Tedi peut-il faire trembler Action?
Un nouvel acteur ultra low cost a débarqué en Belgique. Son nom? Tedi. Cette chaîne allemande de discount non alimentaire est présentée comme la plus grande concurrente d’Action, d’origine néerlandaise et déjà bien installée chez nous.
“Les pauvres ont besoin de prix bas, les riches les adorent.” Bernardo Trujillo, le prophète de la grande distribution, avait déjà résumé dans les années 1950 le concept de ces hard discounteurs non food qui séduisent les clients par leurs prix cassés et qu’on appelle aussi déstockeurs, bazars ou solderies. En Belgique, il est presque devenu impossible de faire de l’ombre au numéro 1 du secteur: Action. C’est pourtant l’ambition d’un nouveau venu, Tedi, bien décidé à se faire une place.
Qui est Tedi?
Tedi, connu sous la marque “Top Euro Discount”, est un hard discounteur non alimentaire créé en 2004 à Dortmund, en Allemagne, par un groupe d’investisseurs. Le concept a séduit rapidement le marché local grâce à une offre de prix particulièrement agressive combinée à un large assortiment. En un an à peine, le discounteur ouvrait 120 magasins à travers le pays.
Tedi compte aujourd’hui plus de 2.900 succursales dans 15 Etats européens, notamment en Espagne, en Italie, en Croatie et en France. “On parle souvent des Néerlandais, mais les Allemands aussi ont une sacrée connaissance dans le discount, même s’ils sont davantage actifs dans l’alimentaire, par exemple avec Aldi et Lidl”, explique Christophe Sancy, rédacteur en chef de la plateforme spécialisée Gondola.
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C’est à Tongres, dans le nouveau shopping center retail park T-Forum, à 20 km de Liège, que Tedi a installé en juin son premier magasin belge, sur plus de 840 m2. “Cette implantation, idéalement située, permet d’attirer les clients du Limbourg mais aussi ceux de Liège”, explique Isabell Steinhüser, la porte-parole de Tedi, qui rappelle que le centre commercial dispose aussi de nombreuses places de parking et de plusieurs autres offres de magasins.
Contrairement à son concurrent néerlandais Action, l’enseigne allemande mise en effet sur des localisations qui bénéficient déjà d’une certaine fréquentation. “Il faut pouvoir trouver un équilibre car le coût des ces emplacements peut être relativement élevé, précise Christophe Sancy. Action a plutôt tendance à s’installer dans des zones délaissées, attendant que les consommateurs se déplacent.”
Quel assortiment?
Dans les rayons de la nouvelle chaîne, on trouve peu d’aliments et aucun produit d’hygiène mais tout le nécessaire pour aménager son intérieur, jardiner, cuisiner ou faire plaisir aux enfants. Plus de 15.000 références sont proposées dans le magasin de Tongres (contre habituellement 20.000 dans les magasins allemands), dont 3.000 sont disponibles pour seulement 1 euro.
“C’est un concept qui mise sur les achats impulsifs.”
Tedi propose également des produits de pharmacie, des fournitures pour animaux de compagnie et de la papeterie. Un peu de tout, donc. “On est dans la lignée des bazars, mêlée à des Hema et des solderies ‘tout à 1 euro’, analyse le rédacteur en chef de Gondola. C’est un concept qui mise sur les achats impulsifs.”
Fidèle à la stratégie des discounteurs, l’assortiment de Tedi est uniformisé pour l’ensemble de ses magasins, ce qui lui permet de réaliser des économies d’échelle grâce à des achats en gros volumes. Chaque enseigne, quel que soit le pays, propose donc des produits identiques. La Belgique ne fait pas exception.
“Moins de 10% de nos articles sont achetés spécifiquement pour un pays”, explique-t-on chez Tedi, qui précise qu’une partie des références varie toutefois selon les saisons. “On renouvelle les articles, explique un employé. En cette saison, à l’entrée du magasin, on met en avant les piscines et les pistolets à eau. Après l’été, ce seront d’autres produits.”
