Immo: “La Louvière doit résorber son déficit d’image”
Un grand plan de redéveloppement pour emmener La Louvière vers le futur. La nouvelle feuille de route locale est ambitieuse. Près de 2.500 nouveaux logements sont attendus. Reste à séduire les futurs acquéreurs du bien-fondé de ce nouveau virage.
Sur le plan immobilier, La Louvière a plutôt mauvaise presse. Une demi- douzaine d’années qu’un conflit entre la Ville et le promoteur Wilhelm & Co défraye la chronique. Le grand centre commercial de la Strada et les 500 appartements qui l’accompagnent ne verront jamais le jour. Du moins sous cette forme. Un échec retentissant pour une région qui manque pourtant d’investisseurs d’envergure. Reste qu’un nouvel élan vient d’être donné. Ambitieux mais réfléchi, il doit théoriquement transformer cette cité en une ville attractive, vivante et verte. Du moins, c’est le souhait de son bourgmestre Jacques Gobert.
TRENDS-TENDANCES. Vous avez dévoilé l’an dernier une nouvelle vision de ville avec le projet La Louvière 2050. De quelle ville rêvez-vous?
JACQUES GOBERT. Nous n’avions pas une vision préétablie. D’autant que nous avions déjà un projet de ville qui datait d’il y a une vingtaine d’années et qui était dépassé. Pourquoi? Car La Louvière est une ville relativement jeune née autour de l’industrie (Royal Boch, Boël, etc.) et de l’activité économique apparue autour des charbonnages. Mais c’est donc surtout une ville en mutation permanente. Le site Boch, que nous avons acquis et assaini il y a quelques années, était encore une entreprise il y a 20 ans. C’est l’exemple le plus parlant de notre mutation. Une dizaine d’hectares situés en coeur de ville qui, lors de la fermeture de l’entreprise, a été une catastrophe économique avant de devenir une réelle opportunité pour se redéployer. Il a fallu trouver des moyens importants pour dépolluer tous ces sites. Heureusement que nous avons pu compter sur des fonds européens et wallons pour nous aider. Car il faut l’avouer, même si une vision est bien déterminée, notre transformation ralentit ou s’accélère en fonction de la subsidiation. Nous ne sommes pas une commune très riche, il faut donc saisir ces opportunités.
La volonté est d’aménager une ville-parc. Les terrils qui jalonnent le territoire sont de véritables poumons verts.
De quoi se compose ce projet de ville?
Il s’agit avant tout d’une ambition. Une sorte de contractualisation de la ville de demain avec tous les acteurs du territoire. Et parmi les concepts emblématiques déterminés avec l’architecte urbaniste Paola Vigano, il est ressorti la volonté d’aménager une ville- parc. J’avoue que j’étais un peu sceptique au départ. Mais ses réflexions nous ont tiré vers le haut. Car quand on prend un peu de hauteur, on s’aperçoit que la ville de La Louvière est très verte. Elle est relativement petite avec 64 km2, possède une densité importante (1.250 habitants/km2) et une grande diversité d’habitat. Sans oublier ses terrils qui jalonnent le territoire et qui sont de véritables poumons verts. Le souhait du citoyen est de bénéficier d’espaces pour se détendre et s’aérer de manière à pouvoir quelque peu quitter cette densification. D’où la mise en place de cette philosophie de ville-parc, avec une végétalisation encore plus accrue.
Si les ambitions sont grandes, comment s’assurer que ce plan soit réellement mis en oeuvre?
La déclinaison de ce projet de ville se réalise au quotidien. Dans tous les projets importants, nous devons nous interroger sur la cohérence avec cette ambition de ville-parc.
La croissance de la population a été assez importante ces dernières années. Quel est le profil des nouveaux habitants?
La Louvière compte aujourd’hui 80.000 habitants, avec une croissance de 3,2% entre 2011 et 2018. Et dans le même temps, les indicateurs montrent une hausse attendue de la population de 10% d’ici 2035 (475 habitants par an). Il faut s’y préparer. La population bruxelloise est arrivée en nombre. En 10 ans, selon nos statistiques, 4.565 Bruxellois sont venus s’installer à La Louvière. Cette migration est principalement jeune puisque 74% ont moins de 40 ans et 23% ont entre 20 et 29 ans. C’est intéressant même si, à l’avenir, il y aura par contre beaucoup plus de ménages isolés et âgés. Les promoteurs devront en tenir compte dans leur projet.
Comment gérer justement cet afflux de population?
