Stefan Pichler, CEO Henkel Belgique: “L’innovation, ce n’est pas 
un prétexte pour augmenter 
les prix”

Henkel
© Getty Images
Camille Delannois Journaliste Trends-Tendances  

Le groupe Henkel place la durabilité au cœur de ses innovations. Pour le responsable belge du groupe, 
Stefan Pichler, ce sont ces dernières qui feront à terme la différence avec les marques de distributeur 
pour attirer à nouveau les consommateurs vers les marques A.

“Les marques A ont encore de belles perspectives”, assure Stefan Pichler, CEO du groupe Henkel qui possède des marques de détergent telles que Persil et Le Chat ou encore des cosmétiques comme Schwarzkopf, Fa, Syoss. L’Autrichien qui a pris la tête du groupe l’année dernière dirige également la division Henkel Consumer Brands, qui regroupe les activités du groupe dans le domaine de la consommation.

Stefan Pichler, CEO Henkel Belgique

L’entreprise s’est transformée en 2023 et a créé une unité commerciale pour toutes ses marques grand public : elle a ainsi réuni deux de ses trois divisions avec notamment la fusion des divisions des produits d’entretien et des produits beauté alors que la division colles et adhésifs reste distincte. Tous les produits, du shampoing Schwarzkopf au détergent Persil, sont donc réunis. “C’était logique de fusionner étant donné les nombreuses similitudes entre les catégories, explique Stefan Pichler. Nous nous adressons aux mêmes clients et aux mêmes consommateurs. Les gens font la lessive avec Persil et utilisent le shampoing Syoss. C’est également plus efficace pour nos partenaires détaillants, qui n’ont plus qu’un seul interlocuteur au lieu de deux.”

Globalement, Henkel a vu ses volu­mes diminuer l’année dernière, mais s’est stabilisé cette année. La tendance commence même à s’inverser. “C’est un signal très positif, car nous avons dû augmenter le prix de nos produits en raison de l’inflation”, ajoute le CEO qui rappelle que les références entre catégories ont été perturbées par la crise sanitaire et la crise du pouvoir d’achat. “Nous avons vécu deux périodes assez particulières en termes de consommation”, rappelle-t-il. “Pendant la crise sanitaire, les gens ont passé beaucoup plus de temps à la maison, ce qui a été un facteur déterminant, par exemple pour nos détergents et nos produits d’entretien des toilettes”, ­analyse-t-il.

Des innovations inspirées des tendances

Henkel assume avoir dû augmenter ses prix durant la période d’inflation. “Dans la limite du raisonnable, ajoute le CEO. Nous avons augmenté nos prix dans une mesure inférieure à l’augmentation des coûts.”

Avec les hausses de prix et la crise du pouvoir d’achat, le comportement des consommateurs a varié selon les catégories : par exemple dans les catégories de “luxe” telles que les blocs WC, les volumes ont diminué alors que les produits de coloration pour cheveux se por­tent très bien. “Les consommateurs vont moins souvent chez le coiffeur et privilégient l’alternative à domicile”, observe Stefan Pichler.

Dans le domaine des détergents, la tendance qui était aux marques de distributeurs, en raison de l’inflation, commence à s’inverser. “Dans nos catégories, les marques de distributeurs diminuent et les marques A retrouvent de la croissance”, se réjouit Stefan Pichler. “C’est une tendance qui concerne davantage les produits non alimentaires”, précise-t-il.

Tant pour les catégories déter­gents et soins maison que cosmétiques, les marques de distributeurs ont vu leur part de marché augmenter en 2022 et 2023. Cette année, elles diminuent respectivement de 17,3 à 17,1% et 7,9 à 7,6%, selon les chiffres Nielsen.


Pour le responsable, la différence avec les marques de distributeur va continuer de se creuser en faveur des marques A grâce à l’innovation. “Le niveau d’investissement du groupe sur le marché belge n’a jamais été aussi élevé”, note le CEO qui ajoute que le Benelux est un marché prioritaire pour Henkel en Europe.

Afin d’innover, le groupe s’intéresse de près à ses consommateurs, jusqu’à les rencontrer… lorsqu’ils lavent leurs vêtements. “C’est une particularité de nos équipes, nous allons chez les clients et observons comment ils font leur lessive”, pointe Stefan Pichler. “Nous apprenons beaucoup de ces visites à domicile et cela donne lieu à des innovations.” L’une d’elles se trouve d’ailleurs dans une nouvelle formule des Persil Power Bars : grâce à une nouvelle enzyme, le produit lave non seulement les vêtements, mais a la particularité de combattre les mauvaises odeurs issues de la saleté et des résidus que contient la machine à laver. “L’innovation, ce n’est pas un prétexte pour augmenter les prix, c’est une amélioration de nos formules afin de commercialiser les meilleurs produits sur le marché”, poursuit Stefan Pichler.

© REUTERS

En plus des visites à domicile, l’entreprise surveille les tendances sur les réseaux sociaux afin d’adapter ses produits. “Surtout pour la catégorie des cosmétiques”, avance le responsable qui prend l’exemple de la “hairification“, cette tendance qui fait référence au fait de traiter son cuir chevelu avec la même attention que la peau du visage en adoptant des routines et des soins spécifiques. Sur les réseaux sociaux, l’intérêt se traduit par plus de 1,4 milliard de vues sous le hashtag #scalpcare et 21,1 milliards de vues pour #haircare sur TikTok en juin 2023. En comparaison, #climatechange représente 5,5 milliards de vues sur la même période.

