Ces six pièges à éviter lors d’un investissement dans l’immobilier résidentiel

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L’intuition peut parfois faire la différence lorsqu’on investit dans l’immobilier, mais elle comporte également des risques. Une bonne préparation, des calculs réalistes et des attentes raisonnables restent essentiels pour ceux qui veulent obtenir un rendement sans mauvaises surprises.

L’achat de son propre logement est, pour beaucoup de personnes, le plus grand investissement de leur vie. Une deuxième habitation, à titre d’investissement, arrive souvent en seconde position. Dans les deux cas, la précipitation est une mauvaise conseillère. Mais il existe également des différences importantes. Celui qui achète pour lui-même accorde surtout de l’importance à l’expérience de vie. Pour un investisseur, le rendement prime généralement. Cette autre approche nécessite aussi d’autres arbitrages. À quoi un investisseur immobilier débutant doit-il précisément faire attention et quels pièges le guettent ?

Nous l’avons demandé à deux spécialistes de l’immobilier d’investissement, Eric Dings, du cabinet de conseil immobilier indépendant Ex-Stra, et Valentin Vanryckeghem, d’Altro Invest, la branche investissement de l’agence immobilière Altro Vastgoed.

1. Mal se lancer faute de préparation

Investir dans l’immobilier est assez exigeant en termes de travail, et cela commence déjà par la phase de préparation. “Beaucoup d’investisseurs débutants sous-estiment la complexité, explique Eric Dings. Acheter un bien comme investissement semble simple, mais beaucoup d’éléments entrent en jeu. Il faut bien se documenter et faire ses devoirs. Les gens se tournent souvent vers l’immobilier de manière impulsive, par exemple parce que la Bourse se porte mal. Ils se présentent alors chez un agent immobilier en se disant qu’il les aidera bien à démarrer.

Mais un agent immobilier reste avant tout un vendeur. Et un promoteur immobilier veut bien sûr également vendre son projet. Il ne faut donc pas leur faire confiance les yeux fermés et il est essentiel de se poser deux questions. La première : puis-je facilement louer ce bien ? La deuxième, qui est tout aussi importante : pourrai-je également le revendre aisément dans 20 à 25 ans, et à qui ? Si vous pouvez répondre ‘oui’ à ces deux questions, vous êtes bien parti.”

“Beaucoup d’investisseurs débutants sous-estiment la complexité. Acheter un bien comme investissement semble simple, mais beaucoup d’éléments entrent en jeu.” – Eric Dings (Ex-Stra)

Valentin Vanryckeghem fait une analyse similaire. “Celui qui veut jouer la sécurité vise le public le plus large possible, dit-il. Il s’agit de la location résidentielle classique. Car se loger est un besoin fondamental. Cela ne veut pas dire que certaines niches ne peuvent pas être intéressantes. Aujourd’hui, dans de nombreuses villes étudiantes, il y a une pénurie de kots. La population étudiante atteint un pic, les locations se feront probablement facilement. Mais sera-ce encore le cas dans 10 ans ? En vous concentrant sur des sous-groupes, vous réduisez le nombre de candidats locataires.”

Eric Dings revient encore sur le potentiel de revente. “Louer facilement ne signifie pas automatiquement que l’on peut aussi facilement revendre, avertit-il. Prenons les chambres d’hôtel : le rendement locatif mensuel peut sembler attrayant. Mais à qui pouvez-vous revendre une telle chambre d’hôtel dans 20 ans ? Uniquement à un autre investisseur, et ce marché est bien plus restreint que celui du logement grand public. Et combien en obtiendrez-vous encore pour une chambre d’hôtel vieillissante ? Probablement pas un prix élevé…”

2. Investir de manière trop émotionnelle

Le caractère tangible de l’immobilier séduit beaucoup de personnes. “Mais cela comporte aussi un risque, avertit Valentin Vanryckeghem. L’émotion peut prendre le dessus sur la raison. Essayez de faire vos choix sur base de critères objectifs : le prix au mètre carré, le rendement, la planification des flux de trésorerie… Il faut aussi regarder au-delà du marketing des promoteurs immobiliers. Dans leurs brochures, tout semble fantastique, mais une belle image d’avenir ne doit pas être le critère principal.”

Eric Dings confirme et insiste sur la différence entre un achat pour son propre usage et un achat d’investissement : “Si vous cherchez un bien pour y habiter, il faut que vous vous y sentiez bien. Mais pour un bien d’investissement, ce n’est pas nécessaire. Il ne doit pas être forcément à votre goût. J’entends parfois des clients me dire : ‘Je veux investir dans un bien immobilier et plus tard, quand je serai à la retraite, j’irai y vivre moi-même.’ Je le déconseille car habiter et investir sont deux choses différentes. Une cuisine fonctionnelle dans un bien d’investissement n’est pas la même cuisine que celle que vous aimeriez avoir chez vous.”