Notre volonté n’est pas d’accueillir de nouveaux habitants d’une manière déraisonnée. Les recettes fiscales ne sont pas tout. Passer la barre des 100.000 habitants n’est pas un objectif. Nous ne nous opposons pas aux constructions mais l’idée n’est pas non plus de surdensifier le territoire. Les projets se concentreront là où l’offre de mobilité est présente. La Louvière a la chance de posséder deux gares, dont la principale est celle de La Louvière-Sud. Un master plan est d’ailleurs à l’étude pour réfléchir au meilleur développement des terrains appartenant à la SNCB qui sont situés aux alentours.
On le voit dans les chiffres, le marché neuf est peu dynamique, bien moins qu’à Mons. Comment renverser la tendance?
Nous souhaitons avoir un développement maîtrisé. Mais il y a quand même 2.424 logements qui ont été identifiés dans les différents projets et qui sont prévus d’ici 2035. Ce n’est pas rien. Il est vrai que le parc de logements n’évolue guère et reste stable, autour de 36.000 logements. Il augmente de seulement 189 unités par an, dont 57% d’appartements. Pour le reste, nous souffrons peut-être d’un déficit d’image que nous devons résorber. Même si tous les nouveaux habitants se plaisent particulièrement chez nous.
L’échec de la Strada n’a-t-il pas refroidi l’envie pour de nombreux promoteurs immobiliers d’investir à La Louvière?
Une chose est certaine, cela ne nous a pas aidés. C’est un échec. Il concerne avant tout le centre commercial. Car Wilhelm & Co a quand même construit un immeuble de 96 appartements qui s’est très bien vendu. Aux yeux des investisseurs, cet échec a surtout terni notre image sur le plan commercial. La Strada aurait pu tirer la ville vers le haut. En attendant, si l’offre commerciale doit toujours être renforcée, la page Wilhelm & Co est tournée et nous devons aller de l’avant. Nous travaillons pour redémarrer sur de nouvelles bases.
Un procès est prévu à l’automne pour régler le litige. Avec le risque, selon Wilhelm & Co, que la Ville doive payer des indemnités à hauteur de 65 millions…
Nous verrons bien ce que la justice décide. Nous avons également des arguments à mettre en avant. Et nous réclamons également des indemnités de réparation. Le marché a été résilié. Ils ne réaliseront pas les 500 logements prévus. Pour notre part, nous pourrions toujours avancer sur le reste du site car nous sommes propriétaires des terrains. Mais chaque chose en son temps.
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Comment se positionner toutefois par rapport à Tubize, Charleroi ou Mons qui tentent aussi de séduire les Bruxellois?
Pour qu’une ville soit attractive, elle doit avoir un projet dans plusieurs domaines. Sur le plan économique, les infrastructures et les entreprises sont présentes. Nous avons également un projet culturel fort. Au niveau sportif, les infrastructures sont de qualité. Ces éléments font que les nouveaux habitants sont séduits. Cette ambition peut faire la différence.
Autre constat étonnant: les prix ont très peu évolué depuis 2008…
J’ai peu d’informations sur le sujet. C’est peut-être lié au fait que l’offre d’appartements neufs est faible, ce qui peut contribuer à lisser les prix au fil des années (les prix du neuf sont stables autour de 2.200 euros/m2, Ndlr).
La Louvière possède de nombreuses friches industrielles. Quelle est votre stratégie pour ces sites?
Toutes les friches sont identifiées (Bocage, Gilson, Boch). Des promoteurs sont sur la balle (Matexi, Evillas, Huyzentruyt, etc.). Il n’y a donc plus beaucoup de surprises.
La Louvière figure dans la liste des villes qui participeront à la mission de l’Union européenne visant à rendre 100 villes neutres pour le climat et intelligentes d’ici 2030. Qu’est-ce que cela va impliquer concrètement?
Il faut d’abord applaudir le fait que nous sommes la seule ville wallonne sélectionnée. C’est une fierté et une reconnaissance par rapport au travail effectué ces derniers années en matière de développement durable. Nous avons développé des compétences qui permettent de conseiller sur ce sujet entreprises et particuliers. L’ambition est d’être neutre en CO2 en 2030. Cette stratégie nous permettra d’obtenir une partie des 400 millions d’euros de subsides liés à cette politique.
Une dernière chose: quel sera l’impact de la réalisation du boulevard urbain sur la ville. De nombreux terrains s’en verront valorisés?
Il va surtout permettre de désenclaver le quartier des hôpitaux (Tivoli et Jolimont). C’est avant tout un gain de mobilité. Même si le site de l’entreprise Longtain, situé le long de ce boulevard, a été acquis par l’hôpital Jolimont, et sera donc valorisé puisque l’objectif est d’y construire un nouvel hôpital.
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