Aicon veut révolutionner la construction
La start-up brabançonne Aicon veut mettre fin au chaos coûteux qui règne parfois sur les chantiers de construction. “Le potentiel est énorme. Nous espérons devenir une licorne dans les cinq ans”, déclare Wouter Devriendt, son CEO.
Aicon, jeune start-up née en 2021, prêche la révolution. “Nous voulons transformer le secteur de la construction en aidant les entreprises à terminer un projet en toute sécurité dans le respect des délais et du budget”, explique Wouter Devriendt, CEO et fondateur.
Quiconque a déjà construit ou rénové un bâtiment le sait: sur un chantier, les plans se dérèglent vite, des erreurs peuvent s’accumuler et les nuits blanches se succéder. “Le plus grand déficit du secteur de la construction est le manque de transparence et de confiance, argumente Wouter Devriendt. Chaque entrepreneur protège son silo de données. Les plans ne sont pas partagés. Or, les entreprises qui se développent le plus rapidement sont celles qui osent partager ces données. Si tout le monde le faisait, la planification serait meilleure et la construction plus rapide.”
“Nous voulons devenir le Google Analytics de la construction.”
La révolution prônée par Aicon est donc la suivante: surveiller et analyser l’avancement d’un chantier à l’aide de caméras intelligentes et de données transmises par des capteurs. “Le but n’est pas de seulement vérifier si les ouvriers respectent les règles de sécurité. Nous surveillons également le rythme des travaux. Nous pouvons ainsi faire économiser beaucoup d’argent aux promoteurs de projets et aux entrepreneurs.”
Chaque amélioration apportée au processus peut rapporter gros, poursuit cet ingénieur civil de l’UGent: “Les marges sont étroites dans le secteur de la construction. Les entrepreneurs doivent parfois se contenter de 2 à 3%, notamment à cause des coûts liés aux retards ou aux erreurs, qui représentent 10 à 15% du budget d’un projet. Les entrepreneurs perdent donc une marge potentielle importante. Nous voulons réduire ces successions d’erreurs. Sur un chantier, les chefs de projets doivent résoudre un flux infini de petits et grands problèmes. Nous, nous voulons prévenir ces problèmes avant qu’ils ne se produisent.”
Merci la 5G, merci l’IA
Les travailleurs de la construction ne se sentent-ils pas contrôlés ou espionnés si leur comportement est surveillé et analysé en permanence? “En règle générale, quand les chantiers dépassent leur budget, c’est parce que la communication entre les entrepreneurs n’est pas idéale et non parce que les ouvriers font trop de pauses. S’il y a des retards, Aicon peut les prévoir afin que les autres entrepreneurs puissent ajuster leurs programmes.”
Les origines de la start-up remontent à sa participation à un hackathon il y a quatre ans. “Notre équipe vérifiait à l’aide de caméras de chantier si les travailleurs de la construction portaient leur casque. Nous avons d’abord appliqué cette idée à deux, puis à 20 chantiers. Il y a un an, nous avons réalisé un chiffre d’affaires suffisant pour nous lancer à fond. En Belgique, nous avons maintenant un portefeuille de clients qui comprend des entrepreneurs de différentes tailles tels que Willemen Group, Dethier, Besix et Deme. Nous avons aussi un premier client au Canada, l’entreprise de construction métallique Canam.”
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Evidemment, entre-temps, l’entreprise installée à Moorsel, près d’Alost, a élargit sa palette d’activités. Elle ne se cantonne plus au seul contrôle des règles de sécurité. D’autant que la plateforme analytique d’Aicon a pu se développer grâce au déploiement des réseaux 4 puis 5G et à l’émergence de l’intelligence artificielle. “La construction était le secteur d’activités le moins numérisé il y a encore trois ans. Mais aujourd’hui, il est en train de complètement basculer. Il existe une quantité extraordinaire de données disponibles avec lesquelles travailler. Nous voulons devenir le Google Analytics de la construction. C’est le moment: la buildtech est à la mode, les applications explosent, et des fonds de capital-risque et des entrepreneurs investissent beaucoup dans ces entreprises.
“Il faut voir grand et parler fort si l’on veut lever des fonds aux Etats-Unis.”
Prochaine étape d’Aicon: l’expansion internationale, que l’entreprise souhaite réaliser à partir des Etats-Unis. “La construction est la construction. Les problèmes sont donc les mêmes partout. Voilà pourquoi nous pensons qu’il est possible de largement développer notre entreprise hors de nos frontières. De plus, nous possédons déjà un beau portefeuille clients alors que nous n’avons même pas encore étoffé notre équipe de vendeurs ni spécialement investi dans le marketing.”
Bien entendu, la concurrence ne reste pas inactive. Des applications logicielles destinées aux entrepreneurs, cela fleurit partout. “Oui, sauf que nous avons une longueur d’avance et une vision à long terme, rétorque Wouter Devriendt. Nous voulons intégrer toutes les données. Nous voyons grand.” L’entreprise s’intéresse également à des infrastructures plus importantes, tels que des ports, des usines ou des parcs éoliens. Pas plus tard qu’en mars, le CEO était à Baltimore pour la grand-messe américaine de l’énergie éolienne offshore.
Pour financer sa croissance, Aicon cherche à lever 2 millions de dollars, peut-être auprès de fonds de capital-risque américains. “En matière d’innovation dans la construction, les Etats-Unis sont plus avancés”, constate Wouter Devriendt, qui vit et travaille désormais à Boston.
“Nous voulons aller vite. Nous avons maintenant l’élan nécessaire. Dans cinq ans, notre entreprise devrait être une licorne (une entreprise valant au moins 1 milliard de dollars, Ndlr). Si nous ne nous lançons pas maintenant, quelqu’un d’autre le fera. Nous disposons d’une technologie que le marché réclame et nous sommes bien implantés sur le marché américain. Nous ne pouvons pas laisser passer cette occasion. Mais nous voulons garder le contrôle de l’entreprise le plus longtemps possible. L’autre fondateur de la start-up, Pieterjan Criel, vient de la scale-up Showpad. Il peut être notre guide dans le monde des investisseurs en capital-risque. Nous recevons également beaucoup de conseils du monde des start-up.”
Tour de table
Durant ce mois de mai, l’entreprise compte s’entretenir avec 20 investisseurs en capital-risque par semaine. Le moment choisi pour ce tour de table n’est peut-être pas idéal car la hausse des taux d’intérêt et les turbulences dans les banques ne facilitent pas la collecte de fonds.
“Les valorisations ont chuté mais il s’agit d’une correction saine, estime Wouter Devriendt. L’époque où l’on obtenait plusieurs millions de dollars de capital pour une bonne histoire est révolue. Heureusement, nous pouvons déjà présenter un chiffre d’affaires suffisant pour obtenir une bonne évaluation. De toute façon, il faut voir grand et parler fort si l’on veut lever des fonds aux Etats-Unis. Il n’y a pas d’échappatoire possible. En même temps, nous sommes conscients que les risques d’échec sont encore très élevés. Mais nous y croyons. Le train est parti.”
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