Un homme d’affaires russe aurait aidé la Russie à contourner les sanctions depuis Bruxelles

Le président russe Vladimir Poutine, le 1er juin 2023.

Un espion russe aiderait son pays à contourner les sanctions occidentales depuis Bruxelles. Selon les informations de The Insider, V.L., qui dirige également des entreprises belges, serait en réalité un agent du renseignement militaire russe (GRU).

Selon le site d’information The Insider, un espion russe basé à Bruxelles aide son pays depuis Bruxelles. Il s’agirait de V. L. Il est à la tête du Groupe d’Investissement Financier, un fonds d’investissement belge. Il possède également une autre entreprise, Projet Plus. Il serait aussi, selon The Insider, un agent du renseignement militaire russe (GRU). Un espion donc.

Il aurait ainsi fourni des renseignements sur les armes européennes, mais aurait surtout facilité le contournement des sanctions occidentales. Proche de la Commission européenne et de l’OTAN, il exploiterait les lacunes de la politique de sanctions occidentale. Son Groupe d’Investissement Financier servirait d’intermédiaire à l’entreprise russe Sonatek. Une société écran basée en Turquie et qui exporte des équipements et des technologies de pays tels que le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie vers une société à Moscou qui elle-même fourni du matériel à dix-huit entreprises de défense russes. Il s’agit notamment de machines de mesure nécessaires à la production d’un missile balistique hypersonique Kinzhal, capable de détruire des porte-avions à 2000 kilomètres de distance. Ou encore d’atteindre Londres en 9 minutes.

Une entreprise familiale

Le plus surprenant dans cette histoire est peut-être que cette entreprise familiale n’est pas particulièrement discrète. Monsieur L n’est pas un loup solitaire sous couverture. Il travaille en famille. A la tête de la Sonatek, on retrouve ainsi son fils, Ruslan (35 ans). Son frère Roman est co-directeur du Groupe d’Investissement Financier. Le trio ne vit pas non plus une vie de reclus. Ainsi Roman participe activement à des manifestations pro-russes. Dans The Insider, Ruslan nie pourtant  toute affiliation au ministère de la Défense russe. Il affirme que son père est un homme d’affaires et que lui-même et son frère n’ont jamais servi dans l’armée. The Insider en doute cependant. Monsieur L aurait, dans le passé, été domicilié dans les quartiers de l’Académie du renseignement militaire russe. 

Uccle, nid d’espions

Toujours selon l’enquête de The Insider, monsieur L est arrivé en Belgique vers 2000 et aurait, dans la foulée, lancé son entreprise belge. Le fait qu’il soit là depuis plus de 20 ans l’a certainement aidé à passer en dessous des radars. Il n’était alors pas le seul entrepreneur à quitter la Russie en pleine mutation. Deux décennies vont lui permettre de se construire un réseau sans éveiller trop de soupçons. Les trois hommes ne figurent d’ailleurs pas sur la liste des personnes sanctionnées par l’Union européenne. De quoi leur donner les coudées franches. Au point que l’entreprise a pignon sur rue. Monsieur L a installé son bureau dans un immeuble de six étages sur l’avenue de la Ferme Rose à Uccle. Le fait que la famille L ait choisi Uccle comme lieux de résidence ne doit rien au hasard. C’est dans cette commune que s’installeraient la plupart des espions. On y trouve en effet l’ambassade russe en Belgique. De quoi rapidement se mettre à l’abri, si besoin.

Avec 300 missions diplomatiques et consulaires, 26 000 diplomates et de nombreux sièges d’entreprises et d’institutions internationales sur son territoire, Bruxelles est une cible de premier plan pour les espions. Il est bien entendu très difficile de comptabiliser leur nombre exact dans la capitale. Mais pour donner un ordre d’idée voici quelques chiffres. Selon les estimations de la Sûreté de l’État belge ils seraient plusieurs centaines. Un rapport du service de sécurité interne au Service Européen d’Action Extérieure (SEAE) cité par le magazine allemand Die Welt en 2019, estime lui qu’il y aurait environ 200 espions russes et 250 espions chinois à Bruxelles.

