Marché immobilier: “La surévaluation a disparu, les défis demeurent”

Debby Termonia

Le macroéconomiste Johan Van Gompel analyse les défis et les perspectives du marché immobilier pour les cinq prochaines années. Il met en garde contre un décalage entre l’offre et la demande en logements. “Le secteur de la construction doit pouvoir répondre de manière suffisante et rapide à la demande à des endroits spécifiques”, déclare-t-il.

Johan Van Gompel a une bonne nouvelle. Le refroidissement du marché immobilier belge ces dernières années a été bénéfique pour l’accessibilité au logement. “Il n’y a plus de forte surévaluation, dit-il. La surévaluation d’environ 15% que nous avons observée fin 2021, début 2022, a pratiquement disparu.” Il reste toutefois prudent. “Ce n’est pas une science exacte, cela reste des estimations.”

Depuis plus de 10 ans, le macroéconomiste suit le marché immobilier belge pour le groupe financier KBC. Il est également professeur invité à l’Université d’Anvers et donne cours sur l’immobilier résidentiel dans le programme Executive Master in Real Estate Management de l’Antwerp Management School.

TRENDS-TENDANCES. Les prix de l’immobilier seront-ils encore sensiblement plus élevés en 2030 qu’aujourd’hui ?

JOHAN VAN GOMPEL. À moyen terme, nous nous attendons à ce que les prix de l’immobilier suivent la croissance nominale du PIB. Historiquement, il existe un lien entre les deux, ce qui est logique : la croissance économique crée des emplois et augmente les revenus, ce qui alimente les prix de l’immobilier.

En tenant compte d’une inflation légèrement supérieure à 2% et d’une croissance économique réelle d’environ 1,5%, nous arrivons à partir de 2027 à une prévision de hausse annuelle des prix de 3,5%. Cumulée, la hausse des prix de l’immobilier d’ici 2030 atteindrait alors environ 22% par rapport à 2024. Corrigée de l’inflation, cela représente une hausse réelle des prix d’environ 6%.

À titre de comparaison : au cours des six années précédant 2024, les prix ont augmenté nominalement de 28,4%, mais cette période a également connu une inflation plus élevée, notamment en 2022. Corrigée de l’inflation, la hausse réelle des prix s’élevait alors à 3,7%. Pour les six prochaines années, nous prévoyons donc une dynamique de prix nominale un peu plus modérée. Avec la précision que cette prévision est entourée de nombreuses incertitudes, notamment en raison de la situation géopolitique instable.

Existe-t-il des segments ou des sous-marchés où les prix évolueront plus vite ou plus lentement ?

Au cours des cinq dernières années, les prix des appartements ont augmenté un peu plus rapidement que ceux des maisons, même si la différence est faible – environ un demi-point de pourcentage par an. Cela s’explique par la tendance à l’”appartementisation” du parc immobilier et la demande croissante pour des unités d’habitation plus petites.
Les tendances démographiques y jouent un rôle important. Le nombre de personnes seules augmente, tant chez les jeunes générations qu’en raison du vieillissement. Les personnes âgées qui perdent leur partenaire, mais peuvent encore vivre de manière autonome, optent souvent pour un appartement ou une résidence-services. Cette demande croissante exerce une pression sur les prix dans ce segment, et cette tendance devrait, selon le Bureau fédéral du Plan, se poursuivre au cours des prochaines décennies. Par ailleurs, on observe une diversité et une complexité croissantes des formes de cohabitation, ce qui accroît le besoin de solutions de logement flexibles. Un marché du logement performant doit répondre à ces souhaits d’habitation changeants, tant en quantité qu’en qualité. Si l’offre ne suit pas, cela peut accroître la pression sur les prix et nuire davantage à l’accessibilité. Enfin, le logement des personnes âgées nécessitant des soins constitue également un défi. À partir de 2030, la part des plus de 80 et 85 ans augmentera sensiblement. Cela stimulera encore la demande de formes de logement adaptées avec des infrastructures de soins.

À propos de cette offre : les acteurs de la construction et de l’immobilier mettent en garde depuis un certain temps contre une crise du logement, entre autres à cause des procédures d’autorisation trop lourdes qui freinent la construction de nouveaux logements. Ont-ils raison ?