Ne vous laissez surtout pas non plus mettre sous pression par le temps, ajoute encore Eric Dings. “Car dans ce cas, vous risquez de passer à côté de certains éléments, poursuit-il. Et vous pourriez payer trop cher. Beaucoup de gens pensent qu’ils vont rater une opportunité unique s’ils ne réagissent pas immédiatement, mais c’est une fausse idée. Il y a toujours de nouvelles opportunités sur le marché immobilier.”

Eric Dings (Ex-Stra). “Beaucoup de gens pensent qu’ils vont rater une opportunité unique s’ils ne réagissent pas immédiatement. C’est faux : il y a toujours de nouvelles opportunités sur le marché immobilier.” © PG

3. Vendre trop tôt ou trop tard

Eric Dings souligne cependant que s’enrichir rapidement grâce à l’immobilier est peu réaliste. “Cela s’explique par les frais d’acquisition élevés dans notre pays, explique le spécialiste du cabinet de conseil immobilier Ex-Stra. Avant d’avoir récupéré ces coûts, le bien doit déjà avoir fortement pris de la valeur. Et cela prend du temps. Mais cela présente aussi un avantage : ce seuil élevé rend le marché belge beaucoup plus stable que, par exemple, le marché néerlandais, où les prix fluctuent davantage. Chez nous, le marché est assez stable depuis 50 ans, et nous espérons que cela reste ainsi. Mais vendre après cinq ou six ans est rarement une bonne idée.”

“L’immobilier est par définition un investissement à long terme, abonde dans le même sens Valentin Vanryckeghem. Mais ce dernier nuance aussi son propos en évoquant le risque de conserver un bien d’investissement trop longtemps. “Il peut parfois être intéressant, après un certain temps, de réaliser sa plus-value. Vous vendez alors un bien pour renouveler ou optimiser votre patrimoine. Après, disons, 15 à 20 ans, les coûts d’entretien commencent souvent à augmenter fortement et des investissements plus structurels deviennent nécessaires. Nous recommandons alors d’abord d’évaluer la valeur marchande du bien dans son état actuel et de se poser la question de savoir ce qu’apporterait une rénovation par rapport à une vente suivie d’un nouvel achat. Les rénovations prennent du temps, comportent des risques et ne sont pas toujours rentables.”

Selon Valentin Vanryckeghem, il serait judicieux de réévaluer un patrimoine immobilier tous les 10 ans. “Un marché immobilier local peut parfois évoluer rapidement. Ce qui était un emplacement secondaire il y a 10 ans peut parfois devenir un emplacement de premier choix. Parfois, vendre et réinvestir est plus intéressant pour maintenir le patrimoine rentable et prêt pour l’avenir.” Et réfléchir à cet avenir, c’est aussi l’intégrer suffisamment tôt dans sa planification successorale, estime Valentin Vanryckeghem. “Lorsqu’un bien entre dans une succession, cela se termine souvent par une vente forcée en indivision. On peut éviter cela en envisageant plus tôt une optimisation ou une redistribution”, détaille-t-il.

4. Ne pas profiter de l’effet de levier

L’un des atouts d’un investissement direct dans l’immobilier est la possibilité de financer partiellement l’achat avec du capital emprunté et de créer un effet de levier. Le rendement sur l’apport propre est amplifié. Grâce au financement, on peut également investir davantage qu’avec ses seuls fonds propres, et donc compter sur des revenus locatifs plus élevés.

Beaucoup d’investisseurs débutants ne connaissent pas ou ne sont pas convaincus de ce principe, constate Valentin Vanryckeghem : “Nous voyons souvent des personnes disposant d’un certain capital qui prévoient de financer entièrement le bien d’investissement avec leurs propres moyens. Ils achètent tout simplement un appartement de 350.000 euros avec leur épargne. Dans ce cas, nous proposons généralement d’optimiser, par exemple, avec 100.000 euros d’apport personnel et le reste qui est financé. Et avec le budget qui reste, ces personnes peuvent éventuellement acheter un deuxième bien. Une approche qui a du mal à être envisagée car le Belge est très conservateur.” Notre expert précise toutefois que le budget restant ne doit pas être nécessairement investi de la même manière.

