Unago Recrutement travaille à la réinsertion des ex-détenus par le travail

Unago 
Recrutement ­travaille avec une quinzaine d’entreprises ouvertes 
à l’engagement d’ex-détenus. Elles sont actives dans 
la logistique, 
la production, 
la construction 
ou encore 
le transport.

Peu importe la raison de leur incarcération, quand ils sortent, les détenus font face à un long chemin parsemé d’embûches pour se réinsérer dans la société. Avec Unago, une agence de recrutement pas 
comme les autres, Coraline de Spirlet s’est spécialisée dans le retour au travail de personnes ayant 
un passé judiciaire.

Il y a quelques jours, France ­Travail, le nouveau nom de Pôle Emploi (l’Onem français), a organisé un salon de recrutement pas comme les autres. Dans la cour de la maison d’arrêt de Draguignan, l’établissement public français a mis en contact détenus et recruteurs le temps d’une après-midi. Comme le souligne la directrice de cette prison du sud de la France, l’emploi est la meilleure arme contre la récidive. Elles étaient nombreuses, ce jour-là, les entreprises à avoir fait ce déplacement à l’ombre.

Bien sûr, il y a une dimension de plus en plus prégnante de responsabilité sociétale et des objectifs de diversité. Il y a, aussi et surtout, le besoin d’activer toutes les filières possibles, même les plus improbables, pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre en cours chez nos voisins tout autant que chez nous.

Les résultats sont au rendez-vous puisqu’une PME y a trouvé le mécanicien automobile qu’elle cherchait depuis des lustres, une autre un chauffeur poids lourd motivé. Il leur reste à attendre que les écrous de leur futur employé soient levés…

Des obstacles

Un tel événement est-il possible chez nous ? Sans doute mais, à notre connaissance et à celle des interlocuteurs que nous avons contactés, aucun n’a jamais été organisé. Ce n’est pas pour autant que rien n’est fait dans nos prisons pour faciliter la réinsertion par le travail. A côté des formations et du travail qu’il propose aux détenus, Cellmade organise des ateliers axés sur la réinsertion où l’on parle CV, employabilité ou préparation à un entretien d’embauche.

Cellmade ou le « made in Belgian prison »

L’approche est racoleuse mais efficace. Recherchés : chefs d’entreprise qui n’ont pas peur d’aller en prison ! Cette approche est celle de Cellmade, le label, quasi centenaire (il a été créé en 1931) de la Régie du travail pénitentiaire, un service autonome du SPF Justice. Cellmade a pour but d’offrir aux détenus des prisons belges une offre de formations et d’emplois. La plus-value sociale est importante puisque cette offre augmente considérablement les chances d’une bonne réintégration à la sortie tant dans la société que dans le marché de l’emploi. Ainsi, Cellmade, en collaboration avec différents acteurs spécialisés, propose des formations qualifiantes professionnelles et des formations de réinsertion, d’alphabétisation et d’apprentissage des langues.

L’offre est assez exhaustive. Par exemple, dans les prisons francophones, on retrouve des formations en traiteur-cuisine et en horticulture à Leuze-en-Hainaut, en électricité et en mécanicien vélo à Jamioulx, en traiteur-cuisine et en couture à Marche-en-Famenne, en carrosserie, soudure et chauffeur de clark à Marneffe ou encore en couture et en soudure à Andenne. Parallèlement, Cellmade offre aux entreprises qui le désirent de la main-d’œuvre qualifiée à un prix très compétitif.
Prix qui, évidemment, ne plaît pas à certains acteurs qui parlent de concurrence déloyale.

Qu’à cela ne tienne, dans la soixantaine d’ateliers répartis dans toute la Belgique, le service organise du conditionnement divers, de l’étiquetage, de la reliure, de la confection, de l’imprimerie, de la boulangerie, de la production agricole, de la forge, de la menuiserie ou encore de l’assemblage. Des services qu’il se propose aussi à lui-même puisque, par exemple, à la prison d’Andenne, un atelier ultra-équipé vient de voir le jour. Il va permettre à 10 détenus de réaliser des vêtements, des draps de lit et des taies d’oreiller pour le parc pénitentiaire.
“Grosso modo, nos différents ateliers nous consacrent 15 % de leur production, souligne Valérie Callebaut, porte-parole au SPF Justice. Le reste est destiné aux entreprises clientes. Il faut savoir que les bénéfices retirés de ce travail pour autrui sont majoritairement réinvestis dans nos prisons. Notamment au bénéfice de projets de bien-être des détenus. Comme du matériel de fitness ou pour mieux équiper les salles d’accueil de leurs enfants. Une partie importante du bénéfice réalisé via le travail pénitentiaire est également utilisée pour l’achat de matériel et de matières premières destinés aux formations professionnelles des détenus, ainsi qu’au paiement de gratifications aux détenus qui suivent ces formations.”