Une lutte inégale et des agents longs à former

Cette affaire met crûment en lumière le fait que ce genre d’individus peuvent opérer ouvertement et continuer leurs petites affaires en Belgique sans être le moins de monde inquiété. Pourtant, le cabinet du ministre de la Justice Paul Van Tigchelt (Open Vld) a fait de la lutte contre l’espionnage une priorité. Les effectifs de la Sûreté de l’État ont doublé depuis le début de la législature. Mais la lutte reste inégale, d’autant plus que la formation d’un agent du contre-espionnage est chronophage. On estime qu’il faut six ans pour qu’un tel agent soit totalement opérationnel. Le temps de laisser filer encore beaucoup de cas sous les radars. 

Trois types d’espions russes: Un diplomate russe sur trois serait aussi un officier du renseignement. Sa mission est de récolter des renseignements et d’influencer les pays occidentaux. Beaucoup ont cependant été expulsés des pays européens depuis le début de la guerre. Ce coup dur a obligé le GRU à miser plus sur ses deux autres canaux. Il y a ainsi les illégaux. Soit des Russes qui opèrent sous une identité fictive et surtout non russe. On les voit de temps à autre surgir dans les médias lorsque leur couverture est mise à jour. L’un des derniers en date était sur le point de commencer un stage à la Cour pénale internationale aux Pays-Bas. Et puis il y a aussi les citoyens russes sans lien clair avec le gouvernement.  

Droit de réponse:

Confession d’un « espion » : je ne suis PAS un espion

J’exerce mon droit de réponse suite à l’article paru sur votre site internet le 31 janvier 2024 sous le titre « Un homme d’affaires russe aurait aidé la Russie à contourner les sanctions depuis Bruxelles ». Cet article rédigé par Muriel Lefevre indique se baser sur une publication parue le 27 janvier 2024 sur le site internet d’une agence média lettonne appelée « The Insider » qui se targue de faire du journalisme d’investigation. En réalité, ils font plutôt preuve de pratiquer du journalisme d’instigation, surfant sur les trends du moment – comme la guerre en Ukraine et les sanctions contre la Russie – pour produire du contenu à la va-vite qui va plaire à leur base de lecteurs fidèles…et à leurs sponsors anonymes. Fort heureusement, nous vivons dans un état de droit qui protège ses citoyens et qui leur octroie la possibilité et le droit de s’exprimer et de défendre leurs intérêts. La loi belge m’autorise à publier une lettre de réponse qui peut s’étaler jusqu’au double de la taille de l’article initial (images y compris). Je n’aurai pas besoin d’autant de mots pour exprimer ma position et mon point de vue. Néanmoins, je crois nécessaire d’apporter à vos lecteurs les précisions et les clarifications qui suivent. Je veux d’abord démentir l’allégation principale qui apparaît tant dans l’intitulé de votre article que dans son corps, me mettant personnellement en cause. Contrairement à ce qui figure abusivement dans votre publication, je ne suis pas (je cite) « un espion russe » qui « aide Moscou à échapper aux sanctions occidentales ». La seule manière pour moi de le prouver est de faire ici une confession: JE NE SUIS PAS UN ESPION. Je l’affirme avec fermeté et conviction. Me demander davantage serait de placer sur ma tête une probatio diabolica – cela conduirait à renverser complètement la charge de la preuve des allégations avancées. Ce n’est en effet pas à moi de désapprouver les propos de (pseudo) journalistes en exile acharnés, c’est bien à eux de bétonner leurs propos vu le sérieux des accusations et de leurs conséquences. Un exercice auquel ils échouent royalement. L’article de « Insider » sur lequel vous vous basez est en effet rempli d’accusations gratuites et de justificatifs fabriqués, sans valeur probante quelconque. A vrai dire, j’aurais préféré les balayer rapidement en vrac, tant ils sont absurdes. Mais pour éviter tout doute et pour répondre au procès d’intention qui m’a été administré, je les passerai au crible un par un :

