Un deuxième Canal+ en Bourse : le coup de bluff de Lagardère?

© Reuters

Lagardère, qui était en négociations avec Vivendi pour lui vendre sa participation de 20 % dans Canal+ France, a décidé vendredi de lancer la mise en Bourse de ses parts, faute d’avoir trouvé un accord avec sa maison mère. Décryptage.

Que veut Vivendi ?

Le groupe de divertissements veut contrôler l’intégralité de Canal+ France. La société née du rapprochement CanalPlus-TPS en 2006 n’est pas cotée en Bourse, mais elle détient la chaîne Canal+, appelée Canal+ SA, qui elle est cotée et détenue à 49 % par Vivendi.

Le groupe a donc commencé à racheter les parts de ses partenaires. Ainsi, TF1 et M6 ont cédé leur participation dans Canal+ France, l’un fin 2009 et le second en février. Il ne restait plus qu’à récupérer les 20 % encore détenus par Lagardère pour contrôler la totalité de la filiale. Cela tombe bien : voilà plus d’un an que Lagardère affiche clairement sa volonté de se débarrasser de ses parts.

Pourquoi Lagardère veut-il introduire ses parts en Bourse ?

Lagardère souhaite se désengager de la télévision, un secteur où le groupe a souvent échoué, ratant de peu de mettre la main sur TF1 en 1987, essuyant quelques années plus tard l’échec de sa reprise de la Cinq, ballottée entre Berlusconi et le Groupe Hersant. En juin, Lagardère a conclu un protocole d’accord avec Bolloré Média pour lui céder sa chaîne de télévision Virgin 17.

Dans le cadre du pacte d’actionnaires conclu avec Vivendi, TF1 et M6 en 2007, Lagardère a, depuis 2008 et jusqu’en 2014, tous les ans une petite fenêtre (entre le 15 mars et le 15 avril) pour annoncer s’il veut vendre ses 20 % dans Canal+ France.

Ainsi, en avril, Lagardère a annoncé l’ouverture de négociations. Mais contrairement à TF1 et M6, le groupe ne dispose pas de prix plancher garanti. Et les estimations de la valeur de ses parts varient entre 850 millions d’euros pour Citigroup à 1,4 milliard pour Credit Suisse. Les négociations ont finalement échoué car, d’après le Figaro, Vivendi a refusé de payer le prix de 1,35 milliard d’euros demandé.

Lagardère a donc décidé de lancer le processus de mise en Bourse, autorisé dans le cadre du pacte d’actionnaires. Cela aboutirait alors à la cotation sur Euronext à Paris d’un deuxième “Canal+”, Canal+ France, détenu à 80 % par Vivendi, qui s’ajouterait à l’ancien, Canal+ SA, détenu à 49 % par le groupe.

Un coup de bluff ?

La décision de Lagardère pourrait en fait être une manoeuvre destinée à convaincre Vivendi de reprendre les négociations, selon Conor O’Shea, analyste chez Kepler.

En effet, “Canal+ France se retrouverait ainsi avec un actionnaire de référence et une multitude d’investisseurs et serait tenu à toutes les contraintes d’une société cotée sur un marché réglementé et, en particulier, les obligations d’information financière, détaille Muriel Goldberg-Darmon, avocate associée chez Salans. Vivendi subirait également toutes les contraintes d’un marché réglementé, comme plus d’obligations d’information aux investisseurs et de reporting financier.” De quoi faire réfléchir Vivendi avant de refuser l’offre de Lagardère…

Toutefois, la menace pourrait ne pas se concrétiser. De fait, “le succès d’une introduction en Bourse n’est pas garanti, estime l’analyste de Kepler. Et bien que Vivendi ait les moyens et la motivation nécessaires pour conclure l’affaire sous peu, il n’est pas certain que cette stratégie fasse revenir le groupe à la table des négociations.”

Il n’est effectivement pas évident que les investisseurs se précipitent sur les actions de la maison mère si une grosse partie de la valeur est concentrée dans la valeur Canal+ SA, qui est déjà cotée. Canal+ France a peu d’atouts : elle ne détient pas l’autorisation d’émettre, ne possède pas sa régie publicitaire, ne verse pas de dividendes et la croissance de son chiffre d’affaires était de seulement 1,6 % en 2009.

Lagardère ne s’y trompe pas : l’opération se fera seulement “si les conditions du marché sont réunies”, a précisé un porte-parole. Si la situation n’est pas favorable, “le processus sera remis à zéro l’année prochaine”.

Laura Raim, L’Expansion.com

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