Je pense qu’ils ont en partie raison. Cela provoque un décalage entre l’offre et la demande. Le secteur de la construction doit pouvoir répondre de manière suffisante et rapide à la demande à des endroits spécifiques. C’est sa mission. Les frictions telles que la réglementation stricte, les exigences complexes et les longues procédures compliquent les choses. Si l’offre suit suffisamment la demande, cela permet de contenir la dynamique haussière des prix. À l’inverse : dans des villes populaires comme Gand et Louvain, où la demande de logements est élevée et où l’offre n’a pas suivi, nous avons observé d’importantes hausses de prix. Je pense qu’il sera crucial au cours des cinq prochaines années que l’offre réponde mieux à la demande.

Dans quelle mesure les exigences plus strictes en matière de durabilité et d’efficacité énergétique pèsent-elles sur le marché du logement ?

Personne ne conteste la nécessité de ces mesures, mais ce n’est pas une tâche facile. Elles coûtent de l’argent et pèsent donc également sur l’accessibilité à l’immobilier. Il y a quelques années, la Banque nationale a calculé combien de main-d’œuvre et de moyens seraient nécessaires pour rendre suffisamment durable le parc immobilier belge vieillissant d’ici 2050. Le défi est énorme, non seulement financièrement pour les ménages, mais aussi en termes de disponibilité de main-d’œuvre et de ressources.

“Corrigée de l’inflation, la hausse des prix de l’immobilier d’ici 2030 atteindrait environ 6%.”

La part des locataires sur le marché immobilier augmentera-t-elle d’ici 2030 ?

Si l’on observe une longue période, la répartition entre locataires et propriétaires est relativement stable. Ces dernières années, on remarque néanmoins une légère hausse de la part des locataires sur le marché privé. Cela peut en partie s’expliquer par les problèmes d’accessibilité pour certains ménages. Il se peut aussi qu’un changement de préférence entre en jeu. Notamment, les jeunes ménages sans enfants choisiraient de plus en plus consciemment de louer plus longtemps. Ils veulent rester flexibles, car ils n’ont pas encore totalement défini leur avenir. Louer offre cette flexibilité de pouvoir déménager facilement en cas de changement d’emploi, tandis qu’acheter est davantage un engagement à long terme. D’un point de vue économique aussi, cette flexibilité est positive, en ce sens que la location contribue ainsi à une plus grande mobilité du travail.
Par ailleurs, les chiffres d’Eurostat montrent que les jeunes Belges quittent de plus en plus tard le domicile parental. Cela est parfois lié à l’accessibilité de l’immobilier, mais il n’existe pas de preuve univoque en ce sens. Une autre explication est que les jeunes étudient plus longtemps et deviennent donc indépendants plus tard. C’est de toute façon une tendance sociétale qui a un impact sur le marché du logement.

On observe une diversité et une complexité croissantes des formes de cohabitation, ce qui accroît le besoin de solutions de logement flexibles.”

Les taux hypothécaires très bas d’il y a quelques années reviendront-ils un jour ?

Probablement pas. Cette période de taux extrêmement bas était anormale. Aujourd’hui, les taux d’intérêt à long terme se sont normalisés, avec un taux obligataire à 10 ans d’environ 3,3%. Pour cette année, nous tablons sur un taux moyen de 3,4%, et nous prévoyons que le taux à long terme en Belgique restera autour de ce niveau en 2026 et 2027.

Bien sûr, cela dépend toujours du contexte économique plus large. L’Europe, par exemple, prévoit d’investir massivement dans le réarmement (le plan ReArm Europe/Readiness 2030, ndlr). Supposons que les investissements industriels en Europe augmentent alors plus rapidement que ne le permettent les ressources et la main-d’œuvre disponibles, cela pourrait provoquer une pression inflationniste. Dans ce cas, la Banque centrale européenne pourrait intervenir, ce qui influencerait les taux. Pour l’instant, ce n’est toutefois pas notre hypothèse. Notamment en Allemagne, mais aussi en Belgique, il existe encore suffisamment de capacité industrielle pour absorber les investissements sans engendrer de forts effets inflationnistes. En résumé : nous ne prévoyons pas de forte hausse des taux, mais non plus un retour aux niveaux extrêmement bas du passé.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content