle semble ralentir depuis lors. Les promoteurs immobiliers sont également moins nombreux à frapper à la porte des plateformes. Il faut dire que le contexte économique pousse les investisseurs à s’interroger sur la capacité des promoteurs immobiliers à mener leur projet à terme.

Le contexte économique pousse les investisseurs à s’interroger sur la capacité des promoteurs immobiliers à mener leur projet à terme.

Avec deux réticences qui reviennent régulièrement: la première interroge la capacité des promoteurs à construire leur projet immobilier vu la hausse multiple des coûts de construction et de financement ; la seconde pousse à s’inquiéter sur la capacité à trouver suffisamment d’acquéreurs dans un contexte de ralentissement du marché acquisitif neuf. “L’augmentation des coûts de financement des opérations pour les promoteurs fait que l’emprunt qu’ils vont réaliser avec l’argent de la levée de fonds se fera à des taux plus élevés, détaille Quentin Sizaire, qui a déjà levé 20 millions cette année et vise les 30 millions pour 2023. Les coûts de construction ont également augmenté de 25%. Ils doivent donc rogner sur leur marge bénéficiaire.”

Avec, surtout, des risques de défaillance de la part de certains promoteurs aux reins parfois fragiles. La cible n’étant pas les grands acteurs du marché mais bien des promoteurs ou marchands de biens qui construisent des projets de 2 à 20 appartements. “Notre sélection des projets a été renforcée pour éviter le moindre risque de ce type, explique Joël Duysan, qui a déjà levé 20 millions cette année, de quoi atteindre les 82 millions en 76 projets depuis la fondation de BeeBonds. Nous sommes bien plus sélectifs. Nous analysons l’opérateur (son endettement et son historique), l’opération (l’emplacement, le prix des biens et la marge) et les garanties.” Ecco Nova affirme de son côté être également bien plus sélectif et refuser dorénavant deux fois plus de projets qu’avant. “On travaille avec un score de risque de 1 à 5 qui est établi à partir de 30 critères qui sont passés à la loupe, explique Quentin Sizaire. Chaque plateforme tentant bien évidemment de minimiser les risques, vu que la viabilité de leur business est liée à la finalisation complète des projets immobiliers.”

Prolonger les délais

Ce qui nous importe avant tout, c’est que le projet soit vendu, fait remarquer Frédéric Lévy Morelle, qui ne sélectionne que huit projets sur 1.000. Les promoteurs qui avaient, par exemple, défini une période de deux ans avant le remboursement peuvent aujourd’hui traverser une période plus compliquée vu l’allongement des délais de commercialisation. Dans certains cas, avec l’accord de tous les investisseurs, il est alors par exemple possible de prolonger les délais de 24 à 36 mois en échange d’une hausse du taux de rendement de 2%. Nous avons déjà procédé à plusieurs reprises à ce changement.”

Le développement des trois plateformes belges passera également dorénavant par l’étranger. Elles possèderont d’ici peu toutes les trois l’agrément européen, seul Ecco Nova devant encore régler quelques détails. Si Look&Fin est déjà fort présente en France, Beebonds regarde davantage vers les Pays-Bas et le Luxembourg.

“Nous venons de lancer le projet Wenzel (Hartmann Immo Group) à Luxembourg, lance Joël Duysan. Le montant d’1,8 million a été rassemblé très rapidement, de manière à financer le foncier. Le marché immobilier est complètement à l’arrêt là-bas alors qu’il manque 75.000 logements. Les banques ne financent plus les projets. Notre source de financement alternatif est très intéressante pour eux. Nous leur permettons d’aller jusqu’au gros œuvre fermé avant que les banques, rassurées par le début de la construction, prennent le relais. Nous garantissons la faisabilité du financement avec une hypothèque de premier rang sur le terrain.

Du côté d’Ecco Nova, on est plus réticent à s’aventurer sur ce marché. “La demande est en recul de 70%, note Quentin Sizaire. Il y a un vrai risque de ne pas voir les ventes de projets se finaliser. Nous préférons donc nous abstenir d’aller sur ce marché pour le moment et nous concentrer sur la France.” Look&Fin connaît de son côté une croissance continue en France, qu’il entend encore renforcer à l’avenir.

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