Ces villas devenues trop grandes pour les seniors seraient-elles une solution à la crise du logement?
Près de 75% des personnes de plus de 65 ans vivent dans un logement trop spacieux. L’impact sociétal et économique de cette sous-occupation du parc immobilier belge risque de devenir problématique d’ici peu. Le potentiel pour gonfler l’offre de logements est par contre réel.
Cela ressemble à nouveau à une remise en question d’un modèle qui a permis à des milliers de ménages belges d’accéder à leur rêve d’habiter dans une maison quatre façades. Les lotissements génèrent aujourd’hui toujours plus d’interrogations. Les premières critiques datent d’il y a quelques mois. Elles concernaient l’avenir de ces ensembles résidentiels composés, dans la plupart des cas, de maisons obsolètes sur le plan énergétique, trop spacieuses et très chères à l’achat. Combinés à l’obligation d’une rénovation d’envergure, ces logements voient leur avenir s’écrire de plus en plus en pointillés.
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Autre problématique désormais : la mise en lumière de la sous-occupation de ces villas dans un contexte de crise du logement. Les personnes qui occupent ces lotissements sont de moins en moins nombreuses et de plus en plus âgées. Le schéma classique étant celui de la famille qui a vu ses enfants quitter la demeure familiale alors que les parents restent attachés à un logement trop spacieux pour eux. Un vrai enjeu sociétal et économique.
“C’est compliqué de déterminer le nombre précis de logements sous-occupés en Wallonie, fait remarquer Julien Charlier, chercheur à l’Iweps, l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique, qui vient de publier une étude sur le vieillissement des populations dans les lotissements résidentiels. Il y a toutefois, aujourd’hui, une vraie inadéquation entre la taille des ménages et celle des logements. Il en résulte un enjeu économique sous-jacent, car cela contribue à paupériser ces ménages qui sont pourtant assis sur un important capital foncier à exploiter.”
Adapter les logements aux besoins réels
Selon l’enquête EU-SILC de Statbel, environ 73% de la population belge de plus de 65 ans vivait dans un logement sous-occupé en 2023 (cinq pièces ou plus), soit bien au-delà des besoins réels. En Brabant wallon par exemple, une terre de lotissements par excellence, la Maison de l’urbanisme locale a comptabilisé que plus de 20.000 de ces logements sont occupés par des personnes de plus de 65 ans et que 8.000 logements supplémentaires pourraient potentiellement être créés en mobilisant les surfaces sous-occupées. De quoi répondre en partie aux familles et personnes isolées ne trouvant pas de logements adaptés à leurs besoins.
“Il y a aujourd’hui une vraie inadéquation entre la taille des ménages et celle des logements.” – Julien Charlier (Iweps)
Un vivier immobilier qui s’inscrit dans un contexte wallon de réduction de l’artificialisation des sols, d’inquiétudes autour de l’accessibilité au logement et d’évolution des modes d’habiter. “Il faut profiter de ces opportunités pour repenser l’offre de logements à la lumière des enjeux d’optimisation spatiale et d’accessibilité au logement, pointe Julien Charlier. Des solutions pourraient émerger à partir de ces situations particulières.”
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Répondre à la demande sans construire
Dans l’étude de l’Iweps, le vieillissement des lotissements a pu être étudié en se penchant sur la situation d’un lotissement en Brabant wallon, à Grez-Doiceau. Dans le quartier étudié, construit à la fin des années 1980, le vieillissement de l’âge moyen de la population entre 1992-2023 a été sept fois plus rapide que celui de la Wallonie (il est passé de 23,8 ans en 1992 à 48,9 ans en 2023). Les chercheurs soulignent aussi la sous-occupation des maisons et du foncier qui en résulte. Si le nombre de ménages reste stable, la taille moyenne des ménages a chuté de 3,5 à 2,3 personnes sur la même période.
“Ces observations locales concernent, en fait, une grande partie du parc de logements wallon, estime Julien Charlier. De nombreuses maisons et terrains sous-occupés constituent une offre résidentielle potentielle qui pourrait permettre de répondre à la demande en logements sans nécessairement devoir construire du neuf ailleurs, notamment sur des terrains non artificialisés. Les lotissements bien localisés constituent dans ce cadre un potentiel de densification du bâti ou du foncier en phase avec le principe d’optimisation spatiale recherché par la politique régionale de développement territorial. Selon les contextes, le bâti ou le terrain pourrait, en effet, être divisé pour créer de nouveaux logements, répondant à une partie de la demande wallonne en petits logements qui augmente suite à la réduction générale de la taille des ménages. La mise en œuvre de ces processus de “densification douce” peut également permettre la production de logements plus adaptés aux seniors.”
Surtout quand on sait que 18% des maisons wallonnes (soit environ 248.000 unités) sont situées dans des lotissements. Reste que l’opérationnalisation de ces processus demanderait de lever de nombreux freins, qu’ils soient à la fois culturels, réglementaires et financiers.
Quatre pistes à suivre
Si le potentiel foncier de ces lotissements permettrait donc d’augmenter l’offre globale de logements, il pourrait également s’agir d’une opportunité pour favoriser la mobilité résidentielle des aînés. Notamment en créant de nouvelles formes de logements pour seniors. L’urbaniste français David Miet, CEO de la start-up d’urbanisme Villes Vivantes, met par exemple en avant une série de pistes – quatre – pour réinventer les lotissements actuels :
- un, travailler sur des rénovations ciblées, de manière à adapter les logements pour répondre aux besoins des seniors, notamment en termes d’accessibilité et d’efficacité énergétique ;
- deux, diversifier l’offre en favorisant une mixité sociale et générationnelle avec des logements adaptés aux différents profils de ménages ;
- trois, effectuer une cartographie fine du territoire, de quoi identifier les zones sous-utilisées à travers des indicateurs de densité et de sous-occupation pour orienter les politiques locales ;
- quatre, sensibiliser et accompagner les acteurs locaux et les propriétaires sur les opportunités de densification douce.
“Avec une population vieillissante occupant des maisons surdimensionnées, le potentiel de densification douce dans les lotissements wallons est un levier stratégique pour réduire l’étalement urbain et répondre à la demande croissante en logements adaptés, explique David Miet. C’est un potentiel à ne pas négliger.”
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