Immobilier résidentiel: une vraie reprise espérée en 2025

Le marché neuf est de plus en plus réservé à une partie aisée de la population. © Getty Images

Après des mois d’instabilité, un nouvel équilibre est en train d’être trouvé entre acheteurs et vendeurs. Du moins quand les prix correspondent à la réalité du marché. Le nombre de transactions devrait toutefois rester modéré, le temps que les investisseurs repassent à l’action.

Une éclaircie dans la grisaille. La légère baisse des taux à laquelle nous assistons depuis le début de l’année semble donner un regain de confiance aux acquéreurs qui avaient complètement déserté le marché immobilier depuis 15 mois. Un retour timide mais un retour quand même. Il faut dire que les nuages se sont amoncelés ces derniers temps, la rapide remontée des taux d’intérêt se mêlant à l’envolée des prix, à la hausse des matériaux de construction et aux nouvelles exigences liées à la performance énergétique des bâtiments (PEB). Autant d’éléments qui ont semé le doute dans la tête des acquéreurs et des vendeurs.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Acquéreurs et vendeurs commencent à digérer les nouvelles conditions de marché dans lesquelles ils doivent dorénavant évoluer. “Tout le monde commence à se rendre compte et à accepter que les taux à 1% étaient anormaux et que nous ne reviendrons pas à de tels paliers, lance Kim Ruysen, directeur du réseau immobilier Trevi. Les prix ne baisseront pas non plus. Il n’y a pas d’autres choix que d’accepter ces nouvelles conditions de marché. Moins avantageuses que lors de la période exceptionnelle que nous avons traversée mais des conditions qui restent néanmoins très intéressantes. Signer un crédit hypothécaire à un taux de 3%, cela reste confortable. Ce que j’observe surtout, c’est que le marché retrouve un certain équilibre entre acheteurs et vendeurs. Et cela, c’est beaucoup plus sain.” Tour du propriétaire en cinq points.

1. Passer le seuil psychologique des 3%

Un recul de 30 % entre 2022 et 2023. Le nombre de crédits hypothécaires octroyés l’an dernier s’est effondré, rassemblant plus de 180.000 dossiers de crédit, hors refinancement, pour un montant de près de 30 milliards d’euros. Il s’agit de la plus faible année depuis 2015 (2019, 2021 et 2022 étaient des années exceptionnelles, au-delà de 40 milliards d’euros). Une situation qui s’explique bien évidemment par la hausse des taux d’intérêt qui a réduit la capacité d’emprunt.

Sur la base des chiffres publiés par Immotheker, les taux oscillent depuis le début de l’année autour de 3,17 % (pour les crédits à taux fixe assortis d’une période initiale de fixité du taux de plus de 10 ans). Sur le site Guide-Epargne, il est même possible de descendre en dessous des 3 % pour un prêt de 20 ans. “Certains profils peuvent en effet obtenir un taux allant de 2,8 à 3 %”, ajoute Kim Ruysen. Et Véronique Goossens, chief economist chez Belfius, d’embrayer : “Mais le potentiel d’autres baisses de taux dans un avenir proche semble limité. Les taux devraient se stabiliser autour de ces valeurs tout au long de l’année. Ils ne redescendront en tout cas pas en-dessous de 2 % et ne connaîtront pas de fortes hausses”.

Eric Verlinden (Goddard Loyd)
“Pour 2025, l’activité devrait être en hausse de 7 à 10 % par apport à 2024 et voir les prix augmenter de 4,5 %.” – Eric Verlinden (Goddard Loyd)

2. Un nouvel équilibre guidé par les acheteurs occupants

Après des années où le vendeur était le roi des négociations, le marché immobilier retrouve enfin un certain équilibre. De quoi mettre fin aux prix déraisonnables et aux achats au quart de tour. Il est à nouveau possible de prendre son temps pour visiter un bien de même que de retrouver une marge de négociation. Du moins principalement pour les logements qui possèdent l’un ou l’autre défaut. Le plus courant étant des performances énergétiques laissant à désirer. “Quand on fixe le juste prix, tous les biens se vendent”, tranche Eric Verlinden, co-CEO de Goddard Loyd. Et Kim Ruysen d’ajouter : “Les ventes ont très bien repris en ce début d’année mais ce n’était pas compliqué vu que le marché tournait au ralenti début 2023. La spéculation a disparu. Le marché est principalement occupé par des gens qui ont besoin d’acheter. Ceux-là comprennent qu’il faut s’accommoder de ce niveau de taux et de ce niveau de prix et que nous sommes entrés dans une nouvelle réalité”.

