Dirk De Fauw, bourgmestre de Bruges: “Nous voulons garder le contrôle” du marché du logement

Bruges
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Le marché du logement à Bruges est sous pression. Les sites pouvant être réaménagés, en particulier dans le centre historique, sont donc prioritaires pour une utilisation résidentielle. Pour le bourgmestre Dirk De Fauw, le frein au tourisme résidentiel à Bruges est nécessaire pour que la ville reste vivable.

Dirk De Fauw est impliqué dans la politique communale de Bruges depuis 1982. Grâce à cette longue expérience, il sait aussi que la patience est une vertu utile dans le domaine de l’immobilier. Sa ville peut et doit encore se développer, estime-t-il.

“La population est passée à 119.541 habitants ces dernières années. J’ai récemment déclaré, lors d’une cérémonie de pose de première pierre, que nous aimerions dépasser le cap des 120.000 habitants. Avec tous les projets en cours, cela devrait être possible. Et la demande immobilière est énorme. Non seulement pour les appartements et les maisons de rangée, mais aussi pour les grandes maisons avec jardin. On n’appâte pas les médecins de l’AZ Sint-Jan et de l’AZ Sint-Lucas avec une maison mitoyenne. Et s’ils ne trouvent pas ce qu’ils veulent sur le territoire brugeois, ils déménagent en banlieue. Cette situation est défavorable aux revenus de la ville. Pour les quartiers où l’on trouve aujourd’hui des villas avec des jardins de 3.000 ou 4.000 m2, nous avons élaboré un plan d’aménagement résidentiel qui permet de subdiviser ces grandes parcelles en lots plus petits. La superficie minimale est de 1.000 m2. Avec une telle surface, on peut encore convaincre le public, ce qui n’est pas le cas avec un terrain de 300 m2.”

TRENDS-TENDANCES. Dans le programme politique du collège communal actuellement en place, il est précisé que la priorité est donnée à un logement “abordable pour tous”. Cet objectif a-t-il été atteint ?

DIRK DE FAUW. Nous avons réussi à augmenter l’offre de logements sociaux. Entre 2020 et 2023, 253 logements sociaux ont été ajoutés. Ce n’est pas mal, mais dans la perspective de la liste d’attente des candidats locataires, c’est trop peu. Nous avons également fusionné les deux sociétés de logement social au cours de cette législature. D’accord, cela a été imposé par le gouvernement flamand, mais nous avons pu le réaliser très facilement et rapidement ici à Bruges. C’est une bonne chose, car auparavant, les candidats locataires devaient s’inscrire auprès des deux sociétés, ce qui compliquait les choses pour tout le monde.

Vous auriez aimé créer encore plus de logements sociaux ?

Oui, mais nous constatons malheureusement qu’il y a beaucoup de recours lors de la construction de logements sociaux. C’est le fameux phénomène Nimby (Not in my backyard)… Le projet de logement social à Assebroek, qui fait partie d’un nouveau lotissement, en est un exemple malheureux. Les plans remontent à l’époque où la province a imposé une proportion de 25 % de logements sociaux pour chaque grand projet. Les maisons destinées au marché privé ont été réalisées depuis. La construction des logements sociaux était encore en attente d’une subvention flamande. Qu’en est-il aujourd’hui ? Les nouveaux habitants de ce lotissement ont entamé une procédure contre la construction des logements sociaux !

“Pour alléger la pression, nous avons interdit la construction d’hôtels dans le centre-ville. ”

Existe-t-il un problème d’accessibilité sur le marché de la location et de l’achat privé à Bruges ?

Sur le marché de la location, il y a certainement un problème. Ce marché est très tendu à Bruges. J’en ai moi-même fait l’expérience récemment. La fille d’un employé avait des vues sur un bien locatif à Sint-Andries. Or, il y avait plus de 50 candidats pour ce logement. Mais il y a aussi des tensions sur le marché des logements occupés par leur propriétaire et les prix continuent d’augmenter. En tant qu’administration communale, disposons-nous d’outils pour y remédier ? Ce que nous essayons au moins de faire, c’est d’accorder les permis environnementaux le plus facilement possible. Car ces augmentations de prix sont, bien sûr, liées au jeu de l’offre et de la demande.

