Le blues des notaires, agents et promoteurs immobiliers
Les professions qui vivent de l’industrie immobilière sont particulièrement impactées par le ralentissement de l’activité. Réorganisations en pagaille à tous les étages. Toutes craignent encore davantage les prochains mois.
Les professionnels de l’immobilier subissent les soubresauts économiques actuels bien plus violemment que les particuliers, qu’ils soient acquéreurs ou vendeurs. Ce ralentissement de l’activité touche tous les secteurs, avec des impacts différents. On peut clairement parler de crise pour ces acteurs qui gravitent autour du monde immobilier.
1. La construction craint encore plus 2024
Dans le secteur de la construction et de la rénovation, le coup d’arrêt est net. Les carnets de commandes se réduisent de plus en plus suite à la forte baisse d’activité dans le résidentiel. Selon Embuild, la fédération de la construction, si l’activité devait baisser de seulement 0,3% cette année, ce serait uniquement en raison des travaux d’infrastructures qui permettent de maintenir le secteur à flot. L’immobilier neuf devrait par contre chuter de 5 à 8%. Et d’après une enquête réalisée auprès de 427 entreprises de construction, Embuild relève que près de deux entreprises de construction résidentielle sur trois (63%) s’attendent à ce que l’année 2024 soit encore plus mauvaise, avec une baisse des investissements, de l’activité et de la rentabilité.
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“En attendant un nouvel équilibre des prix sur le marché résidentiel, nous devons éviter toute augmentation supplémentaire des coûts pour les particuliers”, exhorte Niko Demeester, CEO d’Embuild, qui n’a pas été entendu par le gouvernement fédéral quant à son souhait de voir prolonger la baisse de la TVA à 6% sur les démolitions et les reconstructions. Embuild pointe le fait que 94% des entreprises de construction déclarent que les consommateurs ont plus de mal à obtenir un prêt en raison de la hausse des taux d’intérêt et que 62% des entreprises de construction et d’installation sont confrontées à une baisse des contacts pour de nouveaux contrats en conséquence. “Soit la tendance actuelle se poursuit, et on ira vraiment vers une crise profonde dans le secteur, soit les vendeurs de terrains et d’immeubles acceptent de baisser les prix pour que les transactions se fassent”, fait remarquer Niko Demeester.
2. Des agents immobiliers en difficulté
Pour eux, c’est la douche froide après deux années explosives et une décennie positive. Le ralentissement de l’activité se fait durement ressentir. Tout comme l’allongement des délais de vente, qui s’étendent désormais de un à trois mois pour les biens affichant un mauvais PEB, avec une décote à la clé. “Toutes les grandes agences immobilières (Trevi, Dewaele, ERA, We Invest, Latour & Petit, Victoire, Ndlr) parviennent à s’en sortir financièrement et à ne pas être en perte, estime Kim Ruysen, directeur général de Trevi. C’est par contre beaucoup plus compliqué pour les petites agences, qui voient leurs frais grimper sans que leurs revenus suivent la même courbe. Nous vendons encore des biens mais cela prend beaucoup plus de temps et demande davantage de travail. Le marché locatif connaît une forte croissance mais il ne compense pas les pertes liées au ralentissement du marché neuf. Cette situation devrait perdurer jusqu’au second semestre 2024.”
Notons toutefois que si les grandes agences ne communiquent pas sur des licenciements éventuels, c’est notamment lié au fait que la plupart des agents sont des indépendants. Du côté des courtiers actifs dans l’immobilier professionnel (CBRE, JLL, Colliers, Cushman & Wakefield), le ralentissement des locations et l’apathie des investisseurs a par contre des conséquences bien plus lourdes avec des restructurations importantes.
3. Les promoteurs fulminent
Les développeurs immobiliers sont dans les cordes. Ce n’est pas neuf. La hausse des taux les oblige à revoir la faisabilité de pratiquement tous leurs projets, d’autant plus qu’ils se financent à court terme. Cela s’ajoute à une hausse des coûts de construction, un ralentissement des ventes d’appartements et une désertification des investisseurs qui rachètent habituellement l’ensemble des projets. Résultat: la construction de certains développements est reportée, des associations momentanées sont recherchées pour diminuer les risques alors que certains promoteurs éliminent les actifs trop risqués de leur portefeuille.
Mais le coup de grâce est arrivé il y a quelques jours avec l’annonce par le fédéral de la non-prolongation dès 2024 de la réduction de la TVA à 6% pour les opérations de démolition/reconstruction lancées par les promoteurs et le retour à une TVA à 21%. A partir de janvier 2024, seuls les particuliers pourront continuer à en bénéficier. “Cette mesure va contribuer à raréfier encore davantage l’offre de logements neufs sur le marché et donc à augmenter les prix, fulmine Olivier Carrette, CEO de l’UPSI, l’Union professionnelle du secteur immobilier. Beaucoup de projets immobiliers vont être arrêtés, voire carrément annulés.” Si le Conseil d’Etat valide la décision gouvernemental, l’UPSI envisage de s’y opposer via différents recours.
Des investisseurs immobiliers s’insurgent également contre cette décision qui mènera à la “mort des logements locatifs abordables et durables pour des milliers de ménages, pointe Jean-Baptiste Van Ex, CEO de Vicinity et la tête d’une fronde rassemblant 15 investisseurs. Cette soudaine suppression va provoquer un effet boule de neige: l’offre déjà vacillante de biens locatifs va encore diminuer et les loyers vont augmenter alors que les biens mis en location ne seront pas plus durables.”
4. Revenus en baisse pour les notaires
La baisse des ventes immobilières s’ajoute à la diminution des honoraires des notaires actée depuis le début de l’année. Un double coup de bambou qui fait des dégâts dans les études notariales. “Les notaires vivent pour le moment une situation compliquée, reconnaît Jan Sap, directeur de la Fédération belge du notariat. Nous assistons à une baisse de 25% des actes signés depuis le début de l’année. L’activité d’une étude tourne principalement autour des actes immobiliers. Si la mise à jour des statuts de société permet de maintenir une certaine activité, cela n’est d’aucune comparaison en termes de chiffre d’affaires.” Les actes immobiliers étant en effet bien plus rémunérateurs pour une étude.
“Nous n’assistons pas à des vagues de licenciements mais il est vrai qu’il y a moins d’employés que l’an dernier dans les études. Lors du premier semestre, nous avons enregistré une diminution de 204 collaborateurs. Notons toutefois que, dans le même temps, 200 postes sont vacants. Ce sont surtout les petites études qui souffrent le plus et celles situées dans des communes de taille moyenne. Il ne faut pas oublier non plus que les salaires dans le notariat sont indexés tous les quatre mois. Ce qui pèse bien évidemment également sur le chiffre d’affaires. Je suis relativement inquiet pour 2024 quand je vois les perspectives pour le marché résidentiel.”
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