Evidemment, la participation aux formations et aux ateliers permet aux détenus de gagner un peu d’argent. Utile pour améliorer leur ordinaire dans la prison, pour se préparer un petit pécule en prévision de la sortie ou rembourser les parties civiles. Ainsi, ils gagnent environ 2 euros/heure dans les ateliers de production interne et 2,80 dans les ateliers pour entrepreneurs privés. Participer aux travaux domestiques rapporte 1,10 euro/heure et participer à une formation est défrayé à 0,70 euro/ heure. Quant aux clients privés, la discrétion est de mise…

Parallèlement, des cellules psycho-sociales spécialisées accompagnent les détenus à préparer leur plan de reclassement et de réinsertion, préalable essentiel à une libération conditionnelle et au passage devant le tribunal de l’application des peines. Ce plan doit contenir une possibilité de logement et d’occupation que ce soit un travail, une formation et du bénévolat. Pas simple d’organiser cela depuis la prison quand on ne connaît pas sa date exacte de sortie ou quand il faut un domicile officiel pour lancer des procédures ou obtenir temporairement le chômage.

Coraline de ­Spirlet, fondatrice 
et gérante d’Unago Recrutement, et sa collaboratrice Aloïse Louis.

Face à tous ces obstacles qui donnent l’impression que la société ne veut pas de ces ex-détenus, Coraline de Spirlet a lancé, officiellement en septembre 2023, Unago Recrutement, une agence spécialisée dans le placement en entreprises de personnes ayant un passé judiciaire. Une ASBL qu’elle a mise sur pied avec l’aide de l’incubateur StartLab Brussels et après des expériences professionnelles comme médiatrice en sanctions administratives à la commune de Saint-Josse et cogestionnaire du réseau Relation addictions et justiciable (RAJ). Un métier qui répond à une vocation découverte lors d’une rencontre pas comme les autres.

“Pendant mes études en criminologie à la KULeuven, mes parents ont hébergé un détenu, se souvient-elle. Il s’agissait de Jean-Marc Mahy, condamné pour deux meurtres commis alors qu’il n’avait pas encore 20 ans. Beaucoup de gens connaissent son histoire aujourd’hui puisqu’il a écrit et joué une pièce de théâtre à succès appelée Un homme debout. J’ai été impressionnée par sa façon de rebondir après chaque écueil placé sur la route de sa réinsertion. Grâce à lui, je suis devenue visiteuse bénévole de prison, une expérience enrichissante qui m’a guidée vers ce que je suis devenue aujourd’hui. A l’origine, je voulais créer une maison d’accueil pour accompagner et faciliter la réinsertion. Financièrement, c’était ingérable. Je me suis donc tournée vers le recrutement et la réinsertion par le travail qui fait drastiquement baisser le taux de récidive, proche des 70% aujourd’hui selon l’Institut National de Criminalistique et de Criminologie.”

Coaching de pré-embauche

Avec seulement deux ETP dans l’ASBL (Coraline a engagé Aloïse Louis en mars de cette année), Unago ne démarre pas la procédure de recrutement dans les prisons. Une démarche logique vu la fameuse incertitude sur la date de sortie. L’ASBL travaille avec les organismes qui organisent le suivi psycho-social en prison, qui accompagnent les détenus lors de leur sortie mais aussi des institutions publiques comme les CPAS ou les missions locales pour l’emploi. Unago, implantée uniquement dans la capitale pour l’instant, est aussi en relation étroite avec la Maison de Justice de Bruxelles où travaillent les assistants de justice auxquels sont assignés des détenus lors d’une libération conditionnelle.

Nous n’avons aucune exclusive tant sur 
la longueur de la peine que sur les raisons 
qui ont conduit une personne en prison.” – Coraline de Spirlet

“Ces différents partenaires nous envoient des candidats quand ils les jugent aptes à l’emploi, confie Coraline de Spirlet. Notamment au niveau psychologique. Nous n’avons aucune exclusive tant sur la longueur de la peine que sur les raisons qui ont conduit une personne en prison. Tout le monde a le droit de se réinsérer. Nous réalisons alors un coaching de pré-embauche constitué de trois rendez-vous. S’il est positif, nous nous lançons dans le recrutement proprement dit. Pendant ce coaching, nous visons à cerner leur personnalité, leur motivation et leur soif d’apprendre, à définir leur entourage et son influence et à installer un climat de confiance mutuel. Nous ne visons, pour eux, que des emplois stables et pas de l’intérim qui est trop limitant et peut avoir des effets pervers.”

Unago Recrutement rentre évidemment en concurrence pour les postes ouverts avec les agences classiques. Elle a, quand même, construit un réseau d’une quinzaine d’entreprises ouvertes à l’engagement de tels profils. Elles évoluent principalement dans la logistique, la production, la construction et le transport et cherchent surtout des profils peu qualifiés. Parmi ces entreprises et organismes, on retrouve notamment Decathlon, Embelco Art Shipping et Handicap International.

“La plupart du temps, il s’agit clairement de métiers en pénurie, souligne Coraline de Spirlet. Les entreprises ouvrent leur horizon pour aller chercher des profils dans des filières auxquelles elles ne pensaient pas. Nous venons de nouer des contacts avec un géant de la construction qui, lui, cherche des profils qualifiés. Depuis le mois de septembre, six ex-détenus ont trouvé de l’emploi grâce à nous. Trois autres dossiers sont en cours. Idéalement, nous aimerions placer deux personnes par mois.”

Le but de l’ASBL est d’augmenter son volume de travail pour être totalement indépendante et se passer des subsides structurels annuels qu’elle reçoit d’Innoviris en Région bruxelloise et de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Le but est aussi de procéder de la même manière en Wallonie. Le travail ne manque pas…

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