– selon l’ « Insider », je serais un agent de la GRU du fait que = mon domicile à Moscou aurait été à l’adresse connue comme étant « un dortoir célèbre de l’académie de la GRU ». Or, comme je n’ai jamais été domicilié à cette adresse, tout leur raisonnement tombe à l’eau. La preuve qui figure dans leur article est une photo d’écran d’origine inconnue et qui est manifestement un faux ;

– encore selon l’ « Insider », mon fils Roman serait lié au Ministère de la Défense russe, car durant le « lock-down » à la suite du Covid-19 il aurait présenté un laissez-passer émis par le « Département central du logement et des communes » du Ministère de la Défense de la Fédération de Russie. Que tous les belges qui ont utilisé un faux code-barre durant le « lock-down » pour aller au resto du coin se reconnaissent ! Plus sérieusement, j’affirme que mon fils Roman n’est aucunement lié au Ministère de la Défense russe et que toutes les accusations à son encontre sont fausses et erronées ;

– ensuite, un extrait d’un fichier excel produit dans l’article de « Insider » est censé prouver qu’une société-écran turque au nom GROUPE INVESTISSEMENT FINANCI OSBORNE aurait été utilisée pour expédier de la marchandise sanctionnée : c’est complètement faux ! Primo, l’extrait produit par « Insider » en tant que preuve ne fait même pas figurer une seule fois le nom de cette société et, secundo, je vous confirme que je ne connais pas cette société turque et que je n’ai jamais eu de courant d’affaire avec cette société ;

– quant aux affirmations que ma société Groupe d’Investissement Financier SA aurait livré des équipements sanctionnés (dont notamment des équipements pour le missile « Kinzhal »), elles sont également fausses : ma société n’a fait aucune livraison vers la Russie qui aurait pu tomber sous les sanctions instaurées depuis le début du conflit en 2022 ; Par ailleurs, contrairement à ce que vous indiquez dans votre article, ma société n’est pas un fonds d’investissement mais une société anonyme ordinaire de droit belge ;

– dans le même ordre d’idées, ni l’article de « Insider » ni le vôtre ne produit la moindre preuve pour affirmer que la société Sonatek serait une société-écran pour contourner les sanctions: en réalité, cette société a livré déjà depuis 2010 et jusqu’en 2022 (jusqu’à l’entrée en vigueur des sanctions) divers produits provenant de l’Europe; toutes les livraisons étaient officielles et en conformité avec les lois en vigueur à l’époque ;

– je ne m’attarderais pas trop sur les allégations que ma famille aurait exprimé leur position pro-Russe et anti-USA et occident : de un, tous les posts et extraits produits par l’article datent d’avant 2017 et ne comportent donc aucune valeur probante quant à la situation et la position actuelle des membres de ma famille et de deux, cela relève de leur liberté d’expression et n’a absolument rien à faire dans un article qui prétend parler d’un détournement de sanctions économiques (instaurées en 2022).

Force est de conclure que tant l’article initial de « Insider » que les publications subséquentes dans la presse belge, dont la vôtre, n’ont aucun fondement valable pour affirmer haut et fort que je serais un espion russe. Une preuve crédible de tels propos sérieux et accusatoires n’est apportée ni dans l’article initial publié par « The Insider » ni, a fortiori, dans votre publication. Il s’agit donc d’un acte – barbare – de pure calomnie et diffamation. Une véritable chasse aux sorcières qui n’a ni queue ni tête et qui cause un préjudice moral et réputationnel considérable et immédiat à moi, aux membres de ma famille ainsi qu’à ma société. Sans parler des menaces qui figurent dans les commentaires à la suite de la publication qui laissent également craindre pour notre sécurité physique. Il est malheureux d’en retenir que vous vous êtes adonnés à l’exercice facile du « copy – paste » journalistique, sans vous soucier de vérifier indépendamment le bien-fondé des allégations et des justificatifs avancés dans la parution initiale et sans solliciter mes commentaires avant la publication. Je constate donc que votre édition s’est rendue coupable d’avoir violé un des premiers principes et devoirs du journalisme – vérifier vos sources. C’est triste mais c’est ainsi. Au bon entendeur,

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