Van Hool et la Macédoine: “Concurrence frontale des salaires qui conduit à désindustrialiser l’Europe de l’Ouest”
L’affaire Van Hool pose une question plus large : celle l’industrie de l’Europe occidentale dans son ensemble. Entre les produits chinois à prix cassés et les salaires bas de l’Europe de l’Est, les augures ne sont pas bons.
C’est l’info de la semaine en Belgique: le constructeur flamand de bus et de camions Van Hool délocalise une partie de sa production vers la Macédoine du Nord et supprime plus de 1.000 emplois en Flandre.
La nouvelle a notamment fait réagir l’économiste belge Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management à Lille, en France. “En Belgique, où le salaire mensuel minimum brut est de 1994 euros, le fabricant de bus Van Hool réduit l’emploi de 1000 postes et délocalise en Macédoine du Nord, où c’est 483 euros”, écrit-il sur Twitter. Il se demande, rhétoriquement, comment les travailleurs ouest-européens peuvent concurrencer de tels salaires.
“La concurrence frontale avec de tels salaires conduit à désindustrialiser l’Europe de l’Ouest”, répond-il à sa question. Cela fait des années que l’industrie ouest-européenne est en déclin – et la tendance n’est visiblement pas près de s’inverser. La crise énergétique a enfoncé le clou, rendant l’industrie d’Europe de l’Ouest encore moins rentable. De nombreuses usines ont fermé, ne serait-ce que temporairement. Les activités sont aujourd’hui encore en deçà de ce qu’elles étaient avant l’invasion de l’Ukraine. La plus grande importance donnée au tertiaire et aux services joue aussi un rôle dans ce déclin.
Balkans
Pour réduire les coûts – et la masse salariale est un coût important, qui joue sur la compétitivité des entreprises, belges entre autres – les entreprises lorgnent donc les pays où les salaires sont moins élevés. Dans sa publication, Dor partage également un graphique avec les salaires minimums (bruts) dans les différents pays européens.
La Macédoine du Nord figure parmi les pays où les salaires sont les moins élevés. Il est intéressant de noter que d’autres pays des Balkans se trouvent également en bas du tableau : le Monténégro et la Serbie. Ces trois pays ne sont pas membres de l’UE, mais sont candidats officiels à l’adhésion. Ce qui veut dire qu’il y a encore des barrières administratives et fiscales qui pourraient limiter la délocalisation (ils n’ont pas accès au marché unique). Une fois que ces pays sont membres de l’UE (s’ils le deviennent un jour), on peut imaginer que l’exode de la production vers cette région s’accélère.
Concurrence asiatique
Cette différence des salaires n’est pas la seule concurrence à laquelle l’industrie ouest-européenne doit songer. Il y a aussi les Asiatiques dans le rétroviseur. C’est le cas pour Van Hool notamment : les bus électriques chinois, bon marché, commencent à s’imposer en Europe. Exemple édifiant d’ailleurs, datant d’il y a deux mois : l’opérateur des transports publics flamand De Lijn a passé une importante commande chez BYD, au détriment du constructeur local.
C’est le cas aussi dans la construction automobile, où les marques chinoises inquiètent les Européens. Ce qui déplace le projecteur de Van Hool à une autre usine belge : Audi Brussels. Il y a quelques semaines à peine, le site de production forestois était dans la tourmente à cause de son avenir incertain. On peut donc se poser la question si Van Hool ouvre la voie à d’autres industriels.
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