Une autre idée, selon laquelle les investisseurs plus âgés obtiendraient plus difficilement un prêt, circule aussi. Nous constatons généralement l’inverse, réagit Valentin Vanryckeghem. Les personnes plus âgées obtiennent un meilleur score de crédit et bénéficient donc de conditions plus favorables.” Le spécialiste immobilier admet cependant que l’effet de levier est aujourd’hui limité par la hausse des taux. Et en cas de taux élevé combiné à un rendement limité, un effet de levier négatif peut même se produire.

5. Perdre de vue les flux de trésorerie

On peut essayer d’emprunter beaucoup pour exploiter au maximum l’effet de levier, mais cela augmente également le risque. Car que se passe-t-il si le bien reste inoccupé longtemps et que vous ne pouvez pas assumer les mensualités de remboursement ? Pour tout investissement, une règle s’applique : il faut se sentir à l’aise, car une bonne nuit de sommeil a en effet aussi de la valeur.

C’est pourquoi Eric Dings estime qu’il n’est pas judicieux de se focaliser aveuglément sur le rendement. “Il ne faut pas non plus prendre trop de risques avec le financement, explique-t-il. Les flux de trésorerie annuels sont également importants. Et à cet égard, il faut veiller à ne pas voir trop grand, car on ne peut jamais prédire l’avenir. On peut tomber malade, perdre son emploi. Si, dans ce cas, vous devez ajouter chaque mois 1.000 ou 1.500 euros de votre salaire pour financer le projet, cela finira par peser dans votre quotidien.”

Eric Dings conseille alors de d’abord définir les conditions limites en matière de cash-flow : “Sur combien d’années voulez-vous au maximum emprunter ? Quels sont les flux de trésorerie négatifs maximums que vous acceptez de supporter chaque année ? Dans un cas de figure où vous ne voulez pas ajouter plus de 500 euros par mois, la deuxième étape consiste alors à optimiser votre financement avec, par exemple, l’effet de levier. Mais restez dans ces limites de cash-flow. Si vous voyez que vous les dépassez, réduisez le financement.”

Valentin Vanryckeghem (Altro Invest). “Il faut évaluer la valeur marchande du bien dans son état actuel et se poser la question de savoir ce qu’apporterait une rénovation par rapport à une vente suivie d’un nouvel achat.” © PG

6. Faire des calculs trop optimistes

Un investissement immobilier comporte de nombreux coûts supplémentaires, souvent sous-estimés. Lors de l’achat, il s’agit des droits d’enregistrement ou de la TVA, des frais de notaire et des frais de financement.

Pour l’achat d’un bien ancien, il faut également tenir compte des coûts de rénovation et de transformation. Valentin Vanryckeghem conseille d’ailleurs d’établir un budget réaliste avec une réserve pour imprévus : “Pour les constructions neuves, vous êtes protégé par la loi Breyne. On sait généralement quoi, combien et quand payer. Pour un bien à rénover, c’est plus incertain. Le coût d’une rénovation majeure est parfois difficile à estimer, tout comme sa durée. Vous dépendez de plusieurs parties qui s’attendent souvent les unes par rapport aux autres. Si votre rénovation dure neuf mois au lieu de trois, cela a un impact sur le rendement locatif.”

Eric Dings confirme que le neuf génère moins de surprises, mais met tout de même en garde : “Les gens sous-estiment parfois le prix total. La plupart savent que la TVA, les frais de notaire et les frais de financement viennent s’ajouter au prix affiché. Mais rendre un bien neuf prêt à la location nécessite également des investissements supplémentaires comme les raccordements aux services publics, la peinture, l’éclairage, les revêtements de sol. Comptez facilement 25 à 30.000 euros supplémentaires.”

Il faut également faire preuve de réalisme du côté des revenus attendus. Outre les avantages fiscaux, de plus en plus limités, il s’agit surtout du loyer. Il est important de distinguer le revenu locatif brut du revenu net. Pour calculer le brut, vous multipliez le loyer mensuel par douze. Pour le net, il faut déduire les charges courantes comme la taxe foncière, les assurances, l’entretien et les éventuels frais de syndic (pour les appartements). Il faut aussi prendre en compte des périodes de vacance temporaire.

“Nous appliquons comme règle empirique qu’il est raisonnable de compter sur 10 à 10 mois et demi de loyer”, explique Valentin Vanryckeghem. Eric Dings se montre encore plus prudent : “Avant, je disais toujours : si vous achetez un bien de qualité, vous pouvez viser environ dix mois de loyer net. Mais je pense que cela deviendra difficile à l’avenir, notamment parce que la déduction fédérale des intérêts disparaîtra probablement. Cela représente rapidement un montant équivalent à environ un mois de loyer.”

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