Prix cassés
Avec une ambition assumée, l’offensive Tedi est lancée. L’ouverture du magasin de Tongres suit de quelques mois celles de plusieurs points de vente en France. “Ce sont les deux nouveaux challenges de cette année”, assure Isabell Steinhüser. Le discounteur souhaite ouvrir cinq à dix succursales dans notre pays en 2023. A long terme, Tedi y voit un potentiel de 200 magasins.
Est-ce possible? “Action reste the top of mind pour le consommateur et il va être difficile à concurrencer”, avance Christophe Sancy. Ailleurs en Europe, où le rapport de force est plus équilibré, les deux enseignes sont déjà en concurrence. Mais chez nous, Action est extrêmement fort. Point positif pour la chaîne allemande: elle profite de facilités logistiques puisque les magasins sont approvisionnés depuis Aix-la-Chapelle, tout proche, et l’enseigne n’exclut pas la possibilité d’installer un centre de distribution en Belgique.
Tedi s’inscrit dans la tendance, déjà en expansion depuis plusieurs années, des low end retailers, à savoir des points de vente dont l’assortiment non food évolue rapidement et dont les produits sont souvent issus de surstocks et vendus à prix cassés. “On se positionne plutôt comme un discounteur qui propose un assortiment surprenant à bas prix”, précise la porte-parole. Notre travail est de proposer des produits à bas prix qui restent de bonne qualité. Les bonnes choses ne doivent pas nécessairement être chères.”
Mais pour parvenir à ces fins, les hard discounteurs ne peuvent s’encombrer de frais inutiles. Action, par exemple, fait l’impasse sur la musique en magasin, ce qui lui évite de payer des droits d’auteur. “Nous sommes effectivement dans une logique d’optimisation des coûts, analyse Christophe Sancy. Les magasins sont standardisés et assez sobres dans le design, ce qui renvoie l’image de produits plus accessibles. Ouvrir ce type de magasins demande un savoir-faire et une expertise: il ne s’agit pas uniquement de vendre des produits en surstock. En réalité, ces retailers sont en relation directe avec les fournisseurs.”
Afin de réduire les coûts, ils se fournissent généralement en Asie. Mais ils profitent également des politiques tarifaires différentes au sein même de l’Europe. “Les grandes marques peuvent vendre à des prix différents selon les pays”, rappelle le rédacteur en chef de Gondola. Et quand ces achats ont volumineux, ils ne peuvent qu’aboutir à des prix cassés…
Un deuxième Action?
De Tedi à Action, ce business model basé sur les prix bas est similaire. Les deux chaînes de magasins ne sont d’ailleurs pas très différentes, n’était le fait que Tedi est davantage axée sur la décoration et qu’Action vend plus facilement de l’alimentaire. Mais si Tedi précise qu’elle partage entre 60 à 70% de l’offre avec sa concurrente néerlandaise, elle se dit confiante dans l’intérêt que sauront lui porter les consommateurs. “Les clients qui viennent chez Tedi se transforment rapidement en clients réguliers”, assure Isabell Steinhüser.
“Action a pris 3,5% de part de marché sur la grande distribution classique, c’est énorme!”
“Il faut quand même être sacrément culotté pour tenter de concurrencer Action”, décrypte Christophe Sancy, qui considère l’enseigne néerlandaise “too big to fail”, trop grande pour échouer. Sa position de numéro 1 lui permet en effet de poursuivre sa croissance exponentielle. “Action a pris 3,5% de part de marché sur la grande distribution classique, c’est énorme!”, ajoute le spécialiste. Et ce, principalement avec les produits d’hygiène et de cosmétique qui échappent désormais aux retailers classiques.
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Le succès actuel de ce modèle est sans aucun doute aussi à mettre au crédit de l’inflation. Grâce aux prix cassés, les consommateurs peuvent céder à des achats impulsifs, mais sans culpabiliser. “Ils surveillent leurs dépenses dans le retail classique mais compensent et se font plaisir dans le low end retail”, explique Christophe Sancy. Action, par exemple, a enregistré un bénéfice de 30% cette année, illustrant ce phénomène de compensation sur lequel Tedi compte lui aussi surfer. Au point de pouvoir un jour contester à son concurrent sa place de numéro 1? Le match ne fait que commencer.
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