Nous choisissons aussi très consciemment de conserver les sites qui se libèrent pour y construire des logements. Fluvius, par exemple, a annoncé qu’elle déménagerait dans un nouvel immeuble de bureaux sur la Blankenbergsesteenweg. Cela libérera un site d’environ deux hectares. Nous n’avons pas eu besoin de chercher une destination à cet endroit : ce sera du logement. Point. Et le certificat d’urbanisme que nous délivrons pour ce projet stipulera qu’il doit également y avoir des logements sociaux.

Le tourisme pèse-t-il sur l’accessibilité au logement à Bruges ?

C’est une préoccupation majeure. Pour alléger la pression, nous avons interdit la construction d’hôtels dans le centre-ville. Et dans tout Bruges, il y a une interdiction des logements de vacances. Nous n’avons fait qu’une exception pour Zeebrugge. Ce sont des mesures drastiques, mais elles étaient nécessaires. Car il est bien sûr plus intéressant de louer votre bien locatif dans le centre historique en tant que maison de vacances. En un week-end, vous obtenez le même rendement qu’en louant un mois sur le marché résidentiel. A long terme, cela rend votre ville invivable. Pour être clair : il n’y a pas d’obstacle à la location de chambres d’hôtes pour ainsi dire. Mais il faut pour cela que vous viviez vous-même dans cette propriété.

L’interdiction des résidences secondaires sera-t-elle strictement appliquée ?

Oui, nous sommes très stricts à ce sujet. Nos collaborateurs recherchent des maisons de vacances à Bruges sur des sites internet tels que booking.com. S’il apparaît qu’il n’y a pas d’autorisation, nous envoyons immédiatement une lettre recommandée.

L’année dernière, la Ville a refusé la demande de permis pour une tour résidentielle. Ce refus est intervenu sous la pression de l’Unesco. Cette reconnaissance du patrimoine mondial de l’Unesco n’est-elle pas parfois un frein au dynamisme et à la croissance de Bruges ?

C’est une discussion qui revient régulièrement. Les opposants affirment que Bruges n’a pas besoin de cette reconnaissance de l’Unesco. Personnellement, je pense qu’elle est précieuse. Nous devrions en être fiers. En fait, il ne s’agit que du centre historique. 20 000 personnes y vivent sur une population totale de près de 120.000 habitants. Certes, la sphère d’influence de la reconnaissance de l’Unesco est un peu plus large, mais tout de même…

“Dans tout Bruges, il y a une ­interdiction des logements de vacances. ”

Nous étions plutôt favorables au projet de tour résidentielle, mais nous ne voulions pas risquer de perdre le label Unesco. L’échevin Minou Esquenet, accompagné de personnes de notre administration, est allé présenter le dossier au siège de l’Unesco à Paris. Là, on nous a conseillé de ne pas autoriser le projet. Ce n’est pas que l’Unesco n’autorise pas les immeubles de grande hauteur, mais elle a estimé qu’une tour de 50 mètres à cet endroit était trop proche du centre.

Qu’en est-il de la durabilité du parc immobilier de Bruges ? Les panneaux solaires ont longtemps été interdits dans le centre historique.

C’est vrai, et c’est aussi lié au label de l’Unesco. Les célèbres tuiles rouges ondulées sont l’une des raisons pour lesquelles Bruges est classée au patrimoine mondial de l’humanité. Si l’on pose des panneaux solaires noirs sur ces tuiles rouges, on touche évidemment au caractère unique du paysage urbain. La solution qui s’est imposée concilie la recherche de la durabilité et les préoccupations patrimoniales. Les habitants du centre-ville sont autorisés à installer des panneaux solaires sur leur toit, à condition qu’ils ne soient pas visibles de la rue.

Il s’agit là d’une évolution favorable, mais il est difficile de rendre durables les vieilles maisons du centre historique. Il n’est pas possible, par exemple, d’isoler une façade en briques et de la recouvrir de crépi. Les règles en matière de menuiserie extérieure sont également très strictes. Ces restrictions sont en effet un inconvénient pour les habitants du centre-ville.


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