Une réalité dans laquelle ne sont par contre pas encore entrés les petits investisseurs. L’attentisme est de rigueur pour eux, estimant que les prix sont trop élevés. Alors qu’en face, les vendeurs ne souhaitent pas diminuer leur prix. Un équilibre est donc à retrouver sur ce plan. “Cette situation est particulièrement visible sur le segment des immeubles de rapport dont les prix n’ont pas diminué, estime Eric Verlinden. Les investisseurs sont réticents à investir aux prix demandés alors qu’ils estiment que les taux d’intérêt restent élevés et que les rendements ont diminué. A cela s’ajoute l’incertitude fiscale de même que les nouvelles règles PEB, qui ne les incite pas à franchir le pas.”

3. Le marché locatif reste tendu

Après une année 2023 explosive, l’année 2024 reste dans des standards élevés sur le plan de la demande locative. Surtout à Bruxelles et dans les grandes villes belges. “C’est bien simple, dès qu’un bien est mis en location, il ne faut pas deux semaines pour qu’il soit loué, pointe Kim Ruysen. La demande est très importante. Il y a pour le moment surtout un problème d’offre. Ce qui fait toujours grimper le montant des loyers. La moyenne nationale en matière de loyer chez Trevi s’élève à 1.045 euros et à 1.107 euros à Bruxelles. Et c’est dans la capitale que les prix augmentent le plus rapidement. On constate les hausses les plus rapides à Molenbeek et Anderlecht, deux communes en plein essor où la demande est importante.”

Les biens mis en location partent comme des petits pains. Ils trouvent bien souvent un nouvel occupant dans les deux semaines. © Getty Images

Selon Federia, la Fédération des agents immobiliers francophones de Belgique, à Bruxelles, le prix moyen des nouveaux baux a bondi de 8,6 % en un an pour atteindre les 1.249 euros par mois en 2023. Le loyer médian a atteint quant à lui 1.100 euros, soit une augmentation de 10,6 % depuis 2022. En Wallonie, le prix moyen des loyers continue d’augmenter pour atteindre les 793 euros. “L’augmentation semble principalement imputable à une demande plus importante en location due à l’augmentation des taux d’intérêt qui rendent l’acquisition moins abordable et, d’autre part, au ralentissement de la mise sur le marché de nouveaux biens locatifs”, estime-t-on chez ­Federia.

4. Le neuf de plus en plus sélectif

Les investisseurs, qui siphonnent habituellement la moitié des ventes, ont déserté le marché neuf l’an dernier. Ils reviennent timidement à l’action depuis le début de l’année, l’essentiel des ventes étant effectué par des acquéreurs pour une occupation propre. “Nous constatons une nouvelle dynamique depuis quelques mois, confirme Nicolas Laporta, CEO de Y, une société qui propose à un promoteur d’externaliser la vente et le marketing de ses projets, en y plaçant une équipe chargée de l’entièreté de la vente. Les acquéreurs se posent beaucoup moins de questions sur les taux d’intérêt ou les prix. Ils sont conscients que ce sont les nouvelles conditions du marché. Le nombre de ventes reste correct même si tout ne se vend pas. Il faut aussi préciser que l’immobilier neuf devient de plus en plus cher et que tout le monde ne peut plus y accéder. Ceux qui pouvaient encore acquérir un appartement à Bruxelles il y a quatre ans ne le peuvent plus aujour­d’hui. C’est lié à la hausse des prix et conditions d’octroi de crédit qui se sont resserrées. Ce dernier élément est très problématique pour beaucoup de ménages.”

