Les cycles des entreprises: des crêtes exaltantes et des creux (parfois) vertigineux
C’est souvent bien trop tard, lorsque tout s’effondre commercialement, que les entreprises en quête de solutions se tournent frénétiquement vers le conseil, le coaching ou la formation.
Hier encore, tout leur semblait parfait : une croissance fulgurante, des résultats éclatants. Il n’y avait, alors, aucune raison d’agir ! Pourtant, c’est dans ces moments de félicité qu’il faut se préparer aux tempêtes. Ignorer ce principe, c’est surfer sur la crête du succès en oubliant que chaque vague finit par retomber.
Quand une entreprise profite de conditions particulièrement favorables et en récolte les fruits, elle s’enferme fréquemment dans un biais d’autocomplaisance, s’attribuant tout le mérite de ses résultats et oubliant que le succès est parfois autant une question de circonstances que de talent. Cela peut être dû à la mise sur le marché d’un produit innovant et très attendu, ou à des facteurs externes avantageux : des subsides, des taux d’emprunt historiquement bas, ou la libération d’un réservoir de clients solvables, comme après la crise du covid.
Pour ces organisations, le succès semble porté par une vague irrésistible de demandes entrantes. Toute l’énergie se concentre sur une réactivité effrénée pour absorber cette croissance. Les commerciaux “surfent” sur la crête, persuadés d’avoir atteint le sommet de leur art, échangeant leurs chiffres éclatants dans une euphorie collective. Mais ils oublient un adage essentiel : une mer calme n’a jamais fait de bons marins !
Inexorablement, la tendance finit par s’inverser. Parfois brutalement, avec la fin soudaine d’une condition externe ou d’un soutien tiers. Parfois insidieusement, par l’épuisement d’une niche ou l’émergence d’une concurrence. L’organisation commerciale se retrouve désemparée ! Les chiffres dégringolent, le carnet de commandes s’amenuise, et l’entreprise, prise de court, s’efforce maladroitement de compenser.
Elle mobilise alors ses équipes pour dénicher de nouvelles affaires et mieux concrétiser celles en cours. Elle découvre alors tout à coup qu’elle ne dispose pas d’une véritable force de vente. “Je n’ai pas de vendeurs !”, m’a un jour lancé, désespéré, un client. Car c’est souvent à ce stade critique que l’on me sollicite pour tenter d’implanter les bons réflexes. Mais le problème est plus profond : toute la culture commerciale de l’entreprise s’est construite autour de la réponse passive aux demandes entrantes. Sortir de ces habitudes confortables devient alors un défi colossal avec le risque important de chavirer à la première tempête.
Pire encore, dans cette tourmente, l’organisation s’enferme parfois dans la nostalgie morbide d’un âge d’or révolu, espérant un retour miraculeux de ses jours de gloire. Plutôt que de retrousser ses manches et en sortir grandie, elle s’abandonne à une attente stérile. Et pourtant, la clé était ailleurs : c’est dans les beaux jours qu’il faut se préparer aux tempêtes. Improviser dans l’urgence ne débouche jamais sur du positif.
Cultiver la résilience
L’histoire d’une entreprise est faite de cycles : des crêtes exaltantes, suivies de creux parfois vertigineux. Si vous ne pouvez empêcher cette oscillation, vous pouvez vous y préparer en créant dès aujourd’hui, et de façon durable, une culture commerciale solide, bâtie sur six principes fondamentaux :
1. Choisissez vos clients. Même lorsque tout prospère, ne laissez pas l’enthousiasme masquer l’importance d’un ciblage rigoureux. Lorsqu’un retournement de marché surviendra – et il surviendra – il sera essentiel de pouvoir concentrer vos efforts sur les clients capables de reconnaître votre valeur ajoutée. Évitez de vous disperser. Prenez, dès aujourd’hui, le temps d’identifier vos clients prioritaires : ceux qui resteront fidèles. Vous bâtirez ainsi une base solide et résiliente pour traverser les périodes difficiles.
2. Prospectez avant d’en avoir vraiment besoin. La prospection n’est pas un luxe, mais une nécessité, même si les demandes entrantes remplissent déjà votre agenda. En période faste, consacrez au moins 10% de votre énergie à chercher activement de nouvelles opportunités : élargir votre clientèle, explorer de nouveaux segments, et affronter scepticisme ou résistance. Ce travail forge des compétences cruciales : convaincre, rebondir, et transformer les refus en opportunités. Cette démarche est une hygiène commerciale essentielle. Car le jour où le flux entrant se tarira, seuls ceux qui auront appris à ouvrir de nouvelles portes survivront.
La prospection n’est pas un luxe, mais une nécessité, même si les demandes entrantes remplissent déjà votre agenda.
3. “Always Be Closing”. Qu’on pourrait traduire par “Toujours concrétiser.” La performance commerciale se mesure tout au long du parcours client, pas seulement aux résultats finaux. Analysez vos taux de transformation : combien de demandes engendrent des propositions, et combien deviennent des affaires signées ? Ces indicateurs révèlent vos forces et vos faiblesses. Même en période faste, perfectionnez la compétence de conversion. Intégrez-la à vos critères d’évaluation. C’est un entraînement permanent qui prépare vos équipes à conclure efficacement, même quand les opportunités se raréfient.
4. Prenez l’habitude de vous entraîner. Le talent commercial se forge par la pratique et l’entraînement. Rejouez vos appels, analysez vos démos et travaillez vos réponses aux objections, car elles reviendront, souvent plus fortes. Ces exercices d’équipe ne sont pas des répétitions, mais des simulations qui vous préparent à réagir sous pression. Intégrez-les à votre culture d’entreprise, comme vos réunions stratégiques. La résilience se cultive par des habitudes régulières et une préparation constante.
5. Faites des clients, pas juste des numéros. Un client n’est ni un bordereau ni une commande à traiter. Prenez le temps de récupérer soigneusement et d’utiliser judicieusement ses besoins, aspirations et frustrations. Ces données sont la clé pour bâtir une relation durable qui inspire confiance et fidélité. Transformez vos clients satisfaits en ambassadeurs de votre marque. Offrez-leur une expérience exceptionnelle, restez proactifs, et invitez-les à partager leur satisfaction en ligne ou à recommander vos services. Utilisez leurs insatisfactions pour vous améliorer en permanence. Faites de vos clients engagés votre premier levier de croissance.
6. Restez en veille. Ne perdez jamais de vue vos concurrents. Observez-les : qu’est-ce qu’ils font de mieux, de plus audacieux ? Où se situent leurs forces et failles ? Le but n’est pas de les imiter, mais de les devancer. Faites de chacun de vos commerciaux le spécialiste d’un concurrent clé. Cette approche crée une base commune pour riposter, anticiper les mouvements de la concurrence et ajuster vos stratégies. Être compétitif ne se limite pas à réagir ! Conservez un coup d’avance.
En conclusion, préparez toujours le pire pour espérer le meilleur. C’est quand tout va bien qu’il faut renforcer les fondations capables de résister aux secousses. Préparez-vous au pire, non par pessimisme, mais pour espérer le meilleur en toute sérénité.
Ne confondez pas opportunité et pérennité. Une organisation résiliente voit dans chaque cycle une occasion de se réinventer, d’évoluer et de monter en compétence. Elle transforme les défis en apprentissages et les ruptures en leviers de performance. z
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