Fin d’un avantage fiscal majeur pour les multipropriétaires, les loyers vont-ils augmenter ?

Dans son accord de Pâques, le gouvernement De Wever vient de supprimer la déduction fiscale des intérêts pour les contribuables belges qui contractent un emprunt pour un logement qui n’est pas leur habitation principale. Cette mesure, confirmée par le ministre des Finances Jan Jambon (N-VA), vise les propriétaires de résidences secondaires ou de biens immobiliers destinés à la location.
Jusqu’à présent, les propriétaires pouvaient déduire de leurs revenus les intérêts liés à des crédits contractés pour acquérir ou conserver un bien immobilier autre que leur habitation principale. Cela incluait les crédits hypothécaires, les prêts à la consommation et les prêts rénovation/énergie, à condition qu’ils soient clairement affectés au financement du bien non familial. Cette déduction, qui permettait de réduire la base imposable et donc la taxation à l’impôt des personnes physiques (IPP), n’existe plus depuis le 1er janvier 2025.
« Cette suppression va augmenter la charge fiscale des investisseurs immobiliers, en particulier ceux qui possèdent plusieurs biens », explique Emmanuel Degrève, conseiller fiscal chez Deg & Partners, cité par La Libre. Les contribuables concernés ne pourront plus déduire ces intérêts dans leur déclaration d’impôts 2026, relative à l’exercice 2025, ce qui alourdira leur facture fiscale.
La fin du dernier avantage fiscal pour les résidences secondaires
Cette mesure marque la fin du dernier avantage fiscal au niveau fédéral pour les résidences secondaires. En 2024, le gouvernement avait déjà mis fin à la réduction d’impôt pour les remboursements de capital et les primes d’assurance solde restant dû liés à ces prêts. Toutefois, certains dispositifs régionaux, comme les primes pour la rénovation énergétique, subsistent. Par ailleurs, l’investissement immobilier via une société (soumise à l’impôt des sociétés) conserve la déductibilité des intérêts, mais cela implique un cadre juridique et fiscal différent.
« Il ne reste effectivement plus d’avantage fiscal spécifique au niveau fédéral », souligne Emmanuel Degrève dans La Libre. « En revanche, certains dispositifs régionaux peuvent encore exister pour la rénovation énergétique, mais ce ne sont plus des déductions dans la déclaration IPP au niveau fédéral. »
Un impact sur les crédits en cours
La mesure touche tous les crédits en cours, ce qui pourrait entraîner des charges fiscales non anticipées pour les investisseurs qui avaient compté sur cette déduction. « Cette approche pourrait être contestée devant la Cour constitutionnelle ou d’autres instances, au motif d’une possible insécurité juridique », précise Emmanuel Degrève. Toutefois, il n’est pas rare que des mesures fiscales soient modifiées pour des crédits en cours, et la question de la rétroactivité ou de l’entrée en vigueur progressive est cruciale pour évaluer la légalité de la mesure.
Les contribuables devront désormais déclarer le revenu cadastral indexé et majoré de 40 % pour les biens donnés en location à des particuliers, sans pouvoir déduire les intérêts d’un crédit, explique La Libre. Pour les biens loués à une société ou à une activité professionnelle, c’est le loyer réel (diminué des frais) qui sera imposable.
« Les petits investisseurs, souvent qualifiés de “bons pères de famille”, seront les plus touchés, avec une augmentation de leur charge fiscale », note Emmanuel Degrève. En revanche, les grands investisseurs, qui possèdent généralement leurs biens via des sociétés, ne seront pas affectés, car les intérêts restent déductibles dans ce cadre.
Le marché locatif sous pression
Le Syndicat national des propriétaires et copropriétaires (SNPC) craint que cette mesure n’aggrave la pénurie actuelle de logements locatifs. « Les conséquences seront graves pour les nombreux célibataires et familles à la recherche d’un logement locatif », estime le SNPC dans La Libre. Certains propriétaires pourraient augmenter les loyers pour compenser la perte de l’avantage fiscal ou vendre leurs biens plus tôt que prévu, ce qui perturberait davantage le marché locatif, déjà sous pression en raison de la demande croissante et de l’accès plus cher au crédit. « Cette mesure risque d’exacerber la pénurie actuelle de logements », conclut Emmanuel Degrève. Une inquiétude partagée par de nombreux acteurs du secteur immobilier, qui craignent que cette suppression ne fragilise encore davantage un marché déjà tendu.
Accord de Pâques
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