Stress, guerre, pandémie: la philo au secours des patrons
Un dérèglement climatique, une pandémie mondiale, une guerre aux portes de l’Europe, des matières premières qui se raréfient, une angoisse qui grandit… De mémoire de CEO, on n’avait plus connu autant de crises dévastatrices en si peu de temps. Le doute s’installe, les questions fusent et la première d’entre elles s’impose comme une évidence: comment tenir fermement la barre de son entreprise lorsque des éléments hautement perturbateurs viennent redistribuer les cartes de la gestion au quotidien?
Car dans le sillage des paramètres purement logistiques viennent s’immiscer d’indéniables facteurs psychologiques. L’isolement social dû au télétravail, la perte de points de repère en ces temps chahutés et, surtout, l’augmentation significative du stress parmi les employés obligent aujourd’hui les patrons à explorer de nouvelles pistes pour guider au mieux leurs troupes dans la tourmente.
Au-delà de la tendance des coachs en tout genre et des petits traités d’épanouissement personnel qui abondent sur le marché de la peur, Trends-Tendances a fait le choix de prendre un peu de hauteur en interrogeant des philosophes sur la crise actuelle et, principalement, sur les réponses que pourrait apporter leur discipline aux angoisses des patrons d’entreprise.
Comme le souligne d’emblée l’essayiste Julia de Funès qui ouvre notre série d’interviews, la philosophie n’aide certes pas à mieux vivre, mais à mieux penser ce que nous avons vécu et ce que nous revivrons peut-être. “Il est assuré que les moments de crise sont des opportunités de progression, ajoute-t-elle. C’est quand le réel change, que l’esprit se voit contraint d’inventer et de progresser.”
Stimuler la créativité de l’esprit par le changement de paradigme est également au centre des préoccupations de Luc de Brabandere, le philosophe d’entreprise belge que nous avons aussi rencontré, à l’instar de l’écrivain français Pascal Bruckner qui a récemment signé un “petit traité d’élévation” nommé Dans l’amitié d’une montagne aux éditions Grasset.
“Le philosophe d’entreprise amène le patron dans des zones inhabituelles de la pensée, confie Luc de Brabandere. Attention, il ne s’agit pas de penser à sa place, mais de lui montrer comment on pense. Le philosophe ne dit pas au patron ce qu’il doit faire. Il clarifie. C’est ça, l’essentiel de mon métier.”
Clarifier, prendre de la hauteur, essayer d’être utile: voilà aussi la mission des deux autres personnalités interviewées pour ce dossier spécial, à savoir le consultant Philippe Bloch et le philosophe Pierre d’Elbée, auteur d’un étonnant Aristote, 10 clés pour repenser le management, paru aux éditions Mardaga il y a quelques mois à peine. “Les grands entrepreneurs sont toujours des gens qui réfléchissent sur le sens de leur vie, note Pierre d’Elbée. Ils prennent le temps de s’informer, d’avoir un regard sur le monde, de se ressourcer. Ils prennent la peine, souvent tôt le matin selon ce que j’ai pu observer, de lire des journaux, des livres, etc. Et je crois qu’ils ont tout compris. Ceux qui sont efficaces dans leur pratique sont ceux qui pensent. Bergson disait: penser en homme d’action et agir en homme de pensée.”
Avant de rappeler ces mots pleins d’espoir de l’empereur romain Marc Aurèle: “Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut pas être changé et le courage de changer ce qui peut l’être. Mais aussi la sagesse de distinguer l’un de l’autre”.
Des citations de philosophes qui, nous l’espérons, muscleront votre réflexion en ces temps compliqués.
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