Vendre pour tous, tous pour vendre
“Le service client n’est pas un département, mais bien l’entreprise dans son entièreté.” Cet aphorisme pertinent, attribué au patron de Zappos, Tony Hsieh s’applique parfaitement à la vente et à l’effort commercial.
Pourtant, dans les faits cet effort est souvent confié à une minorité d’employés, qui se retrouvent avec la lourde responsabilité de devoir exercer les compétences commerciales spécifiques afin de ramener le chiffre nécessaire à la vie et au développement de l’organisation. Mais cela ne signifie pas pour autant que le reste de l’entreprise devrait s’en affranchir ! Si votre entreprise dépend d’une prestation, qu’il s’agisse de livreurs, de techniciens, d’installateurs, ou si vous offrez des services tels que la consultation, l’expertise IT, l’architecture, jusqu’aux services de nettoyage, la satisfaction de vos clients repose à la fois sur la qualité du service rendu, du “geste” technique, et sur la relation établie par l’agent en charge.
Malheureusement, ces deux éléments ne pèsent pas toujours du même poids au bilan de l’appréciation du client. En effet, à ses yeux, la valeur perçue dépend principalement de la qualité de la relation. Ce constat est d’autant plus troublant que, quelle que soit l’expertise de l’intervenant, le client final n’a souvent pas les moyens d’évaluer objectivement la compétence technique de ce dernier. Sa perception se base presque entièrement sur l’interaction humaine (à moins d’une malfaçon flagrante). Autrement dit, même le meilleur expert peut laisser une impression de qualité globalement déplorable si ses compétences relationnelles sont défaillantes. A l’inverse, un technicien moins compétent pourra générer une expérience de valeur supérieure s’il maîtrise l’art de la relation client.
“Not in my job description”
Pourtant, malgré cette réalité, il existe une sorte d’évitement constant de la dimension commerciale de la part des opérationnels. On observe une barrière invisible entre le monde de la vente et celui de la réalisation, créant souvent pour le client une sensation de rupture et l’impression d’un décalage entre les promesses faites d’un côté et la (dure) réalité du terrain de l’autre. C’est la fracture caricaturale entre les vendeurs, accusés de promesses trop optimistes, et les opérationnels, blâmés pour leur incapacité à les tenir.
Ce désinvestissement de la chose relationnelle est parfois très marqué. Il est à ce titre révélateur de constater à quel point les opérationnels sont réticents à laisser un moyen de les joindre ou même de donner leur nom ou leur prénom. Cette distance ne fait qu’accentuer le fossé perçu par le client entre la promesse commerciale et la réalité. A quoi doivent être formées les équipes de terrain ?
La continuité du ton
Les équipes de terrain pour peu qu’elles soient en contact avec le client doivent être capables de maintenir une continuité relationnelle qui reflète l’image de l’entreprise dans son ensemble. Le client ne s’engage pas avec un vendeur, mais avec toute l’entreprise. Il s’attend donc à retrouver le même niveau de qualité relationnelle avec tous les intervenants. Un changement brusque de ton entre le commercial et l’opérationnel est perçu comme une dissonance inquiétante, suscitant des doutes quant à la fiabilité de l’entreprise.
Il est essentiel de sensibiliser les équipes sur l’effet dévastateur que peut avoir, par exemple, l’expression de dissensions internes devant le client. Des phrases comme “Le commercial a encore raconté n’importe quoi” érodent immédiatement la confiance du client. Les problèmes internes doivent rester invisibles aux yeux du client ou, au pire, être perçus comme gérés de manière proactive par l’ensemble de l’entreprise, avec la satisfaction du client en ligne de mire. La création d’espaces d’échange et de collaboration en interne pour traiter ces problématiques est indispensable, bien que rarement mise en place.
Un socle minimum de compétences relationnelles communes devrait être dispensé à toutes les équipes, reflétant le niveau de relation souhaité par l’entreprise. Politesse, écoute active, et une compréhension basique des émotions du client sont essentielles pour mieux gérer son stress, ses éventuelles frustrations et conserver son engagement et sa loyauté.
L’implication du client
Lorsqu’il est nécessaire d’impliquer le client dans l’acte technique, ne fut-ce qu’en validant sa compréhension, il est impératif d’exprimer les choses en termes de bénéfices ou d’utilité plutôt que de se perdre dans un jargon technique ou de laisser filtrer un certain agacement à devoir répéter un principe que l’opérationnel tient pour évidence. Le client, ne maîtrisant pas les concepts ou le vocabulaire spécialisés, peut rapidement se sentir perdu, angoissé et même rabaissé à l’idée de ne pas comprendre ce qui se passe. Cultiver chez les opérationnels la capacité à délivrer un discours positif, clair, adapté, et surtout aligné avec celui des commerciaux est crucial pour maintenir sa confiance.
La gestion de l’insatisfaction
Les équipes de terrain sont souvent les premières à recevoir les plaintes des clients, dans leur expression la plus brute. Bien qu’il ne soit facile pour personne d’encaisser une vive insatisfaction, rejeter systématiquement ces plaintes vers le service commercial ou après-vente avec des phrases comme “Ce n’est pas à moi de gérer cela” aggrave l’état émotionnel négatif du client. Une insatisfaction spontanée renforcée par la frustration de ne pas avoir été écouté à chaud peut rapidement se transformer en ressentiment profond qui contraindra le client à le cristalliser plus durablement pour mieux l’exprimer par la suite à d’autres services. Travailler sur la posture, l’écoute, la reformulation, et une dose de compréhension émotionnelle permet de désamorcer, voire d’éteindre l’insatisfaction dès son apparition plutôt que de l’attiser par un refus de la traiter. Noter directement les plaintes et mettre en place une procédure de suivi rapide et proactif montre au client que son mécontentement est pris en charge, renforçant ainsi sa perception de la réactivité de l’entreprise.
Le rattrapage
Les équipes de terrain doivent parfois également “corriger le tir” face à des estimations initiales irréalistes. Elles constatent souvent des imprévus (travaux supplémentaires, durée d’intervention prolongée, pièces manquantes) et laissent trop souvent la responsabilité d’annoncer la “mauvaise nouvelle” à l’équipe commerciale, laissant ainsi le client dans une zone d’incertitude inconfortable. Pourtant, en sensibilisant et en responsabilisant ces équipes, en leur fournissant quelques outils relationnels de base, il est possible de mieux gérer ces moments délicats.
L’upsell !
Enfin, il est surprenant de constater à quel point les entreprises sous-estiment la force de vente que représentent leurs équipes de terrain. En contact direct avec le client et expertes dans leur domaine, ces équipes peuvent identifier de nouvelles opportunités d’intervention et contribuer à des propositions pertinentes pour les clients. Peu d’entreprises pratiquent un “feedback terrain” régulier entre les opérationnels et les commerciaux pour organiser ce transfert d’informations, et presque aucune n’enseigne à ses opérationnels à vendre des services complémentaires découlant d’une bonne observation du terrain.
Autant d’opportunités manquées laissent perplexe, surtout lorsqu’on demande aux seuls commerciaux, tels des Danaïdes modernes, de remplir constamment le tonneau du besoin constant en chiffre d’affaires, alors que tant d’occasions de nouvelles affaires, de bouche-à-oreille positif, ou de maintien de la satisfaction client sont négligées. Et si le secret pour mieux vendre était, en fin de compte, de vendre ensemble ? Tous ensemble ?
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