Le poids croissant des soins capillaires s’exprime également à travers la dynamique de son marché puisque le marché mondial des soins des cheveux et du cuir chevelu devrait croître et afficher un taux de croissance annuel de 7% entre 2022 et 2030, contre 4,6 % pour le segment des soins de la peau sur la même période. Autre tendance venue du réseau social ? L’effet miroir pour rendre les cheveux les plus brillants possible. “Nous avons lancé un nouveau produit dans la gamme Gliss de Schwarkopf qui répond exactement à ce besoin”, poursuit le responsable.

Durabilité des produits

Concernant la durabilité, le responsable observe une attention particulière des consommateurs même si les produits “pure green” ne fonctionnent pas dans ces catégories. “Ce sont des produits de niche qui souffrent d’un prix trop élevé et d’une image trop nature qui affecterait leur performance”, analyse le CEO. Ce qui n’empêche pas le groupe de placer le développement durable en première place de ses objectifs. L’entreprise publie un rapport sur le développement durable depuis 1991. “Bien avant que ce ne soit une préoccupation pour les entreprises”, précise le responsable.

Pour 2025, l’entreprise s’engage à ce que l’ensemble de ses produits soient 100% recyclables ou réutilisables et contiennent plus de 30% de contenu recyclé. “Aujourd’hui, les bouteilles Persil contiennent déjà 50% de contenu recyclé” ajoute-t-il. Les sites de production devront également être 100% fournis en énergie renouvelable. C’est le cas aujour­d’hui pour six des usines du groupe, dont la deuxième plus importante, à Düsseldorf, produit sa propre électricité. Et de rappeler que chaque innovation doit être plus verte que la précédente en matière de consommation énergétique, de consommation d’eau et de recyclage.

“Etre une entreprise de produits chimiques n’empêche pas d’être responsable”, confirme Stefan Pichler qui rappelle que le rôle des consommateurs est également essentiel. Lorsque vous regardez l’empreinte CO2 d’un produit, il y a quatre composantes auxquelles prêter attention : le packaging et les matières premières, la production, l’utilisation et le recyclage. “En réalité, 80% du CO2 proviennent de l’usage du produit, assure Stefan Pichler. Cela signifie qu’il y a une énorme marge dans l’utilisation des produits, c’est pourquoi nous essayons de sensibiliser le consommateur à ne pas surdoser les produits et l’inciter à laver à une température moins élevée.” Les produits Henkel sont par exemple conçus pour fonctionner à 20 degrés.

Intensité promotionnelle

D’autres tendances restent inchangées sur le marché. C’est le cas de la commodité, par exemple. “Particulièrement pour les déter­gents, nos capsules prédosées rencontrent un large succès”, affirme Stefan Pichler. La digitalisation se développe également. Malgré l’importance de l’e-commerce, Henkel ne souhaite pas vendre directement au consommateur, son business model étant exclusivement B to B. Dix pour cent du chiffre d’affaires du groupe est réalisé via l’e-commerce, par l’intermédiaire de marketplaces. “C’est un canal important qui se développe rapidement”, assure le CEO qui nuance le rôle du marché belge dans cette croissance. “Cela provient principalement des acteurs néerlandais comme Bol.com par exemple.”

Ces acteurs perturbent par ailleurs le marché belge et intensifient les demandes de promotions. “La pression promotionnelle a toujours été forte dans nos catégories, mais elle l’est encore davantage depuis que les distributeurs veulent se montrer compétitifs avec des acteurs néerlandais comme Albert Heijn, champion des promotions, observe le CEO. La catégorie des détergents a toujours été sujette aux promotions pour attirer le consommateur.”

Des promotions qui, pour le responsable, n’ont pas de conséquence sur la perception de la valeur du produit. “Nous travaillons sur nos marques de manière à ce qu’elles ne soient pas restreintes à une image de ‘1+1 gratuit’, mais qu’il y ait un véritable attachement du consommateur à celles-ci”, ajoute-t-il.

Les technologies adhésives, autre activité d’Henkel

Autre activité du groupe Henkel moins connue du grand public : les technologies adhésives qui constituent la moitié de son activité. Le groupe est leader du marché sur ce segment. “Les produits adhésifs se trouvent dans de nombreux produits du quotidien, affirme Stefan Pichler. Dans chaque téléphone ou ordinateur portable, il y a de la colle Henkel.”

Depuis que le collage est utilisé comme une méthode d’assemblage industrielle en complément d’autres techniques telles que le soudage et le rivetage, un grand nombre de travaux de recherche, de développement et d’ingénierie ont été réalisés pour créer des solutions d’adhésifs industriels. L’entreprise ne commercialise donc pas directement ses produits d’adhésifs industriels, mais équipe notamment les fabricants de voitures par exemple.

En plus des adhésifs industriels, l’entreprise commercialise d’autres marques comme Pritt ou Pattex qui sont elles vendues aux consommateurs dans les grandes surfaces.

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