Bureaux: la durabilité n’est plus une option

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Le temps presse pour les propriétaires d’immeubles de bureaux vieillissants. Selon le consultant Stadim, les bâtiments qui ne répondent plus aux exigences de durabilité les plus strictes vont devenir invendables.

Les bâtiments de bureaux durables ont déjà une longueur d’avance auprès des utilisateurs aujourd’hui. Cela se reflète également dans les prix des loyers. Sur le marché bruxellois des bureaux, la différence de prix entre un immeuble obsolète et un immeuble durable à la pointe de la technologie atteint rapidement 100 euros/m²/an. Pour un bureau de 10.000 m², cela représente un manque à gagner annuel de 1 million d’euros.

Certains propriétaires semblent s’accommoder de la baisse de leurs revenus locatifs. Après tout, c’est ça ou investir massivement dans une rénovation. Mais un jour, ils devront de toute façon ouvrir leur portefeuille et il ne leur reste que peu de temps. C’est ce qu’affirme Céline Janssens, partner chez le consultant immobilier Stadim. “La durabilité n’est plus une option sur le marché des bureaux, c’est une obligation, dit-elle. Dans les années à venir, la durabilité au sens large deviendra le facteur déterminant de la valeur de ces locaux. Sur plusieurs fronts, la pression pour devenir rapidement plus durable s’accroît.”

Céline Janssens fait notamment référence aux mesures européennes qui poussent à une durabilité rapide de notre parc immobilier. Les chif­fres du rapport sur la durabilité du secteur de la construction et de l’immobilier sont alarmants. Aujourd’hui, environ 38 % de la consommation totale d’énergie dans l’Union européenne est imputable au secteur immobilier. Les bâti­ments sont également responsables de 29 % des émissions de carbone. L’âge des bâtiments – 85 % ont été construits avant 2001 – est un facteur explicatif majeur. Et le rythme des rénovations est trop lent. “Aujour­d’hui, environ 1 % des bâtiments en Europe font l’objet d’une rénovation énergétique complète chaque année, affirme Céline Janssens. Pour attein­dre la neutralité en matière de CO2 d’ici 2050, ce taux de rénovation doit passer rapidement à 3 %.”

Contraintes européennes

La directive européenne CSRD (Corprorate Sustainability Reporting Directive) qui concerne les grandes entreprises et est entrée en vigueur cette année, joue un rôle de catalyseur important. “On remarque que certains investisseurs paniquent parce qu’ils ont beaucoup de retard à rattraper”, poursuit Céline Janssens. La taxonomie de l’Union, qui objective le discours des entreprises en matière de durabilité, fait également bouger les choses. Et à partir de 2027, sous la bannière ETS II, le système européen d’échange de quotas d’émis­sion sera étendu aux bâtiments. “Concrètement, cela signifie que le coût d’exploitation des immeubles de bureaux qui émettent du CO2 va encore augmenter”, souligne Céline Janssens.

Céline Janssens
“Dans les années à venir, la durabilité au sens large deviendra le facteur déterminant de la valeur des bureaux.” – Céline Janssens, “partner” chez Stadim


Ainsi en Flandre, chaque bâtiment non résidentiel – y compris les immeu­bles de bureaux – devra être doté d’un certificat de performance énergétique à partir de 2026, qu’il y ait ou non une transaction. A partir de 2025, cette obligation s’appliquera déjà aux surfaces supérieures à 1.000 m².


Selon Céline Janssens, il est justifié que l’accent soit mis sur l’efficacité énergétique dans le cadre de la campagne en faveur du développement durable. “Mais, ajoute-t-elle, la durabilité est un concept large qui englobe de nombreux facteurs. La circularité, les options de mobilité verte, le bien-­être, la polyvalence et la flexibilité des bâtiments, la gestion de l’eau, etc. sont autant de paramètres qui ont un impact – parfois de manière subtile – et que nous prenons donc en compte lors de l’évaluation d’un immeu­ble de bureaux.” Avec son propre département ESG, Stadim aide également les sociétés immobilières à élaborer leur stratégie de développement durable. “Aujourd’hui déjà, l’inoccupation sur le marché des bureaux est concen­trée dans des bâtiments anciens qui n’ont pas été rénovés, explique Céline Janssens. Et cela ne fera que s’intensifier. Cela se traduit également par l’importance croissante des certifications de bâtiments telles que BREEAM, DGNB et WELL.”

Attentes irréalistes

Aujourd’hui, la durabilité a des implications financières directes et indirectes pour les propriétaires. Nous avons déjà mentionné des loyers inférieurs, un finan­cement plus difficile et un risque plus élevé d’inoccupation. “Les immeubles non durables sont également moins liqui­des, explique Céline Janssens. Et cela ne va pas s’améliorer non plus.” La consultante fait ici référence au Carbon Risk Real Estate Monitor, un outil permettant aux investisseurs immobiliers d’aligner leurs biens et leur portefeuille sur les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat. “Dans le scénario le plus négatif, vous risquez que le bien ne soit plus vendable et/ou louable à un moment donné, poursuit Céline Janssens. Nous parlons alors d’un stranded asset (actif échoué, Ndlr). Il faut prendre de l’avance sur ce point.”

Dans le même temps, l’experte met en garde contre les attentes irréalistes en matière d’investissements dans la durabilité. “Les propriétaires comptent parfois sur une augmentation substantielle de la valeur de leur bien, mais ce ne va pas forcément de soi”, dit-elle. Bien que les locataires soient prêts à payer une prime pour un bâtiment durable et confortable bien situé, le fait d’être très en avance en matière d’ESG n’apporte pas de valeur ajoutée tangible à court terme. En revan­che, cela permet de s’assurer que le bâtiment soit prêt pour un avenir sans énergie fossile. Cela se traduit par une durée de vie plus longue, des coûts d’exploitation plus faibles, moins d’inoccupation et une valeur résiduelle plus élevée.”

Toutefois, Céline Janssens n’envisage pas de scénario catastrophe pour le marché des bureaux, avec un effet domino de dépréciations. La plupart des acteurs professionnels, tels que les sociétés immobiliè­res réglementées (SIR) et les fonds immo­bi­­liers, sont bien conscients de cette problématique. Dans leurs rapports annuels, le thème de la durabilité occupe une place importante. Ils ont également prévu des budgets pour s’attaquer à ce problème.

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