Véronique Goossens (Belfius).
“Le potentiel d’autres baisses 
de taux dans un avenir proche semble limité.” – Véronique Goossens (Belfius)

Si Y commercialise aujourd’hui une douzaine de projets, Nicolas Laporta estime que l’offre actuelle reste dynamique : “Même si nous effectuons une sélection des projets que nous commercialisons, je vois quand même beaucoup de projets passer. Mais même si nos ventes se passent bien, je ne suis pas naïf : si tous les projets se vendaient facilement auparavant, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Seuls les développements les mieux situés se vendent aisément”.

5. Le PEB

Le constat devient de plus en plus criant : l’immobilier belge est de moins en moins abordable. La hausse des prix, des taux d’intérêt et des matériaux de construction ont fait grimper l’addition. Le marché neuf n’est déjà plus réservé qu’à une partie aisée de la population. Alors que le marché existant, qui est plus accessible et permet habituellement de pouvoir rénover son logement dans la durée, le temps de disposer de fonds supplémentaires, est également sous pression. “La Wallonie et Bruxelles doivent faire attention à ne pas reproduire les mêmes erreurs que la Flandre, souligne Kim Ruysen. Sous couvert de vouloir rénover et isoler son parc immobilier, le gouvernement flamand a décidé que lors de chaque achat le nouveau propriétaire doit s’engager à ce que son logement atteigne le label D du certificat PEB. Or, c’est donc ajouter directement une dépense supplémentaire aux frais déjà engagés pour l’acquisition. Le montant de départ à dépenser est donc bien plus important. Ce mécanisme de rénovation rend les logements plus inabordables au plus grand nombre. Pour éviter cela, tous les acquéreurs se jettent sur les maisons ou appartements qui ont un PEB C ou D, ce qui a tendance à faire grimper les prix.”

Selon une étude d’ING, en 2022, un couple à revenu moyen empruntant 90 % du prix sur une durée de 25 ans devait consacrer chaque mois 29 % de son revenu net imposable au remboursement du prêt. Fin 2023, ce pourcentage était déjà passé à 36 %. “La détérioration de l’accessibilité financière contraint de nombreux jeunes à rester plus longtemps sur le marché de la location, pointe Wouter Thierie, économiste chez ING. Lorsque les ménages peuvent emprunter davantage, la demande de logements augmente, ce qui fait grimper les prix. Or, bien que la capacité d’emprunt ait diminué de 11% entre le début de l’année 2022 et le troisième trimestre de l’année 2023, les prix de l’immobilier ont continué à augmenter régulièrement. L’allongement de la durée moyenne des prêts a donc joué un rôle important, mais ce n’est évidemment pas un facteur durable.”

Kim Ruysen (Trevi).

“Il y a pour le moment surtout un problème d’offre. Ce qui fait toujours grimper le montant des loyers.” – Kim Ruysen (Trevi)

6. Des prix qui repartent légèrement à la hausse

En matière de prix, comme on l’explique depuis trois ans, il faut dorénavant s’habituer à les voir évoluer de manière différenciée selon qu’il s’agisse d’une passoire énergétique ou d’un bien rénové. Les premiers ne devraient pas voir leur valeur augmenter à l’avenir – voire diminuer – alors que les seconds devraient toujours connaître une croissance de leur prix. “La demande d’habitations demeure solide en raison du nombre croissant de ménages, explique Véronique Goossens. Cela empêche les prix de descendre. Pour les habitations existantes, nous nous attendons à une baisse du prix des maisons de 3,3 % en moyenne cette année. Les habitations neuves vont continuer à être prisées et leur prix va augmenter de 2,1 %.”

Quant au volume de transactions, son véritable rebond est attendu en 2025. “Pour cette année, l’activité devrait être en hausse de 3 à 5 % par rapport à l’an dernier, projette Eric Verlinden. Pour 2025, l’activité devrait être en hausse de 7 à 10 % par rapport à 2024 et voir les prix augmenter de 